Abstract

Dans les sociétés mondaines, à l’époque classique, avoir de l’humour—terme anachronique—c’est être spirituel. L’esprit est la qualité la plus précieuse que peut avoir un galant, mais cette qualité est aussi rare qu’indéfinissable, et elle peut se transformer en défaut rédhibitoire. On ne peut approcher de l’esprit qu’en définissant ce qu’il n’est pas (la sottise, l’érudition, le sérieux), mais la difficulté tient également au fait que ce concept qui doit organiser les relations sociales dans le cadre des salons est constamment susceptible de se corrompre, et de devenir non plus le principe sur lequel se fonde l’harmonie des mondains, mais une arme qui réintroduit la violence dans un univers galant qui se voulait apaisé. Cette ambiguïté fondamentale de l’esprit était déjà présente dans les textes de Bouhours ou de Méré, eux qui n’ont cessé de distinguer le véritable esprit du faux esprit ou de la médisance, et c’est elle qui explique l’émergence d’une forme dégradée de l’esprit, le « bon ton », que condamnent tant Crébillon que Duclos. Le tableau des mœurs que proposent les auteurs du xviii e siècle est si négatif que l’on est en droit de se demander si l’« esprit » peut encore être perçu positivement, et si cette forme d’humour reste acceptable.

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