Abstract

La dernière œuvre de Gerty Dambury, Trames, montée au musée Dapper, à Paris en novembre 2008 met en scène l’histoire d’une femme guadeloupéenne, Gilette, confrontée à son fils Christian, jeune homme dans la vingtaine, chômeur, toxicomane et vivant tragiquement ses appartenances identitaires. Deux fois par semaine, Gilette offre à dîner à Christian. Ces rencontres ont lieu sous le regard de Dabar, personnage muet, interprété par une femme. D’emblée on pense à un procédé de mise en abîme du spectateur mais les choses sont un peu plus complexes. En effet, comme Gilette se consacre à mettre par écrit des témoignages de femmes préalablement enregistrés sur cassettes, elle donne corps à une femme écrivaine et témoin. A partir des voix enregistrées, elle « rassemble les éléments » pour constituer un texte. L’espace de la scène met donc aussi en abîme une forme d’écriture particulière à mi chemin entre le témoignage, le récit de vie et ce qu’on a appelé le théâtre auditif par opposition au théâtre visuel.

En 2005, Gerty Dambury a offert au public New-yorkais une version auditive du texte Jaz de Koffi Kwahulé. A l’instar de Becket et de Duras, elle misait sur le pouvoir de la voix et les facultés d’un acteur à dramatiser un texte sans qu’on voie sa gestuelle. Pour Trames le défi de mise en scène de Gerty Dambury est différent. Poursuivant sa quête artistique sur la fonction de représentation et/ou de non-représentation du théâtre, sa gageure consiste à donner une place entière à la puissante présence de la voix et au spectacle du corps. Partant d’une analyse du personnage de Dabar en tant qu’agent d’une double transmutation qui fonctionne à la fois comme métaphore et métonymie du pouvoir de transformation du théâtre, cet article explore également la dimension thérapeutique d’une œuvre telle que Trames. Le sens étymologique du mot thérapeutique est en grec ancien « au service de ». D’une mise en abîme à l’autre, la notion de service met en place un jeu d’ombre et de lumière qui, tout en démultipliant les capacités de la scène à contenir plusieurs sens, les remet aussi en question. L’espace scénique se déroulerait-il à la manière d’une bande de Moebius?

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