In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

  • Une nouvelle Weltanschauung :Manifestation de l’esprit moderne dans l’art dramatique
  • Sara Bressan

Au début du XXe siècle en Europe, le théâtre « va entrer dans une crise endémique : ce qui est en cause…c’est la notion même de représentation, qu’il apparaît de plus en plus difficile d’ajuster aux contours d’un monde en plein bouleversement et d’un moi incertain de ses propres frontières et de sa propre nature » (Abirached 12). Il s’agit donc d’une incertitude profonde et généralisée qui touche l’art en général, la fiction et le théâtre en particulier et qui impose de repenser les formes de la représentation et du récit.

Dans le présent article, en comparant la préface de l’ouvrage de Strindberg, Mademoiselle Julie, et la préface de la pièce de Pirandello, Six personnages en quête d’auteur, nous allons démontrer que ces deux textes fonctionnent comme des véritable manifestes programmatiques : en développant une nouvelle vision du personnage, les deux préfaces mettent en cause la forme classique du théâtre et, en proposant de nouvelles théories et techniques, elles ouvrent la voie à la modernité.

En 1888 Strindberg écrit le drame en un acte, Mademoiselle Julie (Fröken Julie, Ett naturalistiskt sorgespel). Comme indiqué dans le titre, il s’agit d’un drame naturaliste.1 L’aristocrate Mademoiselle Julie, la protagoniste de la pièce, se donne au valet de chambre de son père pendant la nuit de la Saint-Jean. Après la faute, l’héroïne, de caractère faible et suggestionnée par les mots de son amant, est amenée à se suicider. Mais en quoi ce drame diffère-t-il des précédents? Où se situe sa modernité ?

La nouveauté réside dans une nouvelle théorisation du personnage, si bien présentée par Strindberg dans sa préface. L’auteur nous dit que le terme caractère indiquait autrefois les aspects prédominants de l’âme. Ensuite, l’époque bourgeoise a employé cette expression pour indiquer les traits fixes, immuables d’une personne; à partir de ce moment, cette fixité des traits de l’esprit, cette manière dogmatique de considérer les êtres, sont transposées au théâtre. [End Page 223]

Toutefois, Strindberg

ne crois pas aux caractères simples. Et les jugements sommaires de l’auteur sur les hommes: un tel est sot, tel autre est brutal, un troisième est jaloux, le quatrième est avare, etc. devaient être invalidés par les naturalistes qui savent, eux, combien riche est une âme et que le « vice » a un envers qui ressemble beaucoup à la vertu.

(Strindberg 15-16)

Pour l’écrivain suédois, les personnages ne sont plus les caractères fixes de la bourgeoisie, mais « des conglomérats de civilisations passées et actuelles » (Strindberg 16). Et il nous explique que cette conception nouvelle du caractère s’est constituée « en laissant celui qui est faible voler les mots au plus fort, et les répéter, en laissant les esprits emprunter des “idées”…les uns chez les autres. Mademoiselle Julie est un caractère moderne… » (Strindberg 16).

Dans les Six personnages en quête d’auteur de l’écrivain italien Luigi Pirandello, s’opère une rupture, une déchirure. Selon le critique italien Barberi Squarotti « le drame s’est réellement déroulé, mais il n’a pas trouvé son auteur, ce qui a comme conséquence le fait qu’il n’a même pas trouvé sa durée, son exemplarité, sa valeur. C’est seulement une rupture radicale, atroce, flagrante, dans la fiction du théâtre et de la vie comme convention, rituel, récitation, répétition » (15; ma traduction).

La pièce est la manifestation d’un « drame impossible » (Szondi 118) et, dans sa longue Préface, Pirandello décrit, en particulier, l’inconcevable existence des personnages dans le théâtre contemporain. Mais qu’est-ce que l’auteur rejette? La réponse à cette question implique toute la dynamique du théâtre...

pdf

Share