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  • Introduction aux discours coloniaux by Norbert Dodille
  • Edgard Sankara
Norbert Dodille. Introduction aux discours coloniaux. Paris: Presses de l’Université Paris- Sorbonne, 2011. isbn 9782840508120. 246 p.

Norbert Dodille était jusqu’à son décès professeur à l’université de La Réunion et membre du Centre de recherches littéraires et historiques de l’Océan indien (crlhoi). Son ouvrage Introduction aux discours coloniaux est une somme d’érudition et de critique qui intéressera le monde des chercheurs et des étudiants en littérature et histoire coloniales. L’ouvrage se distingue par un rappel des opinions et prises de positions autour de la colonisation, par leur mise en contexte, par l’examen critique des discours historiques et par une critique distante et farouche des Postcolonial Studies. Le livre couvre la période de la colonisation sous l’Ancien Régime jusqu’à la Révolution, le dix-neuvième siècle jusqu’à la Troisième République, et enfin la période de l’expansion coloniale à partir de 1880. Cependant l’analyse de Dodille se focalise sur la colonisation après 1880. À la question “Comment écrire une histoire des colonies ou de la colonisation après les indépendances?” Dodille répond que la colonisation a été une expérience complexe et constitue le lieu et le temps d’affrontement d’une pluralité de discours contradictoires: politiques, historiques, scientifiques, et critiques.

Dodille établit une périodisation du discours historique sur la colonisation en quatre étapes. [End Page 255]

  1. 1. La période de la décolonisation (les années 1950–1960). Le discours historique est fortement imprégné d’une orientation marxiste visant à “décoloniser l’histoire.”

  2. 2. La période de l’indépendance (les années 1960–1970). L’analyse anti-colonialiste du discours historique persiste, et l’on assiste à une réinterprétation du comportement des autochtones, à un renversement des valeurs et des stéréotypes.

  3. 3. La deuxième décennie de l’indépendance (les années 1980–1990). Il y a un retour à plus d’ “objectivité,” à une relativisation de l’analyse marxiste sur la colonisation. Cette période se caractérise par le retour aux faits et par l’analyse des groupes sociaux et de leurs rôles pendant la colonisation: les jeunes, les femmes, etc.

  4. 4. Les années 2000. Dans un contexte de “la guerre des mémoires” le discours historique se refocalise sur la France métropolitaine. En France, il y a un regain d’intérêt pour la période coloniale, et un renouveau du point de vue européen. On établit un lien direct entre les problèmes de l’immigration, des banlieues et de la période coloniale. L’historienne Catherine Coquery-Vidrovitch écrit “[…] La culture coloniale de l’hexagone [nous revient] en boomerang depuis l’an 2000.” Devant cette pluralité du discours historique français, Dodille soutient que “Les historiens ont un ‘devoir d’histoire’ face aux manipulations de l’histoire.” (25)

Dans le chapitre “Discours descriptif. Des indigènes,” Dodille montre que, déjà au dix-huitième siècle, il y eut une tentative de définition de la “race” noire par les encyclopédistes. Dans l’échelle des valeurs sémiotiques de l’époque, le nègre devient l’équivalent du “non-blanc.” Dans cette symétrie, le nègre est affublé de toutes les tares. La couleur noire a été stigmatisée et a été l’objet de la curiosité scientifique. Le discours scientifique lui attribue des valeurs psychologiques et métaphysiques dévalorisantes.

Dodille réévalue la place des pionniers du discours revalorisant du nègre. Frobenius est resté dans l’histoire comme le pionnier qui a révélé à l’Occident l’existence de l’histoire et de la civilisation noires, prenant ainsi le contre-pied du négationnisme de Hegel et de “l’imperfectionnisme” de Renan. Selon Dodille, Frobenius avait été devancé dans ce rôle par des pionniers comme l’armateur Jules Charles-Roux (1903) et les auteurs Marius-Ary Leblond (1906) qui avaient déjà rejeté les affirmations de Renan et prônaient une conception plus profonde et plus nuancée de l’Afrique et...

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