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  • Amérique du Nord:Québec
  • Jean Levasseur

Ouvrages de fiction

Beauchemin, Yves, La Serveuse du café Cherrier. Montréal: Éditions Michel Brûlé, 2011. isbn 9782894855829. 448 p.

Depuis L’Enfirouapé, son premier roman injustement oublié (1974), poussé dans l’ombre par l’extraordinaire succès que reçut sa deuxième œuvre, Le Matou (1981), quiconque ouvre les premières pages d’une nouvelle mouture de l’imaginaire d’Yves Beauchemin sait avec une certitude calme qu’il trouvera plaisir à voyager dans un univers de personnages colorés et bien campés tant dans leur rôle que dans leur contexte d’action. La dynamique de La Serveuse du café Cherrier (et plus tard du café Gerbederose) tourne à l’origine autour d’un étrange couple composé par Mélanie Gervais, très jolie jeune fille de Trois-Rivières blessée par la vie et par une mère sournoise et détestable, et une connaissance montréalaise permise par le hasard, Pierrot Bernard, singulier quinquagénaire qui se dit écrivain—il rédige une biographie romancée de Paul Newman—, mais qui pour plaire et se démarquer se voit obligé d’emprunter aux mots d’écrivains célèbres, au mensonge et à la manipulation. Avec la justesse du mot qu’on lui connaît, Beauchemin crée un homme au charme d’autrefois, à la libido bien employée et aux traits généraux quelquefois sympathiques, quelquefois antipathiques, qui laissent le lecteur en suspens sur l’affection qu’on devrait ou non lui porter, et ce jusqu’à ce qu’il s’affiche sous son véritable jour et parte à la chasse de la mère, après avoir bien utilisé la fille. Quiconque connaît Beauchemin sait toutefois que l’histoire ne pouvait s’arrêter à la simple exploitation économique, et s’y ajoutent bientôt le meurtre, l’omniprésence d’un sombre ennemi à la Ratablavasky (Julien Périgord) et une tromperie à laquelle on ne se serait jamais attendu. Certes, même s’il n’a pas le souffle ni la complexité du Matou, de Juliette Pomerleau ou des Émois d’un marchand de café, La Serveuse du café Cherrier ne déçoit nullement, tant par les rebondissements de son action que par la couleur de ses personnages.

Kokis, Sergio. Culs-de-sac. Montréal: Lévesque éditeur, 2013. isbn 9782924186121. 250 p.

Fier disciple des existentialistes, Sergio Kokis renoue ici avec la nouvelle, offrant aux lecteurs quinze récits où priment les notions d’angoisse, de mort, de solidarité, de combat, de souffrance et, somme toute, de condition humaine. Confession d’un médecin emprisonné décidé à commettre un suicide, huis clos théologique, [End Page 211] soirée autour d’un mort, avec ses multiples histoires et rappels du passé, concept de l’amour en un lieu et une époque passés où la virginité était de mise: voici quelques-uns des multiples sujets mis en scène par ce valeureux conteur, résidant montréalais né à Rio de Janeiro en 1944.

C’était une histoire banale dans ce temps-là. Vue d’aujourd’hui, la situation apparaît comme très anachronique, voire ridicule ou même grotesque. Il n’y avait alors pas de pilule anticonceptionnelle, la plupart des jeunes filles bourgeoises se consacraient presque uniquement à l’attente d’un mariage et il n’y avait pas beaucoup de camaraderie entre les jeunes hommes et les jeunes femmes. Les relations sexuelles avaient surtout lieu soit au bordel, soit dans le lit conjugal [. . .]. (“L’amour au temps des vierges” 56)

Quelquefois hermétique, quelquefois léger, mais jamais inintéressant.

Poulin, Jacques. L’Homme de la Saskatchewan. Montréal/Paris: Leméac/Actes Sud, 2011. isbn 9782330003913. 123 p.

Un peu à l’image de Michel Tremblay qui, dans son dernier roman, La Grande Mêlée, venait fermer la boucle de son immense saga familiale, Jacques Poulin vient, dans L’Homme de la Saskatchewan, rattacher ces fils qu’il avait laissés se balancer librement au gré du vent de ses récits passés. Ses fervents lecteurs seront ainsi heureux de retrouver tant la Grande Sauterelle (Pitsémine) et le Jack...

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