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Reviewed by:
  • Philippe de Commynes: Memory, Betrayal, Text by Irit Ruth Kleiman
  • Pauline Souleau
Philippe de Commynes: Memory, Betrayal, Text. By Irit Ruth Kleiman. Toronto: University of Toronto Press, 2013. viii + 296 pp.

‘Commynes le traitre’: telle est la conception de l’identité commynienne qu’Irit Ruth Kleiman parvient à réévaluer avec brio dans cet ouvrage. Son intention est, entre autres, d’examiner la symbiose entre écriture et trahison, auteur (Commynes) et roi (Louis XI). Sa thèse repose sur les rôles de la textualité, du récit et de la mémoire dans le cheminement commynien entre assujettissement royal et subjectivité individuelle. Plutôt que d’envisager les Mémoires comme une ‘anthologie de la trahison’ (p. 13), Kleiman propose d’appréhender le récit comme constamment imprégné d’un discours critique polarisé [End Page 239] sur la loyauté et la traitrise. Son analyse pertinente est tout d’abord enrichie par un ajustement lexical, ‘the impossible quest to define betrayal’ (p. 14): le concept est examiné sous un angle contractuel, psychanalytique et linguistique. Trahison et modernité sont au cœur du chapitre 1, qui considère l’épisode de Péronne, face-à-face entre Commynes et Louis XI et événement qui déclencha la ‘trahison’ de Commynes envers Charles le Téméraire. Pour Kleiman, il n’y a pas de ‘vérité’ absolue quant à ce geste, seulement des approches différentes d’un même événement. Les chapitres 2 et 3 sont à envisager en binôme, car tous deux sont focalisés sur la portée du mot ‘enseigne’ dans les Mémoires: en tant que ‘cicatrice’ dans le portrait de Charles le Téméraire, il rend compte du lien entre textualité, spectralité et désir commynien. Cette enseigne devient l’emblème de la relation entre Commynes et Charles, une marque de silence qui se mue en signe de loyauté mais aussi de possession entre Commynes et Louis. Une telle marque a un prix, comme le montre le chapitre 4, à travers la donation de la principauté de Talmont, ‘don d’identité’ d’un roi (Louis) à un exilé sans patrie (Commynes) qui devient par là même le sujet privilégié du monarque. Talmont se retrouve pourtant être ce qui prive Commynes de cette identité renouvelée lorsque Louis, sur son lit de mort, ‘trahit’ Commynes en lui refusant ses droits sur ses terres adoptives. L’affaire de Talmont met en lumière l’importance des lettres en tant qu’objets et événements — thématique du chapitre 5—, et du lien entre écriture épistolaire et écriture des Mémoires. Le chapitre 6 analyse un autre cas de relation épistolaire, historique et littéraire en la personne du connétable de France, Saint-Pol. Le portrait de ce ‘traître’, ‘coincé’ entre Charles et Louis, n’est pas sans rappeler la position de Commynes. L’ultime chapitre porte sur les voix du texte commynien: celle de Commynes, auteur et narrateur, mais aussi acteur(s) des Mémoires, et celle de Louis XI, partenaire de l’union parfaite et imparfaite avec le mémorialiste, point de fusion et de fracture dans l’œuvre commynienne. Cet ouvrage est, à bien des égards, éclairé et subtil; les liens entre texte, textualité, trahison et mémoire sont démontrés avec verve. Le discours commynien est d’une telle richesse que, comme Kleiman le reconnaît elle-même, il est difficile de le cerner dans sa globalité. Ce livre est néanmoins idéal pour qui veut envisager l’écriture commynienne sous un nouveau jour.

Pauline Souleau
University of Oxford
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