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  • Fictions déjouées: Le Récit en trompe l’œil au xviiie siècle par Zeina Hakim
  • Françoise Gevrey (bio)
Fictions déjouées: Le Récit en trompe l’œil au xviiie siècle par Zeina Hakim Genève: Librairie Droz, 2012. 312pp. US$60. ISBN 978-2-600-01580-6.

Cet ouvrage reprend, en l’enrichissant, une thèse qui portait sur la théorie de la fiction au xviiie siècle. En élargissant les perspectives ouvertes notamment par Jan Herman à propos des préfaces et dans Le Roman véritable (2008), l’auteur tend à montrer que la croyance est alors chez le lecteur des fictions un « aveuglement consenti » dont jouent les romanciers en sachant que ce lecteur va à la fois céder à l’illusion et s’en arracher. Pour ce faire, l’étude s’appuie sur un corpus qui va des pseudo-mémoires de la fin du xviie siècle aux Salons de Diderot en passant par Lesage, Prévost et Marivaux. Des micro-lectures sont destinées à appuyer la démonstration.

Zeina Hakim commence par rappeler les théories concernant la fiction (Genette, Hamburger, Cohn, Schaeffer, Pavel) pour en dégager les propriétés ou les enjeux et pour en préciser minutieusement le lexique. Elle ne souhaite pas réduire la fiction à la pratique de la feintise, ni se limiter à une lecture sémantique; elle entend donc dégager les divers régimes de vérité pour définir ensuite la lecture comme un jeu auquel les romanciers se livreraient avec scepticisme.

L’étude est conduite selon un plan dialectique qui se divise en trois chapitres. Dans un premier temps (66 pages) il s’agit d’examiner la « fiction du non-fictif ». Les exemples sont pris dans les pseudo-mémoires de Courtilz de Sandras qui, par l’ensemble de leurs procédés d’authentification et par leur usage de l’histoire imposent ce type de fiction; il en va de même pour les préfaces de Prévost ou de Marivaux, et pour les « jeux d’accréditation » pratiqués par le narrateur de Gil Blas. [End Page 484] La démonstration s’étend à la manière dont Diderot noue un pacte de lecture et utilise le dialogue dans les Salons.

Au-delà de cette « croyance provisoire », il s’agit d’examiner dans un deuxième temps « la fiction avouée » (80 pages): les procédés de distanciation mis en œuvre (discordances, restrictions de champ, découpages, labyrinthe chez Prévost, refus des informations chez Marivaux, pratique de la métalepse dans les Salons), sont autant de façons de rompre l’illusion. La fiction paraît alors souvent se caractériser par l’hétérogénéité et par l’inachèvement, autant de raisons de cultiver l’incrédulité du lectorat.

Dans une dernière partie bien plus courte (25 pages), l’éclairage est dirigé sur le lecteur ainsi « mis en jeu » dans les paradoxes de la représentation. Hakim s’interroge sur la réception. Quels sont les effets produits sur le lecteur ainsi pris dans ce double mouvement? Elle convoque alors les théories de la lecture, autour de la coopération du lecteur, du besoin de le faire douter de la nature du texte (ce qui met le genre en question). Elle revient sur l’importance de la métalepse (après Genette et Michelle Bokobza-Kahan), sur la transgression, sur la porosité des récits. Il s’agit bien en effet de repenser les rapports que la littérature entretient avec le monde, et de souligner combien la fiction s’ouvre alors aux vérités nouvelles, politiques ou philosophiques, en étant le lieu d’une pensée critique. Les dernières pages, qui font un peu de place à Rousseau auteur des Confessions, tendent à nuancer le propos en revenant sur le fait que la littérature échappe à la théorie, et qu’on ne doit pas en oublier la « fragilité épistémique » (Y. Citton). Néanmoins le pouvoir de la fiction tiendrait à la dispersion, et l’histoire du roman pourrait s’écrire alors comme...

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