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  • La liberté guidant les peuples. Les révolutions de 1830 en Europe dir. by Sylvie Aprile, Jean-Claude Caron, Emmanuel Fureix
  • Stéphane Gacon
Sylvie Aprile, Jean-Claude Caron, Emmanuel Fureix (dir.). - La liberté guidant les peuples. Les révolutions de 1830 en Europe. Seyssel, Champ Vallon, 2013, 332 pages. « Époques, collection d’histoire ».

Partant de l’idée que les révolutions de 1830 sont injustement « oubliées et fragmentées », Sylvie Aprile, Jean-Claude Caron et Emmanuel Fureix ont réuni une équipe de spécialistes de l’Europe entière avec l’ambition de revisiter le moment 1830 et d’en sonder les logiques transnationales selon les schémas historiographiques du moment. L’événement s’y prête bien et nous disposons, avec cet ouvrage, d’une bonne synthèse des travaux en cours et d’une idée claire des pistes à explorer.

Du fait de leur rapide stabilisation ou de leur échec, les révolutions de 1830 ont moins laissé de traces dans la mémoire collective que les deux moments révolutionnaires qui les ont encadrées, la Révolution française et le « printemps des peuples ». Nous n’étions cependant pas complètement ignorants des mécanismes à l’œuvre à l’échelle européenne. Nous savions que ces révolutions avaient contribué à la rupture d’un front viennois peu solide, à la naissance à l’ouest de l’Europe d’un bloc libéral dont le poids n’allait cesser de grandir, à la germination, autour du carbonarisme italien, des Burschenschaften allemandes ou des associations polonaises, de phénomènes nationaux qui allaient orienter toute l’histoire du siècle. Nous savions aussi que, dès ce moment-là, en Italie, en Pologne et ailleurs, l’idée nationale s’était partagée entre « blancs » et « rouges », Czartoryski et Lelewel, constitutionnalisme ancien [End Page 131] des élites aristocratiques et constitutionnalisme moderne des défenseurs des droits de l’homme (Marco Meriggi). Nous savions que, de la Grande-Bretagne à l’Italie, de la Pologne à la France, la résistance face au mouvement, la montée en puissance d’un libéralisme conservateur, avait été à l’origine d’un puissant courant radical au moment même où la mise à l’écart du « peuple », qui avait fait la révolution, avait nourri la protestation sociale et la pensée socialiste.

L’ouvrage remobilise ces acquis en faisant le pari de les dégager d’une histoire trop générale et strictement nationale, cherchant à peser les circulations, les rencontres et les échanges à l’échelle de l’Europe, à trouver, en un mot, les « connexions » qui crée-raient un « espace public européen » où se dessinerait une « internationale du libé-ralisme et du nationalisme ». Il réussit incontestablement, par la richesse de nombre de ses contributions, à faire la preuve de l’existence d’une palpitation qui ne se réduirait pas aux seules révolutions française, belge ou polonaise et, secondairement, italiennes et allemandes. Les chapitres sur la « régénération » suisse (Sylvie Aprile), les fièvres britanniques (Fabrice Bensimon) et les « marges latines de la Révolution », Espagne et Italie centrale (Jean-Claude Caron) nous aident à mesurer l’onde de choc sur une période qui ne saurait, on le comprend, se limiter au temps court des révolutions, Jean-Claude Caron nous invitant à étendre notre regard jusqu’à l’échec de Mazzini en Savoie et à la répression de la seconde insurrection de Lyon en 1834. La riche introduction d’Emmanuel Fureix et la conclusion signée par les trois directeurs de l’ouvrage (« De quoi 1830 est-il le nom ? ») soulignent la nécessité d’en finir avec le gallocentrisme de beaucoup d’historiographies, et pas seulement la française, de mesurer, en termes de relève générationnelle, de mutations du concept de liberté ou d’apparition de nouvelles problématiques sociales, la portée historique de l’événement.

La première des quatre parties développe l’idée d’une cosmopolitique des peuples qui serait née au moment des « révolutions atlantiques » – incontournable référence à Jacques Godechot –, se serait consolidée dans les années 1820 en Gr...

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