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  • Les Algériennes contre le Code de la famille : la lutte pour l’égalité by Feriel Lalami
  • Johanna Gautier
Feriel Lalami. - Les Algériennes contre le Code de la famille : la lutte pour l’égalité. Paris, Les Presses de Sciences Po, 2012, 328 pages. « Académique ».

Le combat des femmes pour l’égalité des droits a trouvé sans doute plus d’échos sur la scène internationale que toute autre revendication politique en Algérie. Pourtant, peu de travaux ont été menés de façon systématique sur un sujet qui a suscité moins d’analyses que de témoignages et de pamphlets. Feriel Lalami fait ici le pari de déconstruire les rouages de ce mouvement original dans le paysage socio-politique algérien, afin de comprendre son fonctionnement et ses stratégies politiques. Elle fournit ainsi des éléments pour expliquer le déséquilibre entre surreprésentation de la cause des femmes à l’étranger et échec de son ancrage populaire en Algérie même.

Défini comme une nébuleuse d’associations aux « contours […] mouvants » (p. 15), le « mouvement des femmes » ici étudié est relativement uniforme idéologiquement. Il exclut toutes les associations « qui se revendiquent de l’islam pour demander le changement des rapports entre les hommes et les femmes » (p. 17) et milite pour l’égalité de droit entre les sexes et contre les violences faites aux femmes, sans appeler pour autant à la transformation des rapports sociaux de sexes, « la différence entre les sexes […] n’[étant] pas discutée » (p. 108). En ce sens, le mouvement n’est pas féministe mais féminin, implicitement laïc sans toutefois remettre en cause la confessionnalisation de l’État – l’article 2 de la Constitution affirme que « l’islam est la religion de l’État ».

Selon Feriel Lalami, c’est la lutte contre le Code de la famille, adopté en 1984 après plusieurs années de vide législatif, le débat étant neutralisé par le rapport de force entre députés conservateurs d’un côté et socialistes et anciennes mujâhidât de l’autre, qui a donné corps au mouvement des femmes et l’a situé politiquement. Ce texte de loi institue en effet l’inégalité entre l’homme et la femme. Ménages polygames, mise sous tutelle de la femme faisant d’elle une mineure à vie, inégalité successorale, divorce unilatéral par la répudiation, ou encore obligation d’obéissance au mari, sont autant de dispositions que ce code permet bien qu’elles contredisent les textes historiques adoptés pendant la guerre d’indépendance – le programme de gouvernement formulé en juin 1962 à la conférence de Tripoli contient un développement sur la « libération de la femme » – ainsi que la Charte nationale et la Constitution de 1976, alors toujours en vigueur. Il s’appuie sur une interprétation malékite de la charî’a, légitime les pratiques sociales et symbolise la spécificité de la « personnalité » algérienne, vantée par les gouvernements successifs. Enjeu identitaire sous la domination coloniale française, le statut personnel, tel qu’il a été défini par le sénatus-consulte de 1865, a conféré à la famille algérienne une fonction centrale dans le maintien de l’ordre social, ce qui a contribué à faire des valeurs familiales l’image-type d’une structure précoloniale qui aurait résisté à la conquête. « Ce statut faisant leur différence, [les Algériens] s’en sont saisi pour ne pas être assimilés, en un mot pour garder leur identité nationale » (p. 36). [End Page 121]

C’est donc au cœur des contradictions juridiques et des rapports de force symboliques que le mouvement des femmes se développe à partir des années 1980. Définissant deux « vagues », étudiées dans chacune des parties de l’ouvrage, Feriel Lalami analyse les articulations historiques de l’évolution du mouvement en fonction de ses rapports à l’État. Organisé de façon volontairement autonome jusqu’à l’annulation du processus électoral en décembre 1991, le mouvement s’est construit de façon informelle, en marge des organisations de...

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