- Papineau, erreur sur la personne by Yvan Lamonde and Jonathan Livernois
Dans cet ouvrage de 187 pages de texte, d’une bibliographie des écrits publiés de la famille Papineau et d’un index des noms propres, les deux auteurs Lamonde et Livernois s’attèlent à la tâche difficile de revisiter les mythes politiques construits autour de Louis-Joseph Papineau. Il s’agit davantage d’un essai politique et philosophique, comme l’indiquent les auteurs dans l’introduction, que d’une biographie de Papineau.
On peut d’emblée conclure avec les deux auteurs, spécialistes reconnus l’un et l’autre de l’histoire des idées au Québec, qu’il était temps de faire le point sur la « personne » Papineau, sur ses écrits et sur sa pensée politique maintes fois reprise, divulguée, dévoyée, interprétée et réinterprétée, au gré des intérêts des uns et des autres, au fil des années et des discours politiques au Québec.
Le ton est donné dès l’introduction, dans laquelle les auteurs définissent clairement leur projet. Il s’agit en premier lieu de déconstruire les discours de ceux qui, au fil du temps, politiques, intellectuels ou historiens, se sont emparés du personnage Papineau, sans nécessairement lire ses écrits, pour en faire un héros national ou au contraire un ennemi des Québécois. Puis, dans un deuxième temps, les auteurs retournent aux écrits de Papineau pour y découvrir le « véritable » message politique qu’il apportait aux Québécois au XIXe siècle, particulièrement après 1838. Ce faisant, à l’instar d’un Jacques Parizeau cité en introduction, les auteurs s’insurgent contre le fait que l’on a fait tenir à Papineau des discours qui servaient davantage les idées de personnages politiques ou d’historiens réformistes qu’ils ne reflétaient réellement la pensée radicale du chef des patriotes avant et après l’exil. Il y a donc « erreur sur la personne » comme le rappellent les auteurs dans leur titre.
À partir de cette constatation, les auteurs vont s’attacher à reprendre chronologiquement l’origine de cette incompréhension, entre les propos de Papineau et leurs interprétations erronées, en cherchant à « établir la fortune de l’erreur historique, à dégager les raisons de sa consolidation au fil des années, de Lord Durham jusqu’à André Pratte » (p. 15).
La question centrale que vont se poser les auteurs tout au long des chapitres est la suivante : « Qu’en était-il des visées démocratiques de Papineau […] le grand émancipateur de 1815 à 1838, pendant son exil et après son retour? » (p. 9). Les auteurs indiquent que le hiatus central dans l’interprétation de la pensée politique de Papineau concerne sa conception du gouvernement responsable. Selon les auteurs, Papineau « n’a jamais réclamé, de manière claire et affirmée, le gouvernement responsable » (p. 10), contrairement à ce qu’affirme une multitude d’historiens contemporains. Le problème semble émaner de la manière dont on interprète (déjà!) au début du XIXe siècle la question du « responsible government » : s’agit-il de traduire cela par « gouvernement responsable » ou « responsabilité du gouvernement »? Pour Papineau, selon les auteurs, il s’agissait de respecter la souveraineté populaire représentée par l’assemblée législative, d’une part, et d’autre part par un conseil législatif qui devrait être élu, le rendant [End Page 563] ainsi responsable devant le peuple. Selon Lamonde, Papineau défendait surtout ici les principes d’une république démocratique comme il nous le démontre dans les chapitres 5 et 6. Quant à ceux qui soutenaient le régime anglais, toujours selon les auteurs, comme Lafontaine ou Parent, le concept de « responsible government » faisait référence à la « responsabilité ministérielle » à l’anglaise.
Le chapitre premier, intitulé « Fabriquer l’erreur avant 1950 », commence par une analyse rapide de la pens...