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  • Les origines du logement social en France, 1850-1914by Roger-Henri Guerrand
  • Danièle Voldman
Roger-Henri Guerrand. - Les origines du logement social en France, 1850-1914. Paris, Éditions de La Villette, 2010 [ 1 reéd. 1966], 287 pages. Préface d’Annie FOURCAUT.

Les Éditions de La Villette ont eu l’heureuse idée de rééditer l’ouvrage classique de Roger-Henri Guerrand, issu de sa thèse de sociologie, publié une première fois en 1966 et reparu sous une forme augmentée en 1987 sous le titre Propriétaires et locataires. Les origines du logement social en France (1850-1914). Dans sa préface à cette troisième édition, Annie Fourcaut rappelle le parcours de Guerrand (1923-2006), intellectuel issu du catholicisme social, resté toute sa vie en marge de l’université [End Page 162]par volonté de faire une histoire engagée aux côtés des « classes souffrantes ». Pour elle, ce livre « novateur mais inclassable », qui voulait « élever à la dignité universitaire la maison de l’ouvrier et du paysan », inventait « un étrange objet d’histoire que personne n’avait traité avant lui ». Depuis, comme il arrive avec les œuvres des précurseurs, les études sur le logement social se sont multipliées, pour beaucoup appuyées sur ses hypothèses fécondes et les pistes qu’il avait ouvertes.

La relecture de l’ouvrage aujourd’hui éclaire son importance, mal perçue lors de sa parution, et son actualité dans plusieurs domaines. En premier lieu, à partir notamment du travail d’Adeline Daumard sur les propriétaires parisiens au XIX esiècle, paru en 1965, il remet en cause l’indifférence des ouvriers vis-à-vis de leur logement. Cette thèse avancée par Maurice Halbwachs en 1909, largement reprise par les réformateurs sociaux et par certains historiens à leur suite, a depuis été battue en brèche par nombre de travaux dont ceux d’Alain Faure et d’Hélène Frouard. Si, nous dit Guerrand, les classes populaires se contentent d’habiter des taudis depuis le Moyen Âge, c’est qu’elles n’ont pas les moyens de faire autrement. Ensuite, sans aborder directement la question sous cet angle, le livre esquisse une des problématiques fondamentales de l’étude des politiques publiques, celle de la longueur de leur genèse, tant du point de vue idéologique que dans leur préparation parlementaire. En prélude aux travaux de Florence Bourillon et de Yankel Fijalkov, par exemple, il montre la lente élaboration, depuis le début du XIX esiècle, de la loi de 1850 sur la salubrité publique ouvrant à l’État le droit d’intervenir dans le domaine du logement, ainsi que ses difficultés d’application pendant le demi-siècle suivant. Il procède de même pour la préparation de la loi Siegfried de novembre 1894, point de départ de l’essor des habitations à bon marché, ancêtres des HLM. Tout en reconnaissant l’apport des milieux du catholicisme social dans leur effort pour améliorer le logement ouvrier, Guerrand n’est pas tendre avec les politiques qu’ils ont contribué à faire éclore. Il qualifie ainsi les lois Strauss (1906) et Ribot (1908), qui amélioraient la législation de 1894, de « fioritures ajoutées à l’édifice de papier des HBM » (p. 240). Défenseur des locataires, il n’a pas de mots assez durs pour tous ceux qui faisaient de la propriété la panacée du bonheur social. À ses yeux, la prospérité des propriétaires, quels que soient les lieux et les époques, se fonde sur la misère des habitants. Il a donc une attention particulière pour les mouvements de locataires, parle déjà du logement comme marchandise et ouvre la voie aux travaux, entre autres, de Susanna Magri, Christian Topalov et plus récemment Sébastien Jolis.

Parmi ses intuitions et les pistes qu’il a ouvertes, on notera l’importance accordée aux architectes dans la construction des logements ouvriers, qui a inspiré de nombreux travaux dans les écoles d’architecture, comme ceux de Marie-Jeanne Dumont ou de Paul Flamand, et ses r...

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