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Travail du texte africanus, ou A l’assaut de la métaphore: exemple de Césaire Claude Bouygues L E TERME AFRICANUS sera utilisé ici pour décrire le texte porteur de la réalité mythico-culturelle africaine, c’est-à-dire le texte de création, en langue (graphie) française ou autre, mais toujours œuvre d’un(e) Africain(e), c’est-à-dire le roman, la poésie, le théâtre, par opposition au texte de A frica qui est le texte descriptif ou de présentation de l’Afrique et de la chose africaine, aussi bien que le com­ mentaire critique sur le texte africanus. Par évidence, seul le texte africanus peut se charger d’auto-référentialité assez pour être le lieu du travail (du texte) dont il sera question dans cette étude. L’expression “ texte africain” dont il sera question ici renverra toujours au texte africanus. 1 Nous nous proposons d’analyser ici le procédé de la répétition dans un poème de Césaire tiré de Ferrements.2 L’on marquera comment, devenue procédé, observée au niveau du texte africanus et corrigée par la notion de différence, la forme répétitive sert de moteur au travail propre de ce texte, auquel s’intéresse de plus en plus la critique contemporaine. Pour Henri Louis Gates Jr.,3la signification du texte africain surgit précisément de la différence dans la répétition et par elle, à partir de l’écart entre une forme d’emprunt—le plus souvent à une langue ou à une littérature européenne—et la forme d’arrivée de ce texte, où peut se saisir le travail de résistance de celui-ci sous forme de subversion, d’ironie, de jeu signifiant (“ signifying” ). Le point de vue de Gates, s’il n’est pas entièrement nouveau,4 est exprimé chez lui dans une optique nouvelle particulièrement intéressante et difficilement contournable. On s’en inspirera quelque peu ici, sans toutefois se placer entièrement dans la mouvance post-moderniste ou déconstructionniste. L’on fera surtout appel dans ce travail à l’opposi­ tion jakobsonienne entre la métaphore et la métonymie; l’exercice est voulu comme l’exploitation de type rhétorique à laquelle se prête cette opposition. En préambule, il est bon de rappeler rapidement le statut de la critique et de la théorie du texte africain, tel que le voit la réflexion Vol. XXXII, No. 1 31 L ’E sprit C réateur africaniste contemporaine. On peut dire d’abord qu’il en est de ce texte comme de tout produit d’exportation: la marque vectorielle dont il est indexé montre systématiquement du doigt le destinateur (qu’elle valorise —et favorise). De même, l’instrument herméneutique exporté vers l’Afrique ou vers les Antilles par les anciennes puissances coloniales, ou bien encore appliqué aux Etats-Unis au corpus négro-américain, est—en tout cas a longtemps été—un produit fini qui était le moyen d’accès au texte traditionnel occidental, plus précisément albo-occidental, et dont on proposait de plaquer la grille sur les textes “ étrangers” . Sans parler des critères pro domo retenus le plus souvent par la critique occidentale. Ainsi par exemple, Breton, écrivant dans sa préface à l’édition de 1947 du Cahier d ’un retour au pays natal5: Le premier souffle nouveau, revivifiant, apte à redonner toute confiance est l’apport d’un Noir. Et c’est un Noir qui manie la langue française comme il n’est pas aujourd’hui un Blanc pour la manier. (14-15) Breton ne s’intéresse nullement à ce qui fait du Cahier un texte unique et nouveau, mais bien plutôt à ce qui, dans le Cahier et par lui, fait de Césaire un poète reconnaissable par les écrivains français et digne d’être coopté dans la grande famille des auteurs recevables. Il porte là un juge­ ment basé sur le critère, éminemment égocentriste, ou plus exactement ethnocentriste, de perfectibilité. On reconnaît bien là le Breton dis­ pensateur de brevets...

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