In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

B ook R ev iew s Susan D. Cohen. W o m e n a n d D is c o u r s e in t h e F ic t io n o f M a r g u e r i t e D u r a s . Amherst: University of Massachusetts Press, 1993. Pp. 239. L’écriture de Marguerite Duras est contagieuse: ce n ’est pas le moindre de ses effets performatifs . Le livre de Susan D. Cohen entre à son tour dans la danse, ajoutant à la pro­ lifération des études autour de cette oeuvre décidément inépuisable. Mais à la différence de trop de critiques extatiques et passionnés, Susan Cohen ne cède pas à la fascination, ne se laisse pas dévorer par le boa. Elle garde ses distances, tout en restant au plus près des textes, dans une perspective pragmatique et féministe. Le livre analyse d ’abord les stratégies de la narration. L’adoption par l’instance narra­ trice, d’une position d’ “ ignorance” , permet à Duras de figurer la situation des femmes tout en la valorisant. Cette ignorance fondamentale déconstruit toute prétention à l’omniscience et à la maîtrise. Hésitations, reprises, erreurs et mensonges laissent se déployer la diversité illimitée des possibles narratifs et des lectures. Etudiant ensuite le jeu de 1’“ intertextualité intratextuelle” si caractéristique de l’œuvre durassienne, S. Cohen montre comment, loin d’aboutir à une destruction, ces réécritures incessantes augmentent encore l’ignorance narrative et sa productivité. Un chapitre est consacré aux textes érotico-pornographiques, plus rebelles, en apparence, à une lecture féministe. L’imitation parfaite des lois du genre est interprétée comme une représentation ironique, où le rituel érotique et sa misogynie inhérente se trouvent à la fois exposés et minés par l’intrusion d ’une présence, d’un regard et surtout d’une voix narratrice féminines. Ces interférences déstabilisent le discours de domination, éveillent la belle endormie et ouvrent de nouvelles avenues érotiques et narratives. Susan Cohen propose enfin une étude stylistique minutieuse de l’écriture durassienne. Silence, blancs, lacunes, hésitations, associés au féminin, ne sont pas interprétés comme une essence de la féminité ou de l’écriture féminine, mais comme une mise en scène de la situation des femmes vis-à-vis du discours masculin dominant et une tentative efficace d ’ébranlement des certitudes de ce discours. Finalement, les procédés stylistiques durassiens, et le ton volontiers récitatif et litanique, contribuent à l’élaboration de légendes et de mythes différents où se manifeste une vision féminine du monde. Susan D. Cohen fait de Duras une lecture très tonique. Elle la présente comme une magicienne féministe de la déconstruction, avant la lettre et sans la théorie. La prise en compte systématique de la dimension énonciative et performative des textes lui permet de montrer leur nature dénonciatrice et subversive. Son livre s’insurge contre les interprétations morbides des textes durassiens, en par­ ticulier celle de Kristeva qu’elle accuse d’avoir fait une lecture psychanalytique cantonnée au niveau diégétique et oublieuse de rénonciation. Lire l’écriture durassienne comme dangereuse, complaisante à l’égard de cette “ maladie de la m ort” qu’en réalité elle démonte et dénonce, lui apparaît comme un contresens mutilant. Selon elle, l’accès au récit et à l’écriture est au contraire proposé comme une voie de salut et de vie pour la femme. “ Quand j ’écris, je ne meurs pas” . Mais une lecture savante et subtile à la manière de Susan D. Cohen reste exceptionnelle. Il est à craindre que le risque de fascination par la mélancolie, voire la folie, n ’existe bien réellement pour la masse moins informée des lec­ trices. Dans l’optimisme de Susan D. Cohen, il entre peut-être un peu de conjuration. M a d e l e in e B o r g o m a n o Université d ’ A ix en Provence Vol. XXXIV, No. 2 125...

pdf

Share