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Book Reviews Livio Belloï. L a S c è n e p r o u s t i e n n e . Paris: Nathan, 1993. Pp. 180. Déjà à l’occasion de la parution du livre de Wallace Fowlie en 1963, certains critiques avaient noté qu’il s’agissait là d’un des derniers ouvrages possibles sur Proust, qu’en somme le filon des études proustiennes s’épuisait, et, avec lui, s’amenuisait le terrain pour un autre “ grand” livre sur Proust. C ’est au contraire une des grandes vertus de ce nouveau livre, le premier de Livio Belloï, que de nous amener à constater, non pas la saturation, mais bien l’extrême ouverture du champ proustien. Le propos et la méthode de cette brillante analyse de la Recherche se caractérisent en effet par leur originalité: l’auteur s’y livre à une étude des scènes d’interaction sociale chez Proust à la lumière des réflexions du sociologue canadien Erving Goffman, auteur de la Mise en scène de la vie quotidienne, ouvrage dont la modernité fait d’ailleurs l’objet d ’un réexamen de nos jours. Il est vrai que d’indéniables parallélismes entre les deux oeuvres ont de quoi intriguer, et révèlent chez Proust une véritable conceptualisation de l’interaction sociale (les salons, les rencontres...) en termes théatraux: sur la scène sociale, en face d’un public, le mondain proustien récite son rôle, aménage sa façade personnelle, fait briller les répliques de son voisin... Il semble que tout l’équilibre de l’interaction se structure sur le modèle de l’activité dramaturgique: préparatifs, coulisses, directeurs de représentation (la duchesse de Guermantes, Madame Verdurin, Charlus...), décor, figurants, etc. et que ceci soit l’objet d’une systématisation manifeste de la part de Proust qui multiplie les métaphores théâtrales à ces endroits capitaux du texte. Par cette approche inédite, l’auteur inaugure un type d’analyse sociologique sans doute bien mieux adapté au regard que Proust lui-même pose sur la société de son texte: non plus une sociologie de classes, comme on l’a trop souvent dit, mais une micro-sociologie de l’interaction. L’unité sociale choisie par l’analyse proustienne est, en effet, moins la classe elle-même que l’équipe d’interaction. Si le jeune Marcel rêve d’une aristocratie mythique et reprend ainsi à son compte une vision traditionnelle des divisions sociales, le romancier quant à lui se concentre sur une unité d’observation bien plus petite (l’équipe), et dont le comportement factice ne semble pas varier entre les divers cercles sociaux. En soulignant les modalités structurelles identiques de toute équipe sociale, l’auteur propose une méthode plus apte à étudier ce grand mouvement d ’indifférenciation et d ’instabilité sociale qui est un des grands thèmes de la Recherche en même temps qu’un élément unique de sa modernité. Ce glissement fondamental dans la Recherche entre une sociologie canonique et une sociologie (ou une socio-sémiotique) de l’interaction appelait un nouveau regard sur le texte proustien qui mette à jour la rupture épistémologique sans doute la plus essentielle de ce texte séminal, texte du soupçon, texte du voyeurisme, texte de l’indice. C’est chose faite avec ce nouveau livre, à cet égard le livre le plus total sur Proust depuis Proust et les signes de Gilles Deleuze. Reprenant magistralement les fils que des analyses latérales n ’avaient fait qu’effleurer (l’humour social et le snobisme chez Proust, l’attention portée aux détails comme révélateurs du mensonge social, les “ expériences de sociologie amusante” du romancier), la Scène proustienne non seulement ajoute un chapitre capital au volume des études proustiennes, mais aussi ouvre le texte un peu plus avant à d’autres études que cette oeuvre infinie ne manquera pas de susciter. F a b r ic e L e r o y Bowling Green State University Vol. XXXIV, No. 1 109 ...

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