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L ’E s pr it C r éa teu r Henry Rousso. L e Sy n d r o m e d e V ic h y d e 1944 À n o s jo u r s . Paris: S e u il, 1990. Pp. 418. Engl. trans. by Arthur Goldhammer. T h e V ic h y Sy n d r o m e : H is t o r y a n d M e m o r y in F r a n c e s in c e 1944. Cambridge & London: Harvard UP, 1991. Pp. xii + 384. Que de fois n’a-t-on dit que le poids du passé en France ne saurait être surestimé: l’ouvrage de Henry Rousso en fournit une démonstration magistrale. Sondant la mémoire hexagonale de l’après-guerre, Rousso analyse les innombrables efforts que, de part et d ’autre de l’échiquier politique et social, on a déployés pour reconstituer une identité tout en exorcisant les démons de l’Occupation. La première partie retrace les transformations successives de cette faculté protéiforme —il s’agit en fait d’une multiplicité de mémoires—et inconstante entre toutes. La France est décidément “ malade de son passé” : d’où la résonance psychanalytique des termes qui désignent les quatre phases que Rousso découvre dans l’évolution du syndrome. De 1944 à 1954, c’est le “ deuil inachevé” , où les impératifs de la Libération (consolider la victoire militaire) et de la reconstruction (forger une nouvelle “ Union Sacrée” ) n’ont guère permis aux Français de faire toute la lumière sur les luttes intestines qui en fait les avaient marqués bien plus que les exactions de l’Occupant nazi. Les années de croissance et de prospérité qui s’étendent de 1954 à 1971 sont en même temps celles du “ refoulement” , c’est-à-dire de l’oubli non seulement des rigueurs mais aussi des divisions idéologiques et des haines de classe et de race que Vichy avait exacerbées. Repoussant avec énergie une “ certaine idée de la France” , Mai ’68 sert de bombe à retardement culturelle qui à terme fera sauter les garde-fous soigneusement mis en place par De Gaulle avec la complicité de son opposition de gauche: la sortie du film Le Chagrin et la pitié est suivie de près par la parution de La France de Vichy de Robert Paxton. Les deux font en effet voler en éclats les mythes qui avaient occulté l’envergure de la Collaboration de l’Etat Français avec les nazis, la respon­ sabilité de Vichy dans l’application de la “ Solution Finale” et son zèle à pourchasser les Résistants et autres “ mauvais Français” . Cette phase, celle du “ miroir brisé” , ne dure qu’en 1974, année où commence “ l’obsession” , stade caractérisé par le “ retour du refoulé”. Désormais la mémoire (en réalité, les mémoires) se voit partout à l’œuvre, surtout dans la vie politique et culturelle, y compris sur le petit écran où les tabous se sont peu à peu effacés, pour laisser passer Le Chagrin et la pitié, Holocaust et Shoah devant le grand public au début des années ’80. Les provocations d’un Jean-Marie Le Pen devenu élément familier du paysage politique et l’éclat du procès Barbie (relayé par les affaires Bousquet et Touvier) maintiennent les années noires dans tous les esprits tout au long de la décennie et même jusqu’à nos jours. Dans la deuxième partie, Rousso se penche sur la transmission du syndrome, indiquant d ’abord le rôle essentiel joué par le cinéma et l’histoire savante dans la production de la mémoire et étudiant ensuite l’image de Pétain, figure centrale dont les vicissitudes dans l’opinion publique révèlent la nature et l’intensité du mal. Pour Rousso, Vichy constitue une nouvelle affaire Dreyfus, susceptible à tout moment d’accentuer les clivages idéo­ logiques et de ranimer les rancunes ancestrales: loin d’être une aberration ponctuelle due à la conjuncture, Vichy s...

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