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De l’usage des images muettes: Imagination poétique de Barthélémy Aneau François Cornilliat J ’AY PRIVÉE FAMILIARITÉ à Macé Bonhomme Imprimeur Lyonnois, par laquelle estant un jour en sa maison, trouvay quel­ ques petites figures pourtraictes, & taillées, demandant à quoy elles servoient: me respondit, A rien, pour n’avoir point d’inscriptions propres à icelles, ou si aucunes en avoit eues, icelles estre perdues pour luy. Alors je estimant que sans cause n’avoient esté faictes, luy promis que de muetes, & mortes, je les rendroie parlantes, & vives: leur inspirant ame, par vive Poësie” . Ces mots fameux de la “ Préfacé de cause” à YImagination poétique, 1 recueil d’une centaine d’emblèmes dû à l’humaniste lyonnais Barthélémy Aneau, il n’est plus permis, depuis l’étude bibliographique de Baudrier,2 relayée par les commentaires plus récents de G. Dexter, A. Saunders et D. S. Russell,3 d’en ignorer la duplicité. Une quarantaine de ces images “ muetes” ont en effet une “ cause” suffisante: l’illustration de trois livres des Métamorphoses,4 traduits par Marot, puis par Aneau luim ême. Pour YImagination, Aneau déclare n’avoir fait graver que la “ Figure de Mariage” , “ les Marques, & Armoiries, & treze autres par cy, par la meslées, affin de acomplir la centeine...” (Imagination, “ Préface de cause” , p. 7-8). Pour (au moins) la moitié des vignettes “ trouvées” , l’émouvante histoire des images “ sans cause” se ramène donc à un mensonge par omission, que l’auteur rend plus subtil en rapportant son dialogue avec l’imprimeur: c’est la réponse de ce dernier qui fausse la perspective en nous attirant sur le terrain de l’emblématique. Cette fantaisie d’Aneau s’inscrit dans l’intervalle de ses travaux de traducteur et de commentateur, d’abord sur les Emblèmes d’Alciat,5 qu’il a “ translatez” , “ ordonnez en lieux communs” , et glosés “ selon PAllegorie naturelle, Morale ou Historiale” , ensuite sur les Métamor­ phoses d ’Ovide, dont, prenant la suite de Marot, il traduira le troisième livre, “ mythologisant” le tout “ par Allegories Historiales, Naturelles et Moralles” .6 Les Emblèmes (1549) sont publiés par Guillaume Rouillé associé à l’imprimeur Macé Bonhomme, les Métamorphoses (1550/1556) par Rouillé seul, YImagination (1552) par Bonhomme seul. Les gravures 78 Su m m e r 1988 CORNILLIAT d’Alciat et d’Ovide sont l’œuvre d’un même artiste, Pierre Eskreich, dit Vase, qui travaille pour Rouillé depuis 1548. Tant sur Alciat que sur Ovide, Aneau a justifié son entreprise dans d’importantes préfaces,7 qui demanderaient une étude comparée. Il faut marquer, en tous cas, l’étrangeté de la “ Préfacé de cause” à YImagina­ tion, qui s’efforce d ’installer son auteur dans le rôle, non d ’un translateur-commentateur, mais d’un poète, capable d ’“ inspirer âme” à ce qui en manque (en outre, de Picta poesis à YImagination, il s’est traduit lui-même). Le rapport image-texte retourne ainsi le rapport textecommentaire . Toujours second en apparence, le texte ajouté aux images ne serait pas un commentaire, mais bien de la “ Poésie” , qui donne vie, souffle et âme à ce qui est mort, muet, inerte. Celui qui interroge le silence des images prend soin de signaler qu’il est, dans cette affaire, le seul à parler. Aneau prétendait-il tromper son lecteur, en faisant œuvre d’une manœuvre? Supposons-nous que le public lyonnais de 1552 n’était pas capable de reconnaître une illustration des Métamorphoses, voire de retourner au Marot de 1550? Comment juger les cas où notre auteur semble ne pas reconnaître le sujet de la gravure, et donne une interpréta­ tion qui paraît aberrante? Cette pratique, cependant, est loin d’être la règle de YImagination-, elle concerne au plus une vingtaine d ’emblèmes. Quoi qu’il en soit, ce jeu sur les images permet de fabriquer, avec ce qui pourrait être un commentaire d ’Ovide, un livre d’emblèmes autonome. Mais ce dernier, de son côté, n’en est pas tout à fait un: malgré l’apparence partout respectée de Yemblema triplex, le...

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