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Les enjeux d’un frontispice Louis Marin D E FURETIÈRE AU LITTRÉ, de la fin du XVIIèm esiècle à celle du XIXém e, se dessine une remarquable trajectoire de la “ préface” , non que le terme enregistre, en moins de deux siècles, un change­ ment sémantique important, mais plutôt par implicitation d’un trait de sa définition: pour Furetière, une préface est 1’“ avertissement qu’on met au devant d’un livre pour instruire le lecteur de l’ordre et de la disposi­ tion qu’on y a observé, de ce qu’il a besoin de savoir pour en tirer de l’utilité et lui en faciliter l’intelligence” . Littré, plus sobrement, la définit comme le “ discours préliminaire mis à la tête d’un livre” . Mais, on le sait, le préface garde ses pouvoirs cognitifs sur l’ouvrage qu’elle introduit et sa force prescriptive sur la lecture à laquelle elle engage. Toutefois, comme si ces opérations stratégiques et tactiques allaient de soi, le dic­ tionnaire ne prend plus la peine de les désigner dans l’essence définitionnelle du terme. L’illustration du frontispice quoique relevant d’une autre substance sémiotique non point celle du langage, mais celle de l’image participerait de ces mêmes opérations—c’est là notre hypothèse de travail—selon d’autres principes cependant et d’autres modalités qu’il conviendrait de décrire et d’analyser, moins directement en relation, d’ailleurs, à la préface, l’avertissement ou l’avant-propos, à toute la “ périgraphie” qui, au XVIIèm e siècle, investit l’ouvrage à la manière d’une fortification à la Vauban qu’au titre, nom de l’auteur et du livre, marque, nom et adresse de l’imprimeur-éditeur. “ Frontispice” , le terme est importé dans le livre, ou à sa frontière, du champ de l’architecture. Le même Furetière le définit primordialement comme “ la face et principale entrée d’un grand bâtiment qui se présente de front aux yeux des spectateurs” et évoque Du Cange et la dérivation latine de “frontispicium” qui signifie “frontis hominis inspectio”. Le frontispice appartient spécifiquement à la représentation orthographique d’un édifice, ou pour citer Vitruve, traduit par Claude Perrault en 1684, à “ l’élévation d’une des faces de l’ouvrage qu’on veut bâtir” . C’est, en l’occurrence, la face principale et frontale d’un volume, celle qui 1’“ illustre” . Ce n’est pas un hasard si Furetière illustre cette “ illustration” principale par “ le plus beau morceau d’architecture qui soit en France” , le frontispice du palais du Prince, celui du Louvre. Vol. XXVII, No. 3 49 L ’E sprit C réateur Le frontispice glisse alors, secondairement, du volume d’architecture au volume du livre et de la face principale de l’un à la première page de l’autre, de l’illustration architectonique à l’ornement et à la représenta­ tion. Furetière trace ce passage puisque l’image qui orne cette première page, celle où est son titre gravé, représentera aussi bien le frontispice d’un bâtiment. Mais par un remarquable chassé-croisé, les carac­ téristiques de la préface que Littré omettait dans sa définition réap­ paraissent dans celle qu’il donne du frontispice: “ gravure que l’on place en regard du titre d’un livre et dont le sujet est analogue au but et à l’esprit de l’ouvrage.” Tous ces déplacements, glissements et échanges baliseraient, à bien les entendre, autant une évolution de la préface, du frontispice et des enjeux de leurs usages et de leurs pouvoirs qu’une his­ toire de l’édition, de ses styles et de ses esthétiques. Ce sont précisément de telles trajectoires que nous voudrions étudier sur un “ cas” singulier, les Contes de Perrault. Quels sont les effets de sens, c’est-à-dire de lecture (entendue comme la saisie ou l’appropriation plurielle de sens) lorsqu’un livre, qui est un recueil de récits écrits titrés “ contes” , se trouve introduit par une gravure...

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