In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Book Reviews Jay Caplan. F r a m e d N a r r a t i v e s . D i d e r o t ’S G e n e a l o g y o f t h e B e h o l d e r . Minneapolis: University of Minnesota Press, 1985. Pp. 134. Dans l’introduction de sa passionnante étude sur Diderot, Jay Caplan définit l’originalité de son approche en qualifiant celle-ci d’hybride, en quelque sorte. Se réclamant en effet de Bakhtine, il tente de réaliser ce que son maître a appelé une “ poétique his­ torique” , associant, contre une longue tradition critique, une lecture sociologique à une étude formaliste. Après avoir observé la qualité paradoxale de l’écriture diderotienne, il décrit le modèle qui va lui permettre de tenter de comprendre ces tendances paradoxales. Ce modèle dérive d’abord de la notion de “ dialogue” comme dialogue représenté mais aussi comme relation dialogique (Bakhtine) entre “ auteur” , texte et interlocuteur potentiel (“ beholder” ). Le discours de Caplan est fondé sur ce que Diderot a nommé le tableau et sur l’idée de relation “ sacrificielle” (plaisir dialogique des larmes) qui s’établit entre les inter­ locuteurs textuels, l’auteur et le lecteur potentiel. Caplan va analyser dans cette perspective plusieurs de ces textes qui ont fait, font et feront pleurer. L’auteur montre d’abord que les tableaux et les dialogues de Diderot, par leur carac­ tère imaginaire, sont faits pour être lus et non joués. En fait, leur structure est éminemment dialogique parce qu’ils s’orientent vers l’interlocuteur absent qui devient un quasipersonnage . Ses larmes répètent celles des personnages, leur “ sacrifice” . Le tableau est donc constitué par le “ dialogue sacrificiel” entre auteur, dialogue représenté et réactions possibles de cet absent. Dans un deuxième temps, Caplan observe, dans L e Fils Naturel, les relations de parenté entre les participants au “ dialogue sacrificiel” qu’il vient de définir. Dans cette pièce organisée comme un rituel commémoratif, Caplan note la tendance à la “ domestica­ tion” ou “ familialisation” des relations dialogiques: la figure sacrifiée, rejetée est celle du père—origine, auteur—dont la place va être prise par le fils— lecteur— , puis par ses fils, etc., pour constituer un tableau généalogique, celui de la grande famille des hommes. Caplan remarque déjà ici le rôle mineur des femmes, toujours “ représentées” , alors que “ auteur” et “ lecteur” textuels sont des hommes. Les chapitres III et IV, sur La Religieuse, sont particulièrement intéressants. Caplan montre la qualité parodoxale de ce texte qui constitue, dans le contexte des relations dialogiques familiales, une lutte entre la singularité empirique associée à la femme et l’abstraction rationnelle “ masculine” . Caplan étudie ensuite le m otif de l’inadapté ou du monstre par l’intermédiaire d’une lecture du Rêve de d ’Alem bert dans lequel la m on­ struosité apparaît comme normale. La monstruosité constitue pour Caplan une figure de la textualité même chez Diderot. Les personnages, l’auteur, le sujet, les textes de Diderot sont des “ monstres” — Starobinski a utilisé la notion d’hybride pour décrire le même phénomène—en ce qu’ils ne “ collent” pas à tel ou tel genre, remettant ainsi en question la distinction entre discours philosophique (abstrait, “ métalinguistique” ) et poétique (“ féminin” ). Caplan contraste enfin le Voyage de Bougainville et ce qu’il nomme la “ poétique du pathos” chez Diderot. Alors que le texte de Bougainville développe un discours de l’évidence en ignorant ses présupposés idéologiques et rhétoriques, le dialogue diderotien met sans cesse en question l’identité de l’auteur, du lecteur et de la représentation. Caplan conclue son texte en “ tirant la leçon” de Diderot et en insistant sur le fait qu’aucun discours ne peut prétendre à la transcendance et à la stabilité, pas même la “ poétique historique” dont il se réclame. Dans un geste quasi-déconstructionniste, il ouvre VOL. XXVII, N O . 2...

pdf

Share