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Romans algériens et guerre de libération Jean Déjeux L E 1er NOVEMBRE 1984 L’ALGERIE (indépendante depuis le 1er juillet 1962) célébrait le 30e anniversaire du déclenchement de la guerre de libération, de la “ Révolution” selon le terme employé indifféremment. Les médias et la presse ont largement rendu compte de l’événement. Les écrivains ne restaient pas silencieux. Un recueil de nouvelles de Abdelhamid Baïtar, paru en 1984, est titré justement Afin que nul n’oublie et un recueil de poèmes de Noureddine Aba, en cette même année, est sous-titré Pour que rien ne s’oublie. Des anciens se sou­ viennent, mais de jeunes auteurs qui n’ont pas vécu la guerre donnent l’impression d’écrire péniblement leur roman en “ fabriquant” de la guerre ou de la “révolution” , sans parvenir à intéresser le lecteur qui ne trouve alors aucun plaisir de lire. La presse nationale a publié quelques articles sur la littérature algérienne et cette guerre.1Un séminaire sur “la littérature et la révolu­ tion” s’est tenu à Skikda du 17 au 19 octobre 1984.2On s’y est interrogé: l’acte d’écrire est-il un acte révolutionnaire? Comment la génération qui n’a pas vécu la guerre doit-elle en parler? Un intervenant a affirmé que la littérature est aussi un changement artistique et esthétique “dont le but est de précipiter le changement général dans le sens de la promotion de rapports qualitatifs nouveaux et supérieurs” . Rendant compte de ce séminaire, un romancier et poète, Tahar Djaout, pose quelques questions3: La littérature révolutionnaire est-elle “la littérature qui parle de la révolution ou celle qui décrit bien (même à distance) la révolution? Est-ce la littérature qui prend pour thème la révolution ou celle qui crée de nouvelles structures d’écritures?” Il est certain que depuis l’indépen­ dance des romanciers n’ont fait que “claironner la Révolution” , que célébrer des dates et des noms. “ Des coeurs patriotes ont exhalé quelques 1. APS, “ La phrase et la rafale—Regard sur la littérature algérienne et la lutte de libéra­ tion nationale” , El Moudjahid. 4 novembre 1984 (avec entre autres une erreur: une phrase du Mont des genêts de Mourad Bourboune [1962] est attribuée à Nedjma de Kateb [1956]). 2. Ach-C., “Dialectique de l’encre et du sang” , E!Moudjahid, 24 octobre 1984 (Culture p. vvi). 3. Tahar Djaout, “Exprimer le monde en le refaçonnant” , Algérie-Actualité, n° 995, 8 novembre 1984. 70 S pring 1986 D éjeux soupirs journalistiques qu’on s’est hâté de baptiser roman ou poème” , écrit non sans raison Tahar Djaout. Des critiques sérieux demeurent sceptiques sur le bilan de ces romans concernant la guerre de libération. Les recueils de poèmes ont été nom­ breux4, mais souvent d’un niveau assez faible sinon médiocre, à côté certes d’œuvres majeures et que tout le monde connaît. Nous n’en parlerons pas ici. Sur 25 recueils de nouvelles parus de 1954 à 1983 inclus, une douzaine est consacrée parfois entièrement à la guerre ou, le plus souvent, consacre quelques nouvelles à l’événement en racontant quelque anecdote. Nous ne nous arrêterons pas à ces recueils puisque nous parlerons uniquement des romans. Des articles mineurs dans la presse nationale ont tendance parfois à ne parler de la littérature algérienne qu’à travers les oeuvres chantant la révolution comme s’il n’y avait que cette thématique. En réalité, depuis l’indépendance, une autre veine a été exploitée, surtout depuis les années 1970, par les romanciers: celle du désenchantement, de la contestation caustique et de la “révolution trahie” , “confisquée” , “avortée” . Mais il est certain que le thème de la guerre de libération a continué à être pris comme sujet de roman jusqu’à nos jours. Les objurgations de Mostefa Lacheraf, lors du...

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