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Reviewed by:
  • Conversations avec un ami. Entretiens by Alberto Manguel and Claude Rouquet
  • Daniel Castillo Durante (bio)
Alberto Manguel et Claude Rouquet, Conversations avec un ami. Entretiens, Montréal, Leméac, 2009, 240 p.

Pour tous ceux qui ont lu Une histoire de la lecture (A History of Reading en anglais), livre où le savoir et la saveur font bon ménage, les entretiens de l’auteur canado-argentin avec son ami éditeur Claude Rouquet (L’Escampette éditions) permettront de mieux comprendre la genèse de ce volume encyclopédique qui s’était vu octroyer le prix Médicis essai à Paris en 1998 et qui avait été traduit en une dizaine de langues. Divisé en dix parties, Conversations avec un ami, un ouvrage beaucoup moins ambitieux, s’avère, en réalité, une sorte de monologue très discrètement ponctué par quelques observations d’un « ami » qui est là essentiellement pour écouter l’auteur ou, dans le meilleur des cas, éviter que le fil conducteur de chaque sujet ne soit pas interrompu par un excès de digressions (ce qui, soit dit en passant, arrive notamment dans le chapitre « Personne n’ose dire que l’empereur n’a pas de robe » où Alberto Manguel se livre à une critique peu nuancée de l’art contemporain). Avec simplicité et non sans humour, l’auteur d’Une histoire de la lecture nous ouvre tout d’abord les pages d’un album de famille truffé de lectures et de personnages quelque peu truculents. Le père, un juif argentin qui sera nommé le premier ambassadeur argentin en Israël par Juan Domingo Perón, nous est décrit comme très peu porté vers un dialogue avec son fils. Nous sommes en 1948, date de la fondation de l’État d’Israël. Avant de quitter Buenos Aires, les parents passent une annonce dans le journal anglais de la capitale argentine : « Cherchons une nurse ». Une femme née en Tchécoslovaquie, juive de culture allemande, Ellin Slonitz se présente et c’est elle qui agira à la fois comme la mère et le père du petit Manguel. L’origine de ce nouveau pays, telle que décrite dans Conversations avec un ami est fort intéressante et donne une très bonne idée de la vision de Manguel lorsqu’il se penche sur le dialogue des cultures avec un esprit lucide (ce qui, hélas, n’est pas toujours le cas tout au fil du volume comme nous le verrons plus loin) :

Donc, nous arrivons dans un pays qui n’en est pas vraiment un. Dans cette perspective de créer un État d’Israël, on avait pensé à l’Afrique, à l’Amérique latine … C’est vrai qu’il y avait des racines historiques valables pour créer ce pays à cet endroit-là, mais, évidemment, il a fallu déposséder les Palestiniens qui vivaient sur cette terre. Mon père m’a dit plusieurs fois qu’en arrivant, il avait constaté que Juifs et Arabes s’entendaient parfaitement; c’est-à-dire qu’il y avait une vie commune, un peu comme celle qu’il y avait en Algérie avant que les Français décident de donner la nationalité française aux Juifs. Les gens [End Page 833] s’entendaient, arrivaient à vivre ensemble, les questions de religion n’étaient pas les plus importantes. Et avec la création de l’État d’Israël, évidemment, apparaissent frontières, prohibition, dépossession, et une vie qui avait quelque chose de faux, pour plusieurs raisons : rien n’était organisé (par exemple il n’y avait pas d’ambassade, on a vécu dans un hôtel que je suis allé visiter quarante ans plus tard) et il y avait très peu de nourriture.

Cette ouverture d’esprit à l’égard des autres cultures rappelle la manière dont Une histoire de la lecture découvre le livre comme métaphore de l’univers. L’ombre de Jorge Luis Borges sous-tend toute l’entreprise herméneutique de Manguel qui, il faut bien le reconnaître, ne va jamais aussi loin que celle de l’auteur de Fictions. Autant...

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