In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • La gauche a-t-elle un avenir? Écrits à contre-courant by Jacques Pelletier, and: Question nationale et lutte sociale. La nouvelle fracture. Écrits à contre-courant by Jacques Pelletier, and: Croisements littéraires et politiques. Écriture et émancipation. Écrits à contre courant 3 by Jacques Pelletier
  • Hans-Jürgen Greif (bio)
Jacques Pelletier, La gauche a-t-elle un avenir? Écrits à contre-courant, Québec, Éditions Nota bene, coll. Interventions, 2000, 240 p., 14,95$
Jacques Pelletier, Question nationale et lutte sociale. La nouvelle fracture. Écrits à contre-courant, Québec, Nota bene, coll. Interventions, 2007, 303 p.
Jacques Pelletier, Croisements littéraires et politiques. [End Page 767] Écriture et émancipation. Écrits à contre courant. 3, Québec, Nota bene, coll. Interventions, 2010, 322 p., 23,95$

Dans l’avant-propos du premier tome sur l’avenir de la gauche au Québec et ailleurs dans le monde, l’auteur se positionne aussi clairement qu’il le fait dans les deux suivants. Il « essaie de demeurer fidèle aux options qu’il a prises à la findel’adolescence — disons, pour faire vite, le socialisme et l’indépendantisme — qu’il continue d’assumer sans trop d’illusions mais de manière conséquente ». Pelletier nous donne huit essais, qui vont du questionnement sur la viabilité d’une gauche possible, car il y a dix ans, elle n’existait pratiquement plus au Québec, ainsi que des essais sur André Laurendeau, Pierre Vallières, La nation en question de Michel Seymour, des pages brèves et incisives sur John Saul, Jacques Godbout et Richard Martineau, ajoutant deux interrogations, « Faut-il liquider la Révolution tranquille ? » et « L’intellectuel critique est-il mort ? » Comme on le voit, il s’agit d’un vaste programme de réflexion où la littérature, incluant un long article sur Hermann Broch, trouve sa place, mais toute particulière, directement liée à la gauche intellectuelle et à ses problèmes (un euphémisme volontaire), dont le principal est celui de convaincre la population du bien-fondé des luttes idéologiques.

Pourquoi la gauche, ouvrière et intellectuelle, a-t-elle été vaincue par le fascisme, dans les années 1930 et plus tard ? Parallèlement aux essais de Pelletier, j’ai lu la traduction française du livre d’Elsa Osorio, La Capitana (Métailié, 2012), retraçant le destin de Micaela Feldman de Etchebéhère (1902–1992), révolutionnaire appartenant au POUM (Parti ouvrier d’unification marxiste, dirigé par Andreu Nin). Cette Argentine s’était profondément engagée dans la guerre civile espagnole ; elle est demeurée gauchiste militante pendant toute sa vie. C’est en suivant ses déplacements en Europe (Paris, Berlin, Madrid) que les causes de l’échec du socialisme sautent aux yeux : le communisme dans sa forme pure avait déjà été corrompu par Lénine, mais c’est Staline qui a retourné à la manière d’un gant les fondements de la pensée marxiste, comme chacun sait. Avec l’efficacité d’un rouleau compresseur, Staline a systématiquement étiqueté de « fasciste » puis éliminé tout ce qui le gênait, dont le POUM, justement. Quand on (re)lit le seul livre de Micaela Feldman, Ma guerre d’Espagne à moi (Denoël, 1975), la perversion de l’intellect humain se met à nu dans toute son horreur : il n’est pas exagéré de dire, comme le fait Pelletier dans ses essais, que ce sont les luttes intestines qui ont provoqué la faillite de la gauche qui, pour satisfaire le besoin de la démocratie, a généré une multitude de groupes, de groupuscules, tous se toisant de loin, se condamnant mutuellement. Les mots-clés de la défaite : méfiance, dénigrement, magouille, envie, incompréhension, mais surtout, soif du pouvoir. Le homo homini lupus trouve dans la gauche sa parfaite illustration. Si la droite, et surtout le fascisme, a connu les mêmes problèmes, elle a [End Page 768] survécu à cause de la brutalité des leaders, par le sacrifice d’innombrables vies humaines, alors que la gauche préfère la mort de l’individu (de préférence, héroïque), s’efforçant de garder une...

pdf

Share