In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Le regard de l’autre. La naissance du nationalisme au Québec. Essai by Philippe Reid
  • Maxime Raymond-Dufour (bio)
Philippe Reid, Le regard de l’autre. La naissance du nationalisme au Québec. Essai, Québec, L’instant même, 2008, 260 p., 27$

Cet essai de Philippe Reid se veut un apport à la compréhension des nationalismes canadiens-français et, par extension, québécois. À partir des éditoriaux du journal Le Canadien de 1806 à 1842, un corpus de sources complété par l’Histoire du Canada de Garneau et le rapport Durham, Reid propose de revisiter les origines du nationalisme canadien-français, afin d’en démontrer les origines « ethnicistes ». Selon Reid, l’identité ethnique canadienne-française est d’abord et avant tout le produit du regard de l’autre, les élites britanniques, qui ont défini le Canadien français et en ont imposé l’image. Philippe Reid cherche ainsi à apporter de l’eau au moulin de la réflexion sur le nationalisme au Québec, mais son ouvrage pose un certain nombre de problèmes conceptuels dont je donne plus loin quelques exemples.

La première partie du livre sert à établir l’assise conceptuelle de l’analyse et à placer l’objet, le nationalisme canadien, dans un contexte historique large. Philippe Reid, fortement influencé par Anne-Marie Thiesse, rejette d’abord l’opposition traditionnelle entre les nationalismes civique et ethnique. Il propose plutôt de voir le nationalisme comme une entreprise de spécification et d’homogénéisation culturelle développée par les élites nationalistes, une entreprise qui, par ailleurs, reprendrait la même « recette » d’un pays à l’autre.

Reid pose ensuite un cadre conceptuel complexe dans lequel il cherche à définir la culture, la société, l’idéologie et l’identité. Reprenant les théories de l’anthropologue Fredrik Barth et des sociologues Max Weber et Roland Balandier, il présente sa vision constructiviste de la culture, résultante, selon lui, de la lutte constante entre les groupes sociaux qui cherchent à affirmer leur domination en imposant leur idéologie.

L’auteur poursuit en décrivant le contexte historique général dans lequel est né et a grandi le nationalisme. Ce dernier, intimement lié au développement du libéralisme politique et économique, est en fait la conséquence d’une série de mutations sociales, politiques et économiques qui ont mené à l’avènement du capitalisme et du parlementarisme britannique. Reid explique aussi que la Révolution française, en cherchant [End Page 764] à appliquer les principes politiques démocratiques de la philosophie des Lumières, aurait provoqué une réaction conservatrice dont l’Église catholique du milieu du XIXe siècle aurait été tributaire, une réaction qui serait à l’origine de l’idéologie ultramontaine.

Dans la seconde partie, Reid s’intéresse à la relation entre les différents acteurs sociaux du Bas-Canada et aux différents discours idéologiques bascanadiens qu’il observe dans le journal Le Canadien dans la première moitié du XIXe siècle. L’auteur mobilise d’abord l’historiographie pour décrire la société bas-canadienne au sein de laquelle les Canadiens francophones seraient dominés économiquement et politiquement par des élites anglo-saxonnes à la suite de la Conquête. Les marchands écossais et les administrateurs coloniaux se seraient partagé les pouvoirs économiques et politiques, tandis que l’Église catholique, confrontée à des problèmes qualitatifs et quantitatifs de personnel, aurait été incapable d’encadrer adéquatement la vie de ses fidèles.

En aurait résulté une confrontation entre les discours idéologiques de l’élite libérale bas-canadienne, de l’élite coloniale britannique et du clergé qui aurait mené aux Rébellions. En effet, selon Reid, les leaders libéraux, comme Papineau et Bibeau, auraient prôné l’émancipation du peuple, entendu au sens de l’ensemble de la communauté politique bascanadienne, par son éducation et son émancipation politique. À ces libéraux se seraient alors opposé un clergé qui se serait considéré comme le gardien de la structure sociale et une élite anglo-saxonne qui se serait estimée culturellement...

pdf

Share