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Reviewed by:
  • La Pyramide des souffrances dans La Joie de vivre d’Emile Zola by Sébastien Roldan
  • Susie Hennessy
Roldan, Sébastien. La Pyramide des souffrances dans La Joie de vivre d’Emile Zola. Québec: Presses de l’université du Québec, 2012. Pp. 192. isbn: 978-2-7605-3338-7

L’auteur de La Pyramide des souffrances s’est donné pour tâche d’examiner l’un des romans d’Émile Zola le plus négligé, La Joie de vivre, histoire d’une famille dont la souffrance sert de force motrice dans un petit village au bord de la mer. Selon Roldan, Zola s’efforce à mettre en avant la philosophie de Schopenhauer, pour qui le monde n’a aucun sens. Ce philosophe allemand du XIXe siècle affirme que la vie consiste en une série d’épreuves inutiles. Or, malgré la futilité de la vie, l’homme se sent contraint de persister dans sa recherche du bonheur. L’opinion générale a fait de l’œuvre un “roman à thèse” sur la philosophie schopenhauerienne, une critique d’autant plus sévère qu’elle insiste sur l’insuffisance de Zola d’appliquer la philosophie dans toute son ampleur. Roldan nous rappelle que La Joie de vivre marque une période de douleur personnelle pour Zola; il propose que l’auteur “aborde le sujet de façon originale, non pas [End Page 139] par l’interrogation classique du bonheur et des moyens d’y parvenir … mais par le biais de la quête impossible d’un état totalement dénué de maux, dans laquelle il jette l’ensemble des personnages”(9).

Tout en signalant les contradictions existantes dans la fictionnalisation de la philosophie, Roldan se concentre sur les manifestations des concepts philosophiques dans le roman: la souffrance physique et psychologique des personnages. S’appuyant sur les membres de la famille Chanteau et les villageois de Bonneville à tour de rôle, Roldan présente des cas exemplaires de la doctrine de Schopenhauer dans le roman, où les personnages “sont continuellement menés par leur instinct égoïste, reproduisant par là le vouloir-vivre des théories schopenhaueriennes…” (64). La volonté de se battre face à la souffrance se retrouve chez tous les personnages, quelle que soit l’intensité de leur douleur.

Dire que les concepts de Schopenhauer sont appliqués en surface seulement serait une erreur. D’après Roldan, le savoir philosophique de Zola se trouve et incarné dans les personnages et intégré à la trame narrative du roman. Une analyse structurale de La Joie de vivre dévoile à quel point les personnages et les situations portent en eux les forces idéologiques désignées par leur auteur. Grâce au travail de déconstruction de Roldan, nous voyons comment la souffrance domine l’action de manière systématique; de l’entrecroisement des cas de souffrance surgit une structure que Roldan caractérise de pyramide. Cette pyramide identifie toute la gamme de la douleur ressentie et les réactions de la part des souffrants, dévoilant ainsi l’attitude philosophique de chaque personnage. Que ce soit la douleur physique du goutteux Chanteau, le désespoir psychologique de son fils, ou le tourment moral de la bonne, Véronique, Zola exploite toutes les dimensions de la souffrance afin de répondre à la question universelle: à quoi bon? En même temps, le désir de surmonter le chagrin sert de fil conducteur ainsi que désigne le titre du roman.

L’analyse de Roldan ouvre de nouvelles perspectives sur La Joie de vivre; nous sommes appelés à voir le roman non pas comme une confession du deuil personnel de Zola, mais comme l’application de son savoir philosophique. Si le pessimisme de Schopenhauer gouverne le récit, la joie résolue de Pauline nous rappelle que le monde est foncièrement bon.

Susie Hennessy
Missouri Western State University
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