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Reviewed by:
  • Property of Communists. The Urban Housing Program from Stalin to Khrushchev by Mark B. Smith
  • Nathalie Moine
Mark B. Smith , Property of Communists. The Urban Housing Program from Stalin to Khrushchev. DeKalb, Northern Illinois University Press, 2010, 240 pages.

L'ambitieux programme de constructions d'immeubles d'habitation que lança Nikita Khrouchtchev en 1957 reste l'opération la plus emblématique des politiques sociales mises en œuvre sous le régime soviétique. Elle atteste la capacité des héritiers de la Révolution d'Octobre à assurer à chacun les droits sociaux les plus fondamentaux : l'accès à un logement, mais aussi un travail, des soins médicaux, une instruction de qualité. Malgré la laideur et la qualité médiocre de ces constructions, gentiment moquées par les publications satiriques de l'époque, elles sont toujours considérées comme un incontestable progrès, bien que les autorités municipales russes, en particulier moscovites, tendent à les détruire afin d'édifier à leur place de nouveaux immeubles beaucoup plus élevés et à répondre ainsi non seulement à l'aspiration de la population à des normes de qualité bien supérieures, mais aussi à la forte spéculation immobilière qui règne actuellement en Russie. À l'époque, les krushchevki (surnom donné à ces immeubles de cinq étages) permirent à des millions de Soviétiques de quitter des appartements communautaires vétustes et surpeuplés, mais aussi les logements de fortune qui faisaient l'ordinaire des citadins depuis des décennies. L'ouvrage de Mark B. Smith ne revient pas sur cette image positive, bien au contraire. Il entend plutôt complexifier le tableau, en inscrivant le programme khrouchtchevien dans une histoire plus longue de la construction du logement urbain en Union soviétique, mais aussi contribuer aux louanges en insistant sur la création, à travers cette initiative d'État, d'un nouveau droit de propriété pour une majorité de citoyens.

Son étude s'ouvre donc sur les années de l'immédiat après-guerre, lorsque le pays doit faire face au paysage de ruines laissé par l'occupant nazi, aggravé par une pénurie de logement chronique dans tout le pays, qui sévissait déjà avant la guerre. En revenant sur la dernière décennie du stalinisme, Mark B. Smith se joint aux autres historiens qui ont montré l'importance cruciale de cette période pour comprendre les réalisations khrouchtchéviennes. Ces dernières ne constituent pas tout à fait une rupture avec un stalinisme décadent, puisqu'au contraire, cette dernière phase du stalinisme porte les germes du projet modernisateur permis par le Dégel. En matière de logement, la direction stalinienne s'illustre d'abord par son pragmatisme, en favorisant la construction de maisons individuelles, propriété personnelle des citoyens. Tant la forme architecturale que le mode de propriété peuvent paraître passéistes, à [End Page 104] l'aune d'un modèle collectiviste, pourtant cette démarche est associée à une tentative de standardisation architecturale, même si, en réalité, ce sont surtout des maisons de bois rudimentaires qui sortent de terre dans tous les quartiers périphériques d'URSS. De façon plus expérimentale, les architectes soviétiques réfléchissent à un modèle d'immeuble moins coûteux et plus rapide à élever, bien que les bâtiments lourdement ornés restent de règle pour les constructions de prestige.

Il n'en reste pas moins que Khrouchtchev, arrivé au pouvoir suprême, donne une impulsion politique inédite à des solutions techniques déjà existantes, ostensiblement présentée comme un aspect fondamental de la marche accélérée vers le communisme permise par la déstalinisation. En la matière, comme pour d'autres aspects de la modernisation des années 1950, l'ouverture à l'Ouest se traduit par une volonté d'échange avec les architectes étrangers, alors que la propagande met en scène la supériorité des réalisations soviétiques sur l'Europe capitaliste, notamment la RFA. De fait, le rythme de construction par tête entre 1957 et 1963 connaît un pic qui place l'URSS nettement en tête...

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