Figures de pensée, figures du discours by Danielle Forget (review)

SCIENCES HUMAINES 549 de voyage. Outre l=identification des titres disposés en ordre alphabétique, le chercheur notera quelques tendances animant au cours de cette période l=expression écrite de la subjectivité. Relevées par les auteurs en introduction , ces tendances ressortissent à la foison d=écrits personnels issus de la plume des écrivains, des membres du personnel politique ou des domaines des arts, des médias et du spectacle. Lamonde et Turcot constatent également deux tendances émergeantes, celles de la multiplication des témoignages visant à narrer une expérience personnelle, et la place importante des femmes qui constituent près de 40 pour cent de l=ensemble des auteurs. De ce corpus d=envergure, le chercheur y trouvera aisément matière à explorer de nouveaux objets d=analyse. À cette fin, il déplorera l=absence d=une classification thématique des titres choisis, classification judicieuse pouvant faciliter toute recherche. Pour conclure sur une touche plus personnelle, le lecteur remarque avec émotion, au détour de sa recension, la présence des mémoires de son grand-père, publiés à compte d=auteur en 1983 (Alphonse Raymond, Au fil de mes jours à Kamouraska). Cette mention, aussi anodine semble-t-elle, milite en faveur du caractère exhaustif de cette bibliographie et du soin minutieux que ses auteurs lui ont apportée. C=est bien là son grand mérite. (MARTIN PÂQUET) Danielle Forget, Figures de pensée, figures du discours Québec, Nota bene, coll. Langue et pratiques discursives, 184 p., 23,95$ Danielle Forget propose, dans cet ouvrage, de se pencher sur ce qu=on appelle communément les figures de pensées. On peut établir comme suit une liste non exhaustive de ces figures : B Prolepse (procédé consistant à prévoir une objection de l=interlocuteur (vous me direz que...) B Concession (bien que..., certes..., il est vrai que... mais) B Contrefision (exclamation absurde relevant d=un conseil ou d=un reproche : c=est toujours de ma faute !) B Ironie B Prétérition (je n=ai pas besoin de vous dire que...) B Chleuasme (confession d=avoir tort : Je sais bien que...) B Épitrope (tant qu=à y être.., c=est ça, vas-y...), B Correction B Rétroaction B Litote (il n=est pas le premier de la classe) B Euphémisme 550 LETTRES CANADIENNES 2000 B Hyperbole (c=est le plus gentil des maris) B Expolition (répétition) B Hypothypose (j=imagine le tableau) B Prosopopée (personnification et mise en situation : Floralie, où es-tu ?) B Interrogation oratoire (dois-je comprendre que...; alors, qui c=est qui est content de m=avoir écouté ?) Ces dernières, mises en valeur dans l=Antiquité par la rhétorique d=Aristote, de Cicéron et de Quintilien, ont plus tard été reléguées aux oubliettes dès la Renaissance avec l=hégémonie de la pensée grammairienne et logique. En effet, il est de tradition de définir les figures de pensée négativement en contraste avec les figures de mots également appelées * tropes +. Ces dernières ont pour mérite d=être analysables linguistiquement selon une structure formelle et d=être paraphrasables par d=autres expressions. Or, les figures de pensées, au delà de leur forme linguistique pure, font entrer un jeu des critères discursifs, situationnels, sociaux, intellectuels et émotifs qui peuvent sembler beaucoup plus difficiles à cerner à partir d=un modèle d=analyse structural et formalisant. Dans un premier chapitre, Forget explique comment on en est venu historiquement à marginaliser les figures de pensées par rapport aux autres phénomènes langagiers et qu=il a fallu l=avènement récent des modèles linguistiques issus de la pragmatique pour qu=on leur redonne leurs lettres de noblesse. La rhétorique ancienne valorisait l=art oratoire de la langue vulgaire par rapport au latin dans un contexte socio-politique où la Magistrature et l=Église étaient des institutions de prestige dans lesquelles l=art de bien parler et le pouvoir de persuasion étaient fondamentaux. Le discours associé à un aspect moral était doté d=une finalité. Les idées primaient sur la mise en mot...