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1 C’est Baudelaire qui souligne, affichant ainsi son intention ironique. university of toronto quarterly, volume 71, number 3, summer 2002 L U C B O N E N F A N T Aloysius Bertrand et les noms du genre C’est pourquoy fault ouvrir le livre : et soigneusement peser ce que y est deduict. Lors congnoistrez que la drogue dedans contenue est bien d’aultre valeur, que ne promettoit la boite. François Rabelais, Gargantua En dépit de circonstances extraordinaires, la publication en 1842 d’un livre intitulé Gaspard de la nuit. Fantaisies à la manière de Rembrandt et de Callot passe presque inaperçue. Des acteurs aussi importants que Sainte-Beuve, David d’Angers et Victor Pavie ne réussissent pas à faire en sorte que l’ouvrage soit connu des écrivains de l’époque, encore moins du public en général. Nous savons combien ironique est la lettre dédicace de Baudelaire à Arsène Houssaye : « Un livre connu de vous, de moi et de quelques-uns de nos amis, n’a-t-il pas tous les droits à être appelé fameux ? » (Baudelaire : 21–22) . 1 Au fil des ans, la destinée du recueil se trouvera cependant modifiée d’une manière telle que, en 1980, Max Milner peut écrire : « Il est rare d’assister à la naissance d’un genre littéraire. Plus rare encore de pouvoir la rattacher au nom d’un écrivain particulier. Cette conjonction s’est pourtant opérée dans le cas d’Aloysius Bertrand, inventeur incontestable du poème en prose français » (7). Réintégrés dans l’histoire littéraire, y occupant même une place déterminante, Bertrand et son livre sont aujourd’hui connus et étudiés. Comme en fait foi le nombre d’études récentes qui lui sont consacrées, l’intérêt des spécialistes va croissant à l’égard du Dijonnais. Ce qui frappe toutefois, c’est que cet intérêt porte sur le seul Gaspard de la nuit; les autres écrits de Bertrand sont presque systématiquement négligés et, lorsque convoqués, ils le sont toujours à des fins de comparaison qui mettent en relief le caractère nouveau et poétique du recueil. Trop souvent, l’analyse comparée des textes sert à montrer le resserrement stylistique et syntaxique opéré par Bertrand entre les diff érentes versions de ses textes permettant ainsi de conclure que la dernière version est un véritable poème en prose. Le genre se trouve ainsi célébré, et Gaspard de la nuit devient un livre de prédilection pour quiconque s’y intéresse. Partant d’une lecture détaillée de « La poterne du Louvre », la première 708 luc bonenfant 2 Il faut convenir que le poème en prose possède des affinités (narratives) avec d’autres genres brefs tels que les genres réflexifs comme la maxime et l’aphorisme, les genres narratifs comme le conte ou la nouvelle, et la prose prophétique (Vincent-Munnia). university of toronto quarterly, volume 71, number 3, summer 2002 partie de cet article cherche à montrer que les textes contenus dans le recueil de Bertrand peuvent aussi être lus comme des nouvelles. Si cette possibilité d’une double lecture des textes bertrandiens illustre de façon exemplaire le caractère hybride du genre du poème en prose , il faut surtout se souvenir 2 que celui-ci « invite enfin le lecteur à se demander ce qui fait qu’un texte est ou non reçu comme poème » (Sandras : 13). Ce sera là l’objet de la seconde partie de l’article, laquelle propose une réflexion sur les conditions qui ont permis de faire de Gaspard de la nuit un recueil fondateur au plan générique.« L A P O T E R N E D U L O U V R E » : U N E N O U V E L L E ? De cette pièce, John Simon écrit : « Considerably less poetic, but eminently successful as a short short-story, is a piece like La poterne du Louvre, where what begins as a tale of horror...

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