In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Histoire, histoires: Nouvelles approches de Saint-Simon et des récits des xviiexviiie siècles ed. by Marc Hersant et al.
  • Guy Rooryck (bio)
Histoire, histoires: Nouvelles approches de Saint-Simon et des récits des XVIIe–XVIIIe siècles, éd. Marc Hersant, Marie-Paule Pilorge, Catherine Ramond et François Raviez Arras: Artois Presses Université, 2011. 376pp. €25. ISBN 978-2-84832-143-1.

Les contributions rassemblées dans ce fort volume sont le fruit de journées d’études tenues en 2009 à Arras et à Bordeaux. L’ouvrage est ainsi divisé en deux parties distinctes, mais complémentaires, l’une consacrée à Saint-Simon, l’autre au discours rapporté dans les récits fictifs et historiographiques des xviie et xviiie siècles.

Si histoire et littérature ont toujours fait bon ménage en France, leur alliance ne s’en est pas moins émaillée de querelles et de tiraillements dont les mémorialistes en particulier ont parfois fait les frais. Grand écrivain, Saint-Simon, tout comme Retz dans la génération précédente, n’en était pas moins jugé, à l’aune de l’historiographie positiviste, partiel et partial dans le témoignage des évènements de son temps. Les auteurs de la première partie du volume ont le mérite de placer Saint-Simon, ses Mémoires et ses autres écrits, dans le temps de leur énonciation, vers le mitan du xviiie siècle, où le chatoiement des Lumières obombre parfois une diversité de sensibilités qui pour être plus traditionnelles, [End Page 795] n’en ont pas moins façonné l’époque. Dans un article qu’elle consacre à la place que le duc occupe dans les manuels de littérature, Laetitia Perret-Truchot montre bien comment le mémorialiste fait éclater les catégories souvent préconçues où sont enfermés les siècles en fonction de caractéristiques par trop simplistes. Les vastes champs de savoir de la bibliothèque du duc et pair aiguisent la vue rétrospective et universelle d’un mémorialiste à la « spiritualité exigeante » (Philippe Hourcade). En dénonçant les dérives de l’absolutisme, Saint-Simon s’inscrit pleinement dans son temps, même si sa rage d’historien est celle d’un seigneur attaché aux privilèges d’un ordre que le pouvoir humilie. Voltaire, dont il est beaucoup question ici, apparaît ainsi tantôt comme partageant un programme historiographique pas tellement éloigné de l’optique du duc et pair (Sylvain Menant), tantôt au contraire comme le défenseur d’un Roi-Soleil qui, s’il mettait à mal l’ordre immuable si cher à Saint-Simon, le faisait au nom d’un intérêt général où l’avilissement de la noblesse avait toute sa raison d’être (Isabelle Gillet). Tout pétri des lois immémoriales d’une ancienne monarchie quasi idéelle, Saint-Simon, qui a été le confident du financier John Law, condamne sévèrement les constructions financières de son Système, qu’il juge incompatible avec les valeurs françaises (Nelly Hissung). C’est en « dévot éclairé » (Bruno Guermonprez) que le mémorialiste prend part aux grandes questions religieuses qui traversent l’époque. S’il dénonce avec force la révocation de l’Édit de Nantes, ce n’est pas comme le théiste Voltaire au nom d’un principe rationnel de tolérance, mais parce que sa « raideur idéologique » en matière religieuse se tempère d’une charité chrétienne qui réprouve la persécution des huguenots (Marie-Paule de Weerdt-Pilorge). Le monde qui environne le vieux seigneur au moment de la rédaction de ses écrits affleure ainsi comme un « temps négatif » (Marc Hersant) de corruption et de décadence dont les Mémoires retracent l’origine.

Comme le rappelle l’introduction à la deuxième partie de l’ouvrage, l’enquête sur les discours rapportés dans les récits de fiction et dans les livres d’histoire au xviie et xviiie siècles pose la question du statut de la parole qui...

pdf

Share