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CLAUDINE POTVIN Les masques de I'ecritu.re : eet imperceptible mouvement de Aude Aude, qui a d'abord publie sous Ie nom de Claudette Charbormeau-Tissot, pratique Ie genre de la nouvelle depuis ses tout debuts. Ayant ason acquis six recueils de nouvelles ou de contes et trois romans, cette romanciere et nouvelliere elabore dans ces recits un univers etrange et fantastique1 • Or Ie fantastique dans ses textes ne sert bien souvent que de pretexte, voire de masque, aun commentaire et une reflexion de nature philosophique, et extremement realiste dans un certain sens, sur I'existence, la douleur, 1a mort. L'ecriture s'y deguise, cherchant derriere les mots un denuement qui masque ason tour les paroles inutiles. L'auteure parle d'une «zone de silence» ou commencerait Ie veritable travail d'ecriture, de «phrases epurees H qui permettraient d'atteindre l'indicible, d'une « forme de depouillement» (Lord, 1988a : 68-69). Sans appartenir al'ec1aternent syntaxique et semantique ainsi qu'a la deconstruction des genres auxquels l'ecriture qw§becoise au feminin des annees 1970 a donne lieu, Ie texte audien se donne sous forme d'un referent«destabilise », sans pour autant en etre «evacue », d'une matiere verbale« prise en charge et soigneusement travaillee », comme Ie souligne Agnes Whitfield (1997: 97) apropos de Bane de brumeou ies aventures de la petitefille que l'on croyait partie avec ]'eau du bain. Les remarques d'Estelle Dansereau au sujet des Conies pour hydrocephales adultes allaient dans Ie meme sens. Chez Aude, ecrivait Dansereau, « 1a recherche de la certitude COlnme de la signification ne mene qu'a des fictions» (Dansereau, 1990: 35), ce dont teffioigne tout particulierement I'avant-dernier livre de Aude, eet imperceptible mouvement, recueil qui lui a valu Ie prix litteraire du Gouverneur general, section Roman et nouvelle, et qui fait l'objet de cette etude. Ce recueil feunit treize nouvelles liees, tout au moins a la premiere lecture, davantage par la maniere de conter que par l'unite du theme. L'effet d'etrangete, dominant dans les recueils precedents, s'y estompe quelque peu pour faire place aune exploration de la realite de personnages plus ou mains anonymes, prenoms/pronoms, masques apeine identifies, rarement decrits. II va de soi que Ie genre de la nouvelle implique une serie d'exigences narratives auxquelles il est impossible d'echapper. La brievete 1 Voir Michel Lord (1995)· UNIVERSITY OF TORONTO QUARTERLY, VOLUME 68, NUMBER 4, FA.LL 1999 862 CLAUDINE POTVIN empeche bien sur tout developpernent elabore, obligeant l'auteur a resumer, condenser, selectionner. Cependant, Aude choisit deliberement de se situer hors de l'anecdote. C'est auregistre de I'emotion et de l'impression (trace/irnprime et sensation) que ses histoires, la plupart du temps inexistantes, s'enchament, faisant Ie vide autour de 1'« intrigue» et de l'actant/acteur. C'est sous forme de scene-eclair, de flash, de repetitions, d'obsessions, d'images, de motifs, que Ie texte se donne dans eet imperceptible mouvement. Ecriture qui ne se situe pas dans Ie fragmentaire toutefcis car ces images textuelles finissent par creer un tableau et une vision homogenes sinon uniformes Examiner les diverses manifestations du motif du masque qui traversent l'ensemble des recits de ce recueil ncus amenera anous pencher sur Ie fonctionnement de l'ecriture audienne comme masque. Dans cette analyse, il faut entendre «masque» dans un sens tres large, dans son acception multiple de deguisement, rnascarade, (fausse) apparence, empreinte et, par extension, toute modification du visage etdu corps, soit peinture, tatouage, ornementation, travestissement ou attitude, physionomie, expression, grimace, etc.; de plus, Ie « masque» litteraire signifie Ie processus de representation et de revelation comme tel, techniques ou modes d'ecriture, I'ecriture devenant elle-meme masque, pour reprendre I'idee de Severo Sarduy (1969: 48), en ce qu'eHe met en jeu Ie vraisembiable de toute fiction. Mais qu'est-ce que se masquer? Selon Georges Buraud,« c'est reduire la mouvante et inepuisable richesse d'expression de notre visage a une apparition unique, fixe et rigide qui, en droit, peut persister indefiniment », OU encore, c'est « mentir aune partie considerable de nous-meme, de notre caractere, de tout notre passe qui ne se soucie pas...

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