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SCIENCES HUMAINES 479 une inconsequence de sa part. Desinvoltef Ferron certes l'etait, mais il prenait tres au serieux cette legerete des jeux de mots. Je signale au passage une figure (en est-ce encore une? Mieux vaudrait sans doute parler de lapsus dans ce cas)f citee aplusieurs reprises dans l'analyse de «Betes et mari» sans que l'auteure en tire tous les effets de sens: il s'agH de ]'enonce du cure, «Faut te marier» ou, selon Ie rythme prosodiquef Ie debit ou l'intonation, on pourra entendre l'argument fondateur du recit, Ie mariage faisant tout a la fois l'objet d'un ordre, d'une prescription (<< Faut te marier»), et d'un interdit, d'une faute appelantsanction (<< Faul te marier »), renvoyant al'ambigillte de la lec;on finale du conte: car, apres tout, le« gros rat blanc », enfin appareille a la «grasseyante» souris de Charlebourg, 5'affranchit-il ou se retrouve-t-il domestique, licou au cou, asservi ason«devoir conjugal» ? Dans ce conte, comme dans plusieurs textes de Ferron, il n'est pas si sur que Ie mariage assure si logiquement Ie saluL. Jacques Ferron se donnait beaucoup de mal pour laisser entendre ce qu'il voulait dire - sans Ie dire en toutes Jettres, bien entendu. (CINETTE MICHAUD) Michel Lapierre, La Venus quebecoise avec OU sans fourrure Montreal, Stanke, 234 p. De tout ce qui s'est publie cette annee, rien n'est plus etonnant que cette Venus quebecoise de Michel Lapierre. A quoi peut-on attribuer ce respectueux silence de1a critique it son endroit? Acause de son titre? On pourrait croire, en effet, qu'il s'agit d'une nouvelle exploration de l'univers trouble et pervers de Sacher-Masoch et de sa Venus afa fourrure (1870). Il n'en est rien. D'ailleurs Ie prefacier Jean-Claude Germain prend soin de nous prevenir du sens de cet ouvrage: «Dans un pays OU il n'y a que deux saisons, Ie mois de juillet et l'hiver, bien couvrir ses idees et ses Aphrodites pour les garder au chaud s'avere une necessite calorifique». Aussi«enfirouapee», pour reprendre Ie titre du roman d'Yves Beauchemin, ou aussi obscene, selan l'Inquisition, que la« Maja desnuda», notre Venus se refait une virginite sous 1a plume de Lapierre. En effet, l'essayiste s'est donne pour mission dans cet ouvrage d'explorer l'univers feminin de 1880 a nos jours, d'une rnaniere tres originale, avec un ceil goguenard. Ces soixante femmes (parfois femelles) se nomment Angeline, Simone, Clairef Didi, Florentine, Louise ou Muriel, etc., pour les plus connues et les plus quebecoises; puis Marylou, AngeliquefJudy, Lucy, Wavey, des inconnues du grand public quebecois, mais deja celebres chez les Anglo-arnericains. Une excentricite de la part de Lapierre? Pas du tout! Au contraire, il fait montre d'une profonde connaissance du monde litteraire anglo-americain. II demontre sans I'ombre d'un doute que Ie CCEur des Venus quebecoises bat parfaitement au rythme de toute l'Amerique. Si Jacques Poulinf il y a quelques annees, s'etait vu attribuer Ie merite de suivre ala trace et de 480 LETTRES CANADIENNES 1998 decrire efficacement Ie nomadisme des « males» quebecois sur l'ensemble du continent, d/autres auteurs avaient-ils evalue le nomadisme ou Ie sedentarisme des «femelles» quebecoises ? Voila sans doute 1a question que s'est posee Michel Lapierre. Non seulement cherche-t-il une reponse sur la mouvance de ces « femelles », mais encore il explore ce filon etil nous en demontre I'etonnante richesse. En bon historien-archeologue, il effectue des coupes chronologiques dans notre cimetiere litleraire et il partage son champ operatoire en tranches de dix ans, de 1880 a1996. Les artefacts sont plus ou moins ahondants atravers ces couches soigneusement deshabillees; 1a plus genereuse, en 1970, comporte pIus d'une douzaine de Venus, lesplus maigres selogent dans les strates entre 1880 a1930. En quoi ces momies litteraires dont il deroule soigneusement les banderoles se ressemblent-elles? En quoi sont-elles exceptionnelles a travers les ages et les espaces? Dans certains cas, elles se definissent en elles-memes et entre elles-memes; dans d'autres c'est par les males qui gravitent autour d'elles. Pour ce faire, Lapierre ne resume pas l'intrigue, mais illa disseque au premier, au second et merne au troisieme degre, toujours selon les besoins de ses demonstrations. Par ceUe methode, il cree une vie nouvelle qu'il prolonge par une interiorite peu banale. Il n'impose pas aces phenomenes au feminin ce poids traditionnel des« corveistes» de la grille analytique qui fait dire au lecteur: «et puis apres... » ? Au contraire, Lapierre est un jouissif qui veut transmettre Ie plaisir de lire et de voir.«Notre Venus, ecrit-il, s/accommodera de tout un monde: Ie sauvage majestueux, Ie coureur des bois, Ie missionnaire, le pauvre colon, Ie gros habitant Ie defroque, Ie martyr, l'etudiant stone, Ie parapIegique, Ie grand bourgeois sur Ia paille, Ie Pierre Peladeau en herbe et l'eternel absent». C'est beaucoup! Est-il necessaire d't~largir l'eventail au risque de cacher la nudite de notre Venus? Par une methode d'ecriture assez originale, bon gre mal gre, i1 force Ie lecteur a devenir voyeur-acteur, a participer a cette parade de mode aux signatures multiples, en utilisant Ie «VOUS» : «VOllS eJes assis pres de la jolie veuve» (Simone); «il vous faut mepriser Marie; pour la desirer »; «Valerie, qui VOllS a reconnu, s/assoit a votIe table»;«vous la deshabillez» (Angelique); «Terry et Marylou vous faisaient decouvrir la part feminine de vous-meme », et nous pourrions allonger la liste des «VOllS» en la muitipliant par soixante. En quoi, aloIs, ces soixante« beautes clandestines» forment-elles« contre I'ordre etabli la plus sournoise des menaces» ? C'est que l'on n'arrive pas, et l'essayiste ne Ie desire pas d'ailleurs, adresser un beau tableau (une grille pour les experts) bien propre ou elless'y retrouveraient avec des caracteristiques communes et des differences caracterielles, petit tableau bien sati5faisant , et surtout de nature amener aun memoire de rnaitrise. Les seuls denominateurs communs atoutes ces Venus, ce sont «les perversions tribales ». Voici quelques exemples :Angelique « devoile la dimension quebe- SCIENCES HUMAINES 481 coise de l'Amerique »; «Nathalie, c'est la mort en chair et en os »;« Florentine,c'est la simple pourvoyeuse du foyer »; « Sylvie, c'est la salope, la putain, 1a vache, I'ordure »; «Sawine reve d'etre transpercee par mille queues de cometes! »; « Wavey est l'incarnation de la poesie »; enfin Fanny est la fiUe de 1a jungle... «elle vous prouvera, contre toute attente, que I'Amerique est quebecoise ». Meme si ces tableaux ciseles avec bonheur ne sont pas tous d'egale force, ils demeurent, selon nous, marques au coin d'une indeniable reussite analytiqueetd 'unecoherencesoutenue d'un textea I'autre. (REGINALD HAMEL) Cahiers Charlevoix. Volume 1. Etudes franco-ontariennes. Etudes de Rene Dionne, Gaetan Gervais, Jean-Pierre Pichette, Roger Bernard, Fernand Ouellet et Femand Dorais Sudbury, Prise de parole et Societe Charlevoix, 1995,411 p., 25$ Cahiers Charlevoix. Volume 2. Etudes franco-ontariennes. Etudes de Gaetan Gervais, Jean-Pierre Pichette, Roger Bernard, Femand Ouellet, Fernand Dorais et Rene Diorute Sudbury, Prise de parole et Societe Charlevoix, 1997,487 p., 30$ Calliers Charlevoix. Volume 3. Etudes franco-ontariennes. Etudes de Jean-Pierre Pichette, Roger Bernard, Fernand Ouellet, Michel Gaulin, Rene Dionne et Gaetan Gervais Sudbury, Prise de parole et Societe Charlevoix, 1998, 367 p., 30$ Les Cahiers Charlevoix, dont sont ici reunis les trois premiers volumes, sont Ie produit - exclusivernent - d'un regroupement de chercheurs francoontariens bien connus. Cette amicale, nommee en l'honneur de l'historien Pierre-Frant;;ois-Xavier de Charlevoix (1682-1761) et vouee a la recherche et la publication, a d'abord ete l'idee de trois universitaires de la region de Sudbury: Gaetan Gervais, Jean-Pierre Pichette et Fernand Dorais. Ace trio initial se sont ajoutes sur invitation Rene Dionne, Roger Bernard et pour le demier volume, Michel Gaulin. Les publications de la Societe Charlevoix sont done pluridisciplinaires, bien que l'histoire (po1itique, sodale et litteraire) et la sociologie y jouent un role preponderant. Peu de place est faite dans ces Cahiers ades textes de nature plus conjecturale. Le ton de l'introduction, parue dans Ie volume I, ne trompe pas. Le but explicite de ces chercheurs tries sur Ie tas est de remettre les horloges a l'heure de la rigueur scientifique en ce qui concerne l'etude de l'Ontario frant;ais. Les notes abondent done ici, jusqu'a ne laisser que quelques lignes de texte par page; les dates et les tableaux statistiques ponctuent I'ensemble. 11 est certain que ce recours parfois excessif (chez Rene Dionne notamment ) a un apparat critique tres detaille en decouragera plusieurs. Mais il ...

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