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526 LETTRES CANADIENNES 1996 Marc Chabot, Don Quichotte ou l'enfance de l' art Quebec~ Nuit blanche editeur, 175P., 21,95$« Je me suis donne pour mission de faire vivre Don Quichotte. Man essai est un livre au service d'W\ autre livre.}) Apartir de cette volante de rendre service au texte de Cervantes, l'essai de Marc Chabot constitue une invitation ala (re)lecture. Voila une entreprise rafrakhissante pour attirer les lecteurs en associant un c1assique espagnol ala culture quebecoise (la mention du roman Les aventures de Sivis Pacem et Para Bellum de Louis Gauthier, ou Don Quichotte vu cornme un« Elvis Gratton» de la chevalerie, en sont quelques exemples). L'auteur rejette l'autorite erudite des cervantistes, et il cite Unamuno pour revendiquer son droit a lire Don Quichotte apartir de la perception d'un lecteur de la fin du xr siecle. Ainsi, Chabot etablit son point de vue:«Je n'ecris pas un manuel scolaire. Je lis un livre et j'ecris apartir de ce livre ». Le lecteur se retrouve devantun essai qui offre un regard personnel, non specialise et plutot voue au partage du plaisir de la lecture. L'essai contient trente chapitres, avec des titres rediges (encore une fois a la fa\,on de Unamuno) selon Ie style cervantin. Tout au long de ces chapitres, il y a une reflexion sur la litterature et ses rapports avec la philosophie. Par exemple, citons Ie statut de la verite et du mensonge dont Ie debat, al'epoque de Cervantes, se faisait en termes d'histoire et de poesie. 11 y a aussi l'analyse de deux personnages feminins: Marcelle et Dulcinee. La premiere est consideree par Chabot comme porte-parole d'un discours aux allures feministes, et la deuxierne, camme I'objet du desir engendre par l'aventure chevaleresque de Don Quichotte. L'ecuyer, Sancho, est vu dans la relation tres particuliere avec son maitre pour qui il invente une dame sur mesure, enchantee et de laquelle il devra desenchanter ala suite de trois mille coups de fouet. Vers Ia fin de I'essai, l'auteur considere la presence d'une deuxieme partie apocryphe par Ie biais des reactions de Don Quichotte et Sancho face ala fausse continuation de 'ses aventures. Apres une revision du platonisme du roman, les derniers chapitres mettent en' rapport la fin de 1a lecture avec I'etablissementd'une nouvelle definition de 1a litterature, cette forme d'art qui permet de retrouver l'alterite humaine en nous-memes. Le titre fait appel ala notion d'enfance artistique, brievement expliquee comme partie essentielle de l'art, incapable de se defaire de son statut exemplaire, toujours avec ce «besoin d'un personnage pour s'approcher d'un concept ». SeionChabot, la litteratureseraitalors moins philosophique acause de ce manque de rationalite abstraite, mais l'auteur insiste sur Ie pouvoir de declenchement del'imaginaire mene par Ie litterairequi perrnet la construction de l'autre en sol. nest interess.ant de constater que Chabot signale une question essentielle dans la constitution du roman modeme: celie de la verite et du rnensonge SCIENCES HUMAINES 527 du recit, longuement consideree par d'illustres cervantistes comme Americo Castro, Edward C. Riley et Felix Martinez Bonati. Au debut du xvue siecie, la Poetique d'Aristote est Ie texte Iu et reIu par tous les rhetoriciens. Cervantes, Iecteur averti des novellieri italiens, connait ces idees et il est d'accord avec cette complicite entre I'auteur et Ie lecteur qui se trouve ala base du vraisemblable narratif. L'auteur de Don Quichotte revendique la litterature de fiction au-dela des prejuges de la critique neoplatonicienne de son temps sur les prejudices potentiels de ce type de litterature. Son CEuvre ne fait q4e reaffirmer Ie pouvoir du roman pour preconiser une realite ideale de haut contenu moralisateur. Cet enjeu est toujours d'actualite et, meme si I'essai souligne I'ambigutte des mediations dans I'enonciation de la «vraie histoire » de Don Quichotte, il n'insiste pas suffisammentsur Ie rapport, tres etroitd'ailleurs, entre Ie texte (sonconcept de vraisernblance) et Ie contexte historique et culturel de l'Espagne du xvue siecle. Aune epoque ou tout artiste subit les contraintes ideologiques de la censure inquisitoriale, Cervantes...

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