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Les trajets de l'écriture. Claude Simon by Ralph Sarkonak (review)
- University of Toronto Quarterly
- University of Toronto Press
- Volume 67, Number 1, Winter 1997/98
- pp. 458-460
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458 LETTRES CANADIENNES 1996 document cinematographique de la fin de sa vie. L'etude de ce projet par Jean-Pierre Boule nous revele son interet docurnentaire. Mais pour nous convaincre queGuibert ainventeunnouveau genre autobiographique, que Boule appeUe la «thanagraphie existentielle », i1 faudrait une analyse un peu plus profonde. Mais pourtous ceux et ceiles quis'interessent al'autobiographie comme genre ou au groupe des existentialistes, Ie volume de Keefe et Smyth demeure riche d'enseignement. (ELIZABETH AUB:E) Ralph Sarkonak, Les trajets de l'ecriture. Claude Simon Toronto, Paratexte, 1994, 235 p. Ralph Sarkonak nous offre la un travail considerable de presentation, d'analyse et de mise en perspective de l'ceuvre simonienne recente. 11 s'attache aux titres des annees 1980 qui marquent, chez Ie laureat du prix Nobel 1986, une nouvelle maniere par rapport au formalisme plus marque de la periodeanterieure. Sarkonak,dont onconnaissaitl'ouvrageprecedent sur Ie meme auteur (Les carrefours du texte, Paratexte, 1986), se consacre ici aux cinq dernieres fictions simonielUles; Les georgiques, La chevelure de Berenice (reprise de Femmes), L'invitation, L'album d'un amateur et L'acacia. (S'en tenant aux annees 1980 et ne considerant peut-etre pas assez la part fictionnelle du dernier recueil de photographies du Nobel, Sarkonak n'integre pas dans son corpus d'etude l'ceuvre Photographies 1937-1970, pame en 1992 chez Maeght. 11 n'en est que furtivement question dans Ie chapitre consacre aL'album d'un amateur.) Cet essai est plus qu'un recueil d'etudes: c'est lme reflexion sur la theorie et la lecture d'une des ceuvres les plus riches et les plus complexes de la litterature contemporaine. Chaque chapitre porte sur l'un des textes en question et remet aussi en question la demarche meme du critique et de la critique, les·grilles et les exces de formalisation dont a souvent pati l'=uvre du Nobel, ce demier ayant parfois contribue lui-meme a ce type d'outrance. Ce nouveau travail d'analysemontre une penseecritiqueen mouvement qui n'hesite pas a revenir sur sa propre demarche et, par la plus sagace des autocritiques, a renouveler son approche. Ainsi Sarkonak prend-il ses distances avec l'etude des _ processus generateurs, pour accorder plus d'importance a la notion d'arborescence (qu'annon<;ait deja celie de«reseau» dans ses Carrefours du texte). Plus loin, l'analyse de L'invitation amene Sarkonak a revoir son ancienne typologie des modes mimetiques et areduire atrois les fonctions en question: mimetismes graphique (l'image), cratylien (Ie nom) et referentiel (la chose). Prime pour Sarkonak la singularite du texte simonien et la «semiotisation de la nHerence» a laquelle il donne lieu. Aussi al'aise dans l'examen de la langue simonienne que dans l'analyse iconique des photographies de l'auteur, Sarkonak pro- SCIENCES HUMAINES 459 pose une nouvelle lecture de L'album d'un amateur, y decouvrant un principe d'organisation et des details qui nous avaient peut-etre echappes. Ainsi cette ceuvre hybride se retrouve-t-elle intimement reintegree comme materiau visuel et textuel al'ensemble du Texte simonien, d'oll l'importance de considerer au meme titre Ie recueil Photographies du meme auteur. Tout comme L'acacia dont on a deja montre qu'il subsumait l'CEuvre entiere (voir dans Ie nwnero 414 de Critique (1981), les articles de Lucien Dallenbach et de JoImFletcher, ainsi que notre propre lecture duphenoffiemedans Profils du personnage chez Claude Simon, Paris, Minuit, 1992 p. 261-266), L'album amorce en 1988 cet «effet de somme» qui caracterise de plus en plus l'ecriture du Nobel. Sarkonak adopte dans son essai «un moyen terme entre la part de l'intuition, qu'il ne faut pas deconsiderer, car elle est a1a base de toute etude proprement scientifique, et celle de la formalisation ». Compte tenu de l'heterogeneite du corpus (roman, discours, parapoetique, relation, album de photos), l'analyse de Sarkonak n'adopte pas llll.e grille unique, mais ils'adapte a chaque type dediscoUIs. Cettesouplessemethodologique tranche heureusement avec les travaux plus monolithiques consacres jusqu'a, present a I'auteur (surtout ceux qui concernent sa periode« formaliste » des annees 1966--1975), ou encore avec tel recueil d'entretiens se donnant comme essai ou comme glose autorisee de I'(Euvre. Sarkonak opte, lui, pour une approche ouverte des systemes discursifs, dans 1a mouvance principale de Roland Barthes. II met I'accent 8m les problemes d'intertextualiteet de semiosis. Ces questions agitent en effet l'ensemble du corpus, mais l'interet de la lecture de Sarkonak reside surtout amon sens dans les liaisons qu'il etablit entre les dernieres CEuvres et l'ensemble de la production simonienne. Ainsi, la lecture des Georgiques 5'effectue apartir de son avant-texte ou de ce que Sarkonak appelle les «ruines intertextuelles d'une premiere version ». L'examen minutieux d'un vieil ouvrage d'Adden Dry sur les soldats sous Ie Directoire permet ainsi a Sarkonak de mettre a jour la textualisation de ce «stimulus avant-textuel ». L'ouvrage histotique se trouve en effet integre dans Ie roman selon une procedure complexe qui en affecte jusqu'a la thematique (Dry-dry-sec-hurnide). Ne pouvant dans Ie cadre de cette recension aborder chacune des analyses de l'aute~r, je concluerai sur ces remarques. Je n'hesite pas adire, pour avoir moi-meme longtemps travaille sur cette ceuvre, que Sarkonak la possede intimementet en dorme ici une lecture des plus fines et des plus novatrices. II temoigne en effet d'une connaissance approfondie du Texte simonien, cOImaissance qui lui perrnet constamrnent de jeter des ponts d'lUle CEuvre et d'une periode al'autre. L'etude finale de L'acacia est a ce chapitre assez revelatrice de l'unite d'inspiration et de facture de l'ceuvre du Nobel. Avec L'acacia, Sarkonak retrouve son approche de l'arborescence textuelle chez I'auteur et montre bien comment ce 460 LETTRES CANADIENNES 1996 roman reprend et subsume l'ensemble des titres et des fac;ons de l'ecrivain. Fortement empreint du discours simonien, celui de Sarkonak en vient parfois a en epouser Ia forme et l'expression. Ainsi, dans un passage sur l'irnpression de deja vu ou de deja lu chez I'auteur, Sarkonak amorce precisement une de ses phrases par «Tire a hue et a dia dans Ie temps», expression elle-meme tin~e du roman Histoire et dont nous avions nousrneme use pour caracteriser le personnage simonien. La lecture qui me semble la plus vivifiante m'apparait celie de L'album d'un amateur (encore que la rarete de cet ouvrage ne permettra pas a la majorite des lecteurs d'apprecier Ie detail de l'analyse ici presentee). Sarkonak reprend alors la lecture barthesienne du studium-punctum, qui se prete bien aun tel photo-texte. En resulte une analyse assez fine du texte et de l'image, avec, parfois, de forts beaux developpements sur tel ou tel aspect pictural du corpus. Notons pour finir l'interet pour la recherche de l'inventaire des pages 185-209, ou Sarkonak livre par Ie menu Ie tissu presque infini des correspondances entreL'acacia et Ie reste de l'reuvre. II s'agit la d'une invitation ala lecture hypertextuelle du texte simonien dont Sarkonak donne aimaginer la recomposition possible sur ordinateur. Alors que Ie vieux Nobel n'a plus livre de fictions depuis pres de neuf ans, on se prend arever acette autre (ultime?) fiction: lli1 CD presentant a partir de L'acacia les multiples liens, les images et les arborescences renvoyant al'ensemble d'une ceuvre dont ce nouveau support informatique serait tout ala fois l'echo,l'hommage et Ie testament. (BERNARD ANDRES) Simone Maser, L'image de David dans la litterature franraise Orleans (Ontario), Les Editions David, 226 p. C'est en lisant des textes de la Renaissance que Simone Maser a eu l'idee d'etudier l'image de David dans la litterature franc;aise. Frappee par la polysemie de David, c'est-a.-dire la multiplicite des Visages que prend ce personnage biblique dans la France du XVl e siecle, Maser trace la metamorphose de David au gre des ecrivains. En relevant les diverses images de David au fil des siecles, elle decouvre en meme temps I'evolution des mentalites du Moyen Age jusqu'au present, aussi bien que les tensions internes et les combats latents des ecrivains. Comme Ie constate Maser,« c'est done tout un voyage atravers pres de dix siecles que je propose en prenant cornme fil d'Ariane l'image de David )). Le livre commence avec une courte introduction qui ptesente l'image du David biblique, historique et legendaire. Les chapitres suivants procedent selon la chronologie~ en passant par la Jerusalem biblique et la France chretienne du Moyen Age, de la Renaissance, de la monarchie absolue, du XIX e et du xxe siecles. A mon avis, ce livre reussit bien son double projet. Dans un premier temps, il souleve l'heterogeneite des images du David biblique: « [V]aillant ...