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Lettres canadiennes 1995 sous LA DIRECTION DE MICHEL LORD Romans et nouvelles HELENE MARCOTTE Imaginer dOlU1ait ala vie un autre townant qui laissait supposer que la vie avait un sens. Nicole Brossard, Baroque d'aube. L'aruH?e 1995 aura eM une borme annee pour Ie roman, meme une tres bonne. Non seulement certaines valeurs silles, conune Marie-Claire Blais, Anne Hebert, ou encore Andre Major, nous livrent des romans ala hauteur de leur talent, roais d'autres auteurs, padois deja connus et apprecies du public (Yolande Villemaire, Emmanuel Aquin, Lise Bissonnette, Yvon Rivard, etj'en passe), parfois s'essayantaune premiere ceuvre roroanesque (Rachel Leclerc, Isabelle Poissant), naus reservent de fort belles surprises. Quelques exceptions vierment gacher l'harmonie de ce tableau idyllique... mais j'y reviendrai. A la lecture des vingt-trois romans retenus dans cette chronique se de5sinent certaines situations obsedantes: triangle amoureux, retour d'un fantome du passe, envarussement progressif du heros par la mort, etc. Ces divers scenarios, s'ils temoignent de la richesse d'inspiration des auteurs, s'articulent neanmoins aut~ur d'une meme thematique: celIe de la quete. Quete de l'absolu, du bonheur, de la liberte, quete de soi, de l'autre et surtout quete du sens de la vie. Les-protagonistes n'aspirent qu'a resoudre l'enigme que pose toute existence, en particuJier 1a leur, et tendent vers 1a perfection d'un moment, uJtirne point de chute avant la mort, amoins que ce ne soit 1a mort elle-meme. En ce qui a trait a la nouvelle, il faut dire que si l'annee 1994 etait remarquable,l'annee 1995 se porte plutot mal, aucunrecueil ne s'imposant reellement. La plupart des nouvellistes optent pour 1a facilite, peignent un quotidien... tres quotidien, brei non seulement ne sortent pas des onueres et des sentiers battus, mais s'y embourbent. II ne faudra donc pas 5'etonner de la rarete des commentaires concernant les formes breves. UNIVERSITY OF TORONTO QUARTERLY, VOLUME 66, NUMBER 1, WINTER 1996/7 2 LETTRES CANADIENNES 1995 INITIATION: DE L'ALTERITE A L'APPARTENANCE Que la solitude soit Ia marque des protagonistes ne surprendra guere Ie lecteur puisque c'est de I'esseulement qu'origine la quete, en particulier la quete de l'autre. Et c'est la qu'intervient Ie theme de l'initiation. En effet, I'initiation suppose un apprentissage mais aussi un enseignement: c'est par un savoir transmis, partage, que peut s'effectuer Ie passage d'un etat aun autre, de l'alterite a l'appartenance. Une certaine connotation religieuse reste attachee ace terme qui suggere la connaissance d'un mystere, d'un secret. Avec La nuit des princes charmants (LerrieaclActes Sud, 221 p., 23,95$), Michel Tremblay nous invite en pays de connaissance puisque l'initiation amoureuse, qui est au cceur de l'histoire, sert de pretexte a l'exploration de l'univers homosexuel. La trame romanesque se resume en peu de mots. Un jeune homosexuel de dix-huit ans, un peu naif et tout a l'urgence de son desir, cherche aperdre sa virginite, ou plutot se met en quete du grand amour. Par une nuit de janvier de la fin des annees 1950, il eITe d'un lieu a l'autre, allant de I'opera Her Majesty's au cabaretdes Quatre (oins du Monde en passant par Ie cafe EI Cortijo, et decouvre peu apeu la vie nocturne de Montreal. Tout au long de son periple, Ie protagoniste, qui est aussi Ie narrateur du recit, oscille entre deux princes charmants, un chanteur repondant au nom de Fran~ois Villeneuve et un Irlandais prenomme Alan. L'Irlandais l'emporte et c'est entre ses bras que ceCandide, pour reprendre la comparaison de Tremblay, s'initie aux plaisirs charnels de deux corps vibrant al'unisson. Michel Tremblay poursuit ici la description fine de la sensualite masculine , des emois lies a la seduction. Par son ecriture toujours juste et savoureuse, il reussit anous faire partager les sentiments complexes d'un heros troublant de verite. Malgre ces qualites indeniables, Ie talent de conteur de Tremblay n'etant plus afaire, ce roman aconnotation autobiographlque ne comblera peut-etre pas les attentes des adrnirateurs de l'auteur...

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