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266 LETTERS IN CANADA 1994 plan conceptuel, dans la topique meme de la traduction qui porte en elle, depuis toujours, une indetermination fondamentale: «S'agit-il d'un geste d'infeodation envers un auteur ou une culture, ou d'une activite d'emprise et d'appropriation?» L'ampleur culturelle de cette indetermination fait l'objet d'une discussion passionnante ou l'auteure demontre que la traduction est «partie integrante de I'histoire canadienne depuis Ie choc de la premiere rencontre avec les peuples amerindiens jusqu'aux transactions langagieres institutionalisees d'aujourd'hui ». Du kidnapping des deux fils d'un chef iroquois par Cartier pour des fins d'echanges linguistiques aux pieces plurilingues de Robert Lepage, la question de la langue, notamment de son ouverture a d'autres cultures ou de sa preservation , represente un enjeu capital pour la culture quebecoise. II n'est certes pas difficile d'evaluer l'apport du Trafic des langues a la critique contemporaine. En abordant la notion de la traduction dans une perpective vaste, bien documentee, Simon fait jouer avec force l'interrelation dynamique entre litterature, traduction et culture. Elle ouvre ainsi de nombreux horizons tant au niveau du concept qu'a celui des champs qu'il englobe - alterite, metissage, plurilinguisme et postmodernisme. Quant au domaine proprement litteraire, cette etude dechiffre un champ relativement inexplore. Si on a beaucoup ecrit, ces dernieres annees, sur des probIematiques comme l'intertextualite et l'heterogeneite, on s'est rarement penche sur la poetique de la traduction dans plusieurs genres de la litterature quebecoise. II en ressort un regard nouveau et stimulant qui apporte un eclairage important a l'un des phenomenes marquants de notre societe. Bref, ce livre est un ouvrage indispensable pour tous ceux et celles qui s'interessent au mouvement grandissant du «trafic des langues» dans la culture contemporaine. (JANET M. PATERSON) Fran~ois Pare, Les litteratures de I'exiguiU Ottawa, Le Nordir, colI. Essai, 1992, 75 p. Fran~ois Pare, Theories de La fragilite Ottawa, Le Nordir, colI. Essai, 156 p. Ce qui rend la lecture des essais de Fran<;ois Pare si fascinante, c'est la souplesse de sa methode, son approche critique, faite a la fois de distance critique, necessaire a tout chercheur, et d'abolition de toute distance entre lui et les sujets de son discours. En ce sens, Pare est un ecrivain inquiet qui, pour avoir longuement reflechi aux questions qu'il aborde, n'hesite pas, en bon essayiste, a s'immiscer personnellement dans les debats et les questions qu'il souleve: «II y ales litteratures de la suffisance et celles, pour moi fondamentales, de l'inquietude. [...] J'appartiens genetiquement HUMANITIES 267 a cette inquietude» (Les litteratures...). Tout se passe comme si du sud de l'Ontario anglophone, de I'Vniversite de Guelph, exile de l'interieur (<< moi qui suis loin de tout», Theories...), a l'ecart des lieux qui l'interessent visceralement et intellectuellement (l'Ontario fran<;ais, I'Acadie, la Wallonie...), la ou se forgent les cultures minoritaires, les «petites» litteratures, Pare s'achamait a se comprendre lui-meme. Du meme coup, il reussit aexpliquer, sinon a indiquer quelques-uns des lieux Ies plus problematiques de Ia conscience souvent douloureuse de I'etre en situation de llli.i:loritaire. Les deux ouvrages se ressemblent beaucoup, par Ie ton, par Ie style qu'adopte Pare. Mais Ie premier, Les litteratures de l'exiguiU (prix du Gouverneur general 1993 et Signet d'or 1993 de Radio-Quebec), plus «deconstruit » que Ie second, est constitue de quelque 120 fragments textueis ou l'essayiste aborde les multiples facettes de sa problematique (Ie colonialisme, I'edition, la traduction, I'oralite, Ia spatialite, I'institution litteraire, l'enseignement universitaire, la critique...). Vne exception peutetre : un long article paru en 1982 dans Ia Revue du Nouvel-Ontario, et portant sur la «[C]onscience et [I']oubli: les deux miseres de Ia parole franco-ontarienne ». On peut reprocher ici a Pare de trancher de maniere trop nette, trop manicheenne dans une production qui est devenue tres proteiforme, mais force est de reconnaitre que sa demarche et sa vision sont coherentes. D'ailleurs on peut dire que Ia force autant que la faiblesse de son discours - Pare ne craint pas de se mettre anu - tient au fait qu'il prend position dans Ie debat qu'il souleve: il opte pour la conscience douloureuse. En regIe generale, I'ensemble se donne dans ce que j'appellerais une sorte de magnifique desordre organise, bouiUonnant d'idees, mais toujours transparent de sens. II y a un certain refus de I'ecriture traditionneUe ou academique, chez Pare, son modele pouvant s'apparenter au discours essayistique fragmentaire tel que l'a pratique Roland Barthes: Lyotard m'avait montre, comme Barthes, la voie de la pensee discontinue, par vignettes, par intuitions, sans que n'interviennent,. comme une censure intolerable , les structures du discours critique. Cela ne signifie pas que Ie discours de Pare soit depourvu de sens critique, bien au contraire; il est meme plutot decapant parfois, marque par une exigence et une lucidite extremes, qui font en sorte que les «malheurs » du minoriraire vivant dans I'exiguile n'entament en rien Ia pulsion creatrice: La depossession dont souffrent les cultures minoritaires peut signifier l/avenement d'une vision renouvelee du savoir. [...] Et ce savoir-la ne serait nullement Ie produit de la belle arrogance dont I/histoire des discours cultureis 268 LETTERS IN CANADA 1994 dominants est enrobee; il naitrait plutot de la disjonction, de la stupefaction desirante ou la conscience de I'Autre nous aura jetes. C'est en cela, pure mise en disponibilite de l'esprit al'egard du microscopique et de l'invisible, que je mets aujourd'hui toute rna confiance de chercheur en litterature. Atravers tous les cas de figures litteraires qu'il convoque, et ils sont innombrables - un index serait d'ailleurs souhaitable si jamais I'ouvrage etait reedite -, certains leitmotive reviennent scander les fragments: la quete du sens, mais d'un sens pluriel, differentiel, heterogene. L'exigui:te n'est donc pas un concept synonyme de prison chez Pare. Certes il comporte des zones ardues, mais c'est finalement sa face positive qui interesse I'essayiste, qui cherche, ce faisant, a transmuer un etat dysphorique en une espece d'euphorie, d'eloge de la difference et surtout de la resistance: II n'y a pour moi, aujourd'hui, que la pluralite qui compte, l'irreductibilite des differences qui ne se resorbent pas, qui ne savent pas se taire (se terrer) dans Ie capitalisme culturel triomphant. Dans son deuxieme essai, Theories de la fragilite, Pare poursuit sur sa lancee en offrant sur un ton tout aussi personnel, ce qui ressemble plus a des articles qu'a des fragments: cinq textes posent d'abord, de maniere tres libre, la «theorie» de Ia fragilite, et une dizaine d'autres suivent, qui s'interessent a des corpus litteraires particuliers de l'Ontario fran<;ais (Gerard Bessette, Ie Quebecois etabli «en quelque sorte» a Kingston, Andre Paiement, Daniel Poliquin...) ou de l'Acadie (Hermenegilde Chiasson, France Daigle). Plus que dans son premier ouvrage, Pare insiste sur l'idee la «construction du communautaire ». Dans cette perspective d'ailleurs, son discours ne prend jamais la forme d'un discours theorique au sens academique du terme - il est plutot marque par l'idee de «procession», de «defile», de« fete», de «danse d'exceptions», comme Ie rappelle, a la page 9, I'epigraphe inaugural de Philippe Sollers, tire de Theories des exceptions (Paris, Gallimard, 1986). Ce n'est sans doute pas par hasard si Ie titre de l'ouvrage de Pare est lui aussi pluriel. Pare cherche continuellement a depister, a travers l'originalite d'une reuvre, la pluralite des approches, des conceptions du monde: «Je cherche, dit-il, Ie singulier-pluriel. » Cela dit, Pare sait degager certaines des constantes qui regularisent Ie discours ou l'imaginaire qui est devenu Ie sien avec les annees, lui Ie Quebecois qui dit «nous» maintenant en parlant des Franco-Ontariens. Sans ambages, il met en lumiere la «dialectique de I'apparaUre et du disparaUre », propre a la francophonie ontarienne, problematique qui a elle seule peut rendre compte de cette «fragilite» des cultures minoritaires, HUMANITIES 269 dont Pare ne cesse de parler. II evoque aussi clairement d'autres zones de questionnements, comme la relation conflictuelle avec Ie Quebec, qui se demarque pour Ie Franco-Ontarien ou l'Acadien, comme «une profonde alterite» et qui, en meme temps, «est en nous [...] parle en nous, il [Ie Quebec] nous parle, il parle de notre absence tandis que nous Ie designons ». Pour toutes ces questions soulevees et bien d'autres, ces deux essais me semblent representer des jalons essentiels, si l'on veut comprendre un certain Canada fran~ais aujourd'hui. II y a la une sorte de diagnostic a la fois sociologique, esthetique et meme historique. S'inscrivant lui-meme dans l'univers de l'exiguile et de la fragilite dont il parle, Fran~ois Pare n'en garde pas moins tous ses moyens, qui lui permettent de tenir un discours a la fois libre et rigoureux, genereux et decapant, rempli d'inquietudes et de serenite, sur ce monde qui est un peu ou beaucoup Ie notre. (MICHEL LORD) Collectif, Frontieres et manipulations generiques dans la litterature canadienne francophone Hearst, Le Nordir, 1992, 154 p. Lucie Hotte (dir.), La probJematique de l'identite dans Ie litterature francophone du Canada et d'ailleurs Ottawa, Le Nordir, 138 p. La quete d'identite peut etre per~ue tant comme une poursuite du moil une definition d'un moi, que comme une recherche du pareil a soi done comme une recherche d'une appartenance. Ni chair ni poisson, empetree dans ce tiraillement, l'identite, loin d'etre une notion acquise apparait ainsi dans toute son ambivalence. Chacun a sa maniere, les deux ouvrages retenus ici posent la question de l'identite. De queUe maniere se manifeste litterairement une appartenance donnee, queUes sont les conditions de realisation d'une identification particuliere, voila les questions fondamentales que soulevent La problematique de l'identite dans la litterature francophone du Canada et d'ailleurs et Frontieres et manipulations generiques dans la litterature canadiennefrancophone. Le premier ouvrage, sous la direction de Lucie Hotte, s'attarde aux questions identitaires d'un point de vue narrati£, discursif, voire sociocritique; Ie second, preface par Lucie Lalonde et Pierre Siguret, s'interroge sur 1'appartenance aux genres d'un point de vue resolument poetique. Les deux recueils ont aussi un autre point commun puisqu'ils sont en fait les actes de colloques etudiants tenus a1'Universite d'Ottawa respectivement en 1994 et en 1992. Les textes reunis dans La problematique de l'identite dans la litterature francophone du Canada et d'ailleurs s'interessent a l'identite sous plusieurs ...

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