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  • In MemoriamRaymond Boudon (1934–2013)
  • Michel Forsé (bio) and Simon Langlois (bio)

Raymond Boudon, Professeur émérite de l’Université Paris Sorbonne, est décédé à l’âge de 79 ans le mercredi 10 avril 2013. La sociologie perd avec lui l’un des grands noms de la discipline, auteur d’une œuvre considérable et originale. La Revue Tocqueville perd de son côté un fidèle ami, un soutien et un collaborateur.

Une carriere exemplaire

Au début de sa carrière, ses contacts personnels avec l’américain Paul Lazarsfeld l’avaient amené à développer une approche formalisée et rigoureuse des faits sociaux, à l’opposé du structuralisme en vogue à l’époque et qu’il n’appréciait guère. Pour lui, la sociologie était une science au sens fort du terme, comme l’indique le titre d’un de ses derniers livres, La sociologie comme science (2011), qui est aussi une manière d’autobiographie et en quelque sorte un testament intellectuel.

Même si ses travaux ont eu et ont une énorme influence, Raymond Boudon n’a pas « fait école » ni voulu se constituer en maître à penser, contrairement à d’autres sociologues de sa génération. Il a simplement cherché à construire une œuvre solide, autant dans le domaine des méthodes, des théories que dans celui des analyses empiriques. Il a cependant aussi animé un important laboratoire de recherche, le GEMAS qu’il a créé à Paris, et dirigé la revue fondée par Émile Durkheim, L’Année Sociologique. La « collection bleue », Sociologies, qu’il a dirigée aux Presses Universitaires de France depuis 1977, est la plus importante du genre en sociologie de langue française, et probablement en sociologie tout court, avec environ 150 ouvrages parus. Le pluriel de l’intitulé témoigne de son grand esprit d’ouverture. S’y côtoient des travaux d’histoire de la [End Page 5] pensée et de théorie sociologique, mais aussi des études sur des processus sociaux (inégalités, mouvements sociaux, etc.) ou des questions de société, et l’on y trouve tout autant des traductions des textes fondateurs que des ouvrages de jeunes auteurs.

Agrégé de philosophie et normalien, Raymond Boudon enseigna durant toute sa carrière et beaucoup de ses travaux sont marqués par un fort caractère pédagogique. Il voulait faire connaître les grands auteurs, souvent sous un jour nouveau, et les notions clefs de la sociologie par exemple au travers de ce Dictionnaire critique de la sociologie ou de ce Traité de sociologie qu’il dirigea.

Membre de l’Académie des Sciences Morales et Politiques, il y joua un rôle actif en y impulsant des projets de recherche. Il était par ailleurs aussi membre de nombreuses et prestigieuses académies étrangères comme la British Academy, l’American Academy of Arts and Sciences ou La Société Royale du Canada.

Une œuvre majeure

Raymond Boudon laisse en héritage un nombre particulièrement élevé de livres ou d’articles, qui ont bien vieilli parce qu’il s’est toujours attaché à construire une œuvre scientifique solide, ce qu’il appelait « des savoirs fondés ». De ce point de vue, il est connu pour avoir été le chef de file de ce courant de pensée que l’on nomme l’individualisme méthodologique et selon lequel le collectif est toujours le résultat d’actions individuelles et rationnelles. Il a consacré une grande part de ses recherches à en exposer les fondements et a de ce fait contribué à réhabiliter la place de l’individu dans l’analyse des phénomènes sociaux, dans la grande tradition de Max Weber et même d’Émile Durkheim, dont sa relecture originale le met à distance de la vision convenue d’un holiste déterministe.

Raymond Boudon a toutefois élargi la conception de la rationalité de l’individu. Critique d’une rationalité purement instrumentale (le « rational choice model »), il a au contraire insisté sur la rationalité ordinaire qui se fonde sur de bonnes raisons, que ce soit dans le domaine descriptif ou normatif. C’est ainsi que, selon lui, les valeurs ont aussi...

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