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291 Postmodernisme et quête identitaire dans le roman et le film Les Portes tournantes Mariana Ionescu Huron University College Établi au Québec depuis une vingtaine d'années, Jacques Savoie, Acadien de naissance, se remarque par son intense activité d'écrivain et de scénariste qui le situe parmi les meilleurs représentants de la francophonie nord-américaine1. A l'apparition du roman Les Portes tournantes (1984), il était déjà connu comme musicien de talent et auteur d'un roman expérimental fort apprécié et primé par l'Association francophone internationale, Raconte-moi Massabielle (1979), dont il avait tiré le scénario de son premier film, Massabielle (1982). Les Portes tournantes (prix littéraire France-Acadie en 1985) a connu un nouveau succès trois ans plus tard, grâce au talent du cinéaste québécois Francis Mankiewicz, qui l'a porté à l'écran après un travail de réécriture d'un premier scénario réalisé en 1985 . Coproduction franco-québécoise, le film a remporté une mention spéciale du jury du Prix œcuménique au Festival de Cannes (1988) « pour la sensibilité avec laquelle [il] aborde la situation de l'enfant dans une famille désunie et celle de l'artiste dans un monde en mutation » (Bonneville 20). Le film touche aussi par sa richesse polymorphe qui bascule le spectateur de l'enfance à l'âge adulte, de la paix à la guerre, du rêve à la réalité. Roman postmoderne par son refus de se soumettre à un canon esthétique particulier, Les Portes tournantes s'inscrit parmi les réussites de la littérature nord-américaine des années 80. Texte hybride, qui se fait l'écho de représentations artistiques multiples, ce roman offre au lecteur plusieurs points d'ancrage spatio-temporel associés à autant de paradigmes d'enfance. L'alternance de ces paradigmes, qui se recoupent et s'éclairent progressivement, contribue à l'éclatement de la structure narrative de ce récit à effets poétiques multiples. 292CULTURE AND LITERATURE THROUGH FILM Le roman de Jacques Savoie Uincipit du récit nous met en présence d'un narrateur de dix ans, Antoine, qui vit avec son père à Québec, dans un grand atelier de peintre. Après une brève présentation de ses parents, Blaudelle et Lauda, Antoine annonce au lecteur sa décision d'enregistrer ses mémoires sur cassettes. A partir du vingt-cinq novembre, date qui marque le début de sa narration, l'enfant circule constamment entre l'espace de Blaudelle et celui de sa mère. Cette dernière travaille au Grand Théâtre et Antoine échange régulièrement des cassettes avec elle, pour compenser le peu de temps passé ensemble. Sa passion récente pour la musique se révèle surtout au cours de ses rencontres avec Günther Haussmann, un vieil accordeur de piano. Le récit focalisé par Antoine, se déroulant au présent de renonciation, en emboîte un autre, contenu dans un journal mystérieux que Blaudelle lit en secret. La lecture de ce « Livre noir » lui ouvre les portes vers le passé de sa mère, Céleste, qui l'avait abandonné peu après sa naissance, pour des raisons que Blaudelle avait ignorées jusqu'à ce moment-là. A cette occasion, un deuxième paradigme d'enfance surgit à travers le récit épistolaire de Céleste Baumont, fille aînée d'une famille acadienne de douze enfants, partageant sa vie entre les travaux des champs et la musique. A travers les lettres de Céleste, nous suivons ses pas de Val-d'Amour, petit village du NouveauBrunswick , à la ville de Campbellton, où elle est engagée comme pianiste par Litwin, le propriétaire du cinéma local. Ainsi, dès l'âge de quinze ans, Céleste pénètre-t-elle dans le monde silencieux et magique du film muet, ayant comme fidèle compagnon l'inoubliable Charlie Chaplin. Pendant cinq ans, la jeune fille ouvre chaque soir les portes du rêve à un public émerveillé par un Ailleurs autrement inaccessible. Le rêve se prolonge au-del...

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