In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

LA CONNAISSANCE INTELLECTUELLE DU SINGULIER MATERIEL CHEZ DUNS SCOT CHAPITRE I PERSPECTIVES GÉNÉRALES EN GUISE D ’INTRODUCTION Jean Duns Scot arrivait à Paris à l’automne de 1292 ou de 1293 pour y conquérir les grades universitaires. Prêtre depuis le 17 mars 1291 et ayant vraisemblablement enseigné dans quelque studium franciscain, il n’était pas sans posséder déjà une certaine culture philo­ sophique et théologique acquise dans le milieu franciscain d’OutreManche . Quel milieu nouveau trouvait-il à Paris? Quelles influences y régnaient? Quels étaient les grands courants d’idées? Questions bien vastes auxquelles notre étude sur la connaissance intellectuelle du singulier matériel au XHIème siècle a tenté d’apporter une réponse sur un point précis.1 A nous en tenir à ce seul problème et à un coup d’oeil panoramique, la situation paraît simple: d’un côté, l’intellection indirecte à laquelle l’Aquinate avait attaché son nom à la suite d’Aristote, d’Averroès et d’Avicenne; de l’autre, la thèse toute neuve de l’intellection directe soutenue avec brio par les maîtres franciscains et mise sous le patronage de saint Augustin. Mais à l’analyse des sources de cette querelle on reconnaît celles mêmes des conflits de la pensée médiévale. Ce n’est qu’une controverse de détail mais ce détail est significatif de l’ensemble. On peut y voir une phase de la lutte pour la suprématie intellectuelle menée par les deux Ordres étudiants ou l’un des aliments de la lutte entre ce que l’on convient assez communément d’appeler, faute d’un terme plus ap­ proprié, l'augustinisme traditionnel menacé d'éviction et l’aristotélisme envahissant, le premier trouvant à l’occasion un allié dans Avicenne, le second soucieux de se dégager du voisinage suspect d’Averroès. L ’analyse des arguments en cause fait même penser à un conflit de théologiens inquiets des répercussions, en théologie, des opinions de philosophes uniquement intéressés aux principes d’Aristote. 1 Camille Bérubé, O. F. M. Cap., “ La Connaissance intellectuelle du singulier matériel au XlIIèm e siècle," dans Franciscan Studies X I (1951), 157-201. 29 30 Camille Bérubé Les deux Ordres étudiants avaient, en effet, pris officiellement position dans la discussion générale autour de l’aristotélisme. Les Dominicains, aux chapitres généraux de Milan en 1278 et 1279, de Paris en 1286, avaient pris en main la cause du thomisme et inauguré des mesures qui iront s’aggravant avec les chapitres de Saragosse en 1309, de Metz en 1313, de Londres en 1314 et de Bologne en 1315. Le chapitre général des Franciscains tenu à Assise en 1279 avait officiellement interdit l’enseignement des opinions réprouvées par Etienne Tempier sans cependant établir de relation spéciale au thomisme partiellement inclus dans la liste des propositions condamnées. Le chapitre de Stras­ bourg, en 1282, interdit la diffusion de la Somme Théologique parmi les frères à l’exception des lecteurs rationabiliter intelligentes mais avec l’usage du Correctoire de Guillaume de la Mare. Enfin, la seconde rédaction des Constitutions franciscaines, en 1292, renouvelle la défense de soutenir des opinions réprouvées par l’évêque et les maîtres de Paris.2 La signification anti-thomiste de ces mesures disciplinaires est difficile à apprécier. Comme le remarque le Père Mauer Burbach, O. S. B .: “ This provision of the constitutions is a clear echo of the Milan statute and is directed against members of the Order. St. Thomas is implied only very remotely, if at all. On the whole, one looking for anti-Thomistic legislation by the Fransciscan Order at this time will be disappointed. In fact, the Order was thoroughly anti-Thomist, but the opposition was not given a clearly definite official expression.” 3 A l’époque où Duns Scot fit ses études ces mesures étaient en vigueur et l’on peut présumer que le jeune étudiant entendit commenter à loisir les mises au point du Correctoire de Guillaume...

pdf

Share