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Reviewed by:
  • La discrimination négative : citoyens ou indigènes ? by Robert Castel
  • Daniel Sabbagh
Robert CASTEL. - La discrimination négative : citoyens ou indigènes ? Paris, Seuil, 2007, 129 pages. « La République des idées ».

La discrimination est un sujet « dans l’air du temps », mais sur lequel, en France, les tentatives de conceptualisation sociologique sont encore rares8. Robert Castel est un éminent sociologue, dont les travaux sur les processus de constitution et de désagrégation de la société salariale et les transformations des politiques sociales ont fait date9. La collection dans laquelle paraît le présent ouvrage est réputée pour avoir publié nombre d’essais percutants. En dépit de ses qualités, celui-ci laisse pourtant le lecteur sur sa faim.

Dans un premier temps, l’auteur décrit la genèse des quartiers d’habitat social comme espaces de relégation, en identifiant les dynamiques sociétales et les évolutions urbanistiques qui ont vu l’« utopie technocratique » (p. 18) de la « cité radieuse » aboutir à la paupérisation et à l’ethnicisation des grands ensembles (chap. 1). Cette analyse historique débouche sur une critique globalement convaincante des deux amalgames assimilant lesdits quartiers à des « ghettos » – alors qu’ils s’en distinguent par leur hétérogénéité ethnique et la plus grande pénétration de la puissance publique via « la mise en œuvre de la politique de la ville et le déploiement des services sociaux »10 (p. 33) – et les jeunes de banlieue à des « exclus » – alors que ni leurs aspirations ni leurs pratiques linguistiques ou religieuses ne les maintiennent à l’écart de la culture dominante (chap. 2). Suit un rapide passage en revue des discriminations et autres formes de désavantage subies par les membres des « minorités visibles » dans leur rapport aux institutions scolaire, policière et judiciaire comme sur le marché de l’emploi, causes de la frustration de ces aspirations et éléments constitutifs du contexte au regard duquel il conviendrait d’interpréter les émeutes de novembre 2005 (chap. 3). Juste pour l’essentiel, ce tableau uniformément sombre et exclusivement fondé sur la mobilisation de sources secondaires de valeur inégale aurait pu être complété par une interrogation quant au degré de concordance entre les représentations subjectives de la discrimination partagées (ou non) par les acteurs estimant en avoir été victimes et la définition du concept tel que juridiquement objectivé. Il aurait pu également faire une place aux phénomènes de surinvestissement dans la réussite scolaire des enfants observables dans nombre de familles immigrées et précisément déterminés par le souci de compenser l’écart « entre la culture familiale et la culture scolaire » (p. 51) et de pallier l’absence de « modèle d’identification positive » à cet égard au sein même du cercle familial, dans un contexte où l’espoir d’une ascension sociale à l’échelle intergénérationnelle via [End Page 175] l’accès à de nouvelles ressources éducatives a souvent été à l’origine du processus migratoire11.

Beaucoup plus original, le chapitre 4 offre une pénétrante analyse socio-historique de la « dynamique de déplacement [et du] processus de fixation de la conflictualité sociale sur une classe dangereuse […] repoussé[e] aux confins de la société » (p. 66) et à la définition évolutive. Dans cette perspective, le jeune de banlieue issu de l’immigration post-coloniale apparaîtrait dans « l’économie des rapports sociaux » (p. 68) comme l’équivalent contemporain du vagabond de l’ère pré-industrielle et du prolétaire des débuts de l’industrialisation, « figure[s] d’asocialité » (p. 69) constituées par un « mode de traitement de la question sociale qui prend la partie pour le tout et inverse l’ordre des effets et des causes pour constituer des boucs émissaires » (p. 72–73). Ainsi espérerait-on réduire l’insécurité à sa dimension civile et celle-ci à un problème de délinquance imputable à un groupe stigmatisé et justiciable d’une approche principalement répressive, ce qui consacre et occulte tout à la fois l’abandon tendanciel par l’État du volet social...

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