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  • Lyon et ses pauvres. Des œuvres de charité aux assurances sociales, 1800–1939 by Bernardette Angleraud
  • Axelle Brodiez-Dolino
Bernardette ANGLERAUD. - Lyon et ses pauvres. Des œuvres de charité aux assurances sociales, 1800–1939. Paris, l’Harmattan, 2011, 340 pages.

Spécialiste de l’histoire de Lyon, enseignante en classe préparatoire, Bernadette Angleraud croise ici histoire religieuse et histoire des femmes pour livrer un copieux ouvrage sur le monde de la charité lyonnaise et ses recompositions. Affichant son souhait de « cerner le sentiment religieux, le goût de faire le bien », elle y traite l’assistance « comme un pôle de cristallisation de la vie de la cité qui, selon les [End Page 161] périodes, fait alterner acteurs et centres d’intérêt » (p. 6). L’ouvrage est structuré en quatre grands chapitres chronologiques.

Le premier XIXe siècle est marqué par le rôle des œuvres, environ quatre-vingt à Lyon. Dans un contexte de faible intervention des pouvoirs publics, celles-ci « deviennent un moyen aux mains des élites lyonnaises pour assister, mais aussi moraliser et discipliner les milieux populaires en turbulence » (p. 10). Pour certaines issues de la période d’Ancien Régime, pour d’autres nouvellement créées, leur cadre reste souvent paroissial et leur géographie (bourgeoise et centrale) en inadéquation avec celle de la misère (plus périphérique). L’appui des congrégations et des autorités religieuses s’avère nécessaire, même pour celles fondées par des laïcs et indépendantes de la tutelle ecclésiastique. À visée moralisante, elles cherchent à départager les « bons » des « mauvais » pauvres, à restaurer les valeurs familiales, à éduquer les enfants, à « sauver » les jeunes filles en perdition… Elles sont parallèlement, pour ceux qui s’y investissent, un moyen de se doter d’une clientèle, de prendre position sur la scène publique et de s’insérer dans le réseau des élites de la ville.

Les œuvres deviennent ensuite, plus encore que des « partenaires reconnues », un véritable « pilier » du régime sous le Second Empire, les notables cherchant à résoudre la question sociale par la charité. Elles gagnent en ampleur (en nombre de membres et d’assistés), leurs budgets grossissent, elles entrent dans une phase de maturation. Il ne s’agit plus tant d’agir à l’échelle du quartier que de la ville, et les nouvelles œuvres s’implantent davantage dans les quartiers périphériques, plus populaires. Les projets, de palliatifs, deviennent de plus long terme et visent à impulser des mutations sociales et culturelles (œuvre du Prado pour enfants et adolescents, de l’abbé Rambaud pour les vieillards…) ; « l’indigence n’est plus perçue comme une pathologie qu’il s’agit d’isoler pour la soigner, mais comme un problème social qui ne peut être résolu isolément [...]. La finalité n’est pas de procurer un refuge aux “asociaux”, il s’agit de leur inculquer des normes sociales et morales en vue d’un retour dans la société globale » (p. 98–99). La direction reste toutefois toujours une affaire de notables – et d’hommes, les femmes étant surtout actives dans l’action de terrain et l’organisation –, et le caritatif un moyen d’intégration sociale bourgeoise. Même si, loin d’être unifié, le monde charitable est profondément divers idéologiquement, voire cloisonné.

Des années 1870 à la Grande Guerre, passée la période d’Ordre moral, les œuvres subissent de plein fouet la politique anticléricale. Elles sont souvent condamnées à se dissoudre ou à se replier, tandis que les certitudes catholiques sont parallèlement ébranlées par les injonctions à l’action sociale et au ralliement. Elles doivent aussi s’adapter à la nouvelle législation sociale, qui confisque une part de leur rôle traditionnel. La prise de conscience de l’enjeu démographique les conforte toutefois dans leurs actions en faveur de l’enfance (protection infantile, crèches, patronages, écoles maternelles, enfance délinquante…) et dans leur combat hygiéniste (lutte contre la tuberculose, la mortalité infantile), deux terrains qui permettent des coopérations nouvelles entre public et privé. Le paternalisme se d...

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