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Book Reviews249 Compte rendu de lecture: Sur l'éducation des filles au XIXe siècle Il faut se contenter de louvoyer... Eh mon Dieu, quel exemple! s'est écrié Theobald... Il ne faut louvoyer que quand on est assuré de gouverner assez longtems le vaisseau, pour pouvoir changer à propos sa direction; autrement on risque de le faire aller à mille lieues du port, et peut-être ira-t-il échouer contre un roc ou se perdre dans les sables. Oui, c'est vrai, allois-je dire; il ne faut pas se contenter de louvoyer, il faut, à force de voiles et de rames aller droit au but, fût-ce contre les vagues impétueuses de la grosse mer. Mais mon esprit s'est porté sans dessein sur la France, sur le monde etje me suis arrêtée, etj'ai douté, etj'ai béni mon destin de n'avoir à conduire qu'une petite nacelle, et en la conduisant mal de ne pouvoir noyer que moi. (Charrière 1 1 0) Telle est, selon Jacqueline Letzter, la profession de foi de Mme de Charrière (1 740- 1 805), dite de manière elle-même très ondoyante,justifiant ainsi le titre de la monographie qu'elle lui consacre, Intellectual Tacking: Questions ofEducation in the Works ofIsabelle de Charrière. Et tel est le fondement de l'ambivalence, chez cette amie de Mme de Staël, en particulier en ce qui concerne l'éducation des filles, qui s'exprime en des termes surprenants surtout dans les dix dernières années de sa vie et de son œuvre. Ces années "post-révolutionnaires" correspondent à un lent mais inexorable retour en arrière dans le discours sur les femmes, que couronne, en 1804, le Code Napoléon, un chef-d'œuvrejuridique, mais néanmoins un arrêt de mort pour les revendications féminines. Réaction à laquelle les femmes elles-mêmes ont collaboré, et à laquelle paradoxalement elles adhèrent, comme on peut le voir dans ces manuels d'éducation sentimentale que sont les romans des premières décennies du XIXe siècle. A vrai dire, Jacqueline Letzter, dans cet essai important, ne s'aventure pas jusque-là. Elle analyse chronologiquement les textes de Mme de Charrière tels qu'ils ont été édités dans ses Œuvres complètes, parues à partir de 1979, et qui comprennent aussi bien ses romans et ses essais que ses inédits, brouillons, textes posthumes, et sa correspondance. Il lui est assez ardu de trouver une ligne directrice cohérente. Aussi prend-elle comme thème dominant "l'art du louvoiement" interprété comme un exemple de la "tactique" qui serait réservée aux dominés et leur permettrait de s'adapter aux coups du sort, aux pièges et aux menaces que leur réserve la stratégie des vainqueurs dominants. Pour ce faire, elle s'inspire à l'intérêt qu'a suscité chez des philosophes, la redécouverte des sophistes, et chez les anthropologues de l'Antiquité, la notion de "métis". Contre Platon et contre une rationalité définie dans le cadre d'une hégémonie de la pensée occidentale, Jacqueline Letzter tente, d'ailleurs avec modération, de rendre compte des contradictions de son auteur. Femme parfaitement de son siècle, sa situation à tous égards décentrée la contraint à une distanciation et à un scepticisme singuliers: née en Hollande (son nom déjeune fille est Isabelle van Tuyll van Serooskerken, dite encore Belle de Zuylen, du nom d'un château qui appartenait à la famille, près 250Women in French Studies d'Utrecht), elle vit en Suisse; noble, elle épouse un gentilhomme sans titres, ancien précepteur de son frère; de langue maternelle néerlandaise, elle n'écrit qu'en français. Ecrivain elle-même, et de textes qui parfois eurent un grand succès, comme Caliste (1787), elle est connue surtout comme la correspondante de Benjamin Constant ou de James Boswell. Sa pensée sur l'éducation, et surtout sur l'éducation des filles, présente donc souvent des traits paradoxaux, qui atteignent leur apogée au tournant du siècle...

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