In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

166Women in French Studies INTERVIEW DE CLAIRE MALROUX PAR GABRIELLA RICCIARDI PARIS, LE 24 JUIN 1998 Gabriella Ricciardi GR: Dansvosrecueils, LESORPAILLEURS, ENTRENOUSETLALUMIÈRE, AIRES, SOLEILDEJADISetEDGE,jenotelebesoindeparlerde l'écriture, deréfléchir survotretravail d'écriture, etje me demande si c'est lié àvotretravail detraduction. Je relève aussi, cequim'abeaucoupfrappée, laprésencede certaines imagestrès concrètes, même dans vos poèmes du début, où l'abstraction est importante. Ils m'apparaissent très passionnés, marqués pardes images fortes, comme la grotte, le sang, le sperme, la traversée. On y trouve des éléments naturels puissants, concrets, qui évoquent en même temps une grande passion. On pourraitpeut-être parler de votre développement intellectuel et voir comment il s'inscrit dans votre poésie? CM: Disons d'abord, etpeut-être est-ceune définition quin'estpastrès originale, que pour moi la poésie est essentiellement une tentative pour capter l'invisible. Je la vois surtout commeunmoyen d'exploration dumonde et de soi-même. Et, dans mon esprit, "soi-même" n'estpas séparé dumonde: de même que l'êtrephysique etintérieur se reflète dans l'univers, l'univers se reflète en soi. Donc, pour moi, il y a une parfaite adéquation entre le sang et lamer,parexemple, ou entre le ciel et lajoie, cette qualité de légèreté de l'être. J'aitoujours essayé d'expliquerl'unpar l'autre, bien quejem'inscrive dans ce qu'on appelle la tradition lyrique, c'est-à-dire celle où le poète est lui-même objet, dans un certain sens, de sapoésie, même s'il essaie àtravers elle de comprendre le monde. Alors, parmi les images, revient toujours celle du miroir, qui représente la tentative pour aller, comme Alice, au delà voir ce qui se trouve derrière. C'est une tentative toujours couronnée d'insuccès, parce qu'il est évidentquejamais on n'arrive à atteindre l'insaisissable; c'est ce qui explique peut-être que j'écrive beaucoup de poèmes sur l'écriture elle-même, sur la langue. Je conçois lapoésie unpeu comme une espèce de guerre, de lutte permanente. Je constate que dans chacun de mes recueils il y a au moins une partie consacrée à l'écriture ou à l'impossibilité de dire. Pourmoi, la poésie est une lutte pour arracher quelque chose au silence, etje ne suis pas sûre que ce ne soit pas le silence qui soit primordial et nécessaire. D'ailleurs, sur ce point, je retrouve EmilyDickinson, quidoutaitelle-même que laparole puisse atteindrejamais à la valeur du silence. En somme, la poésie est faite aussi d'un constat d'échec, d'impossibilité. Cette impossibilité, néanmoins, vous relance chaque fois. Il y a une phrase de Yves Bonnefoy quim'abeaucoup marquée. Il dit que "Gimperfection est la cime." Par conséquent, on ne doit pas aboutir. Si on aboutit, la poésie se fige en affirmations qui sont vite dépassées. Il faut toujours relancer l'imagination. C'est ce quejem'efforce de faire. GR: En parlant de silence, et de l'importance du silence, le silence est aussi l'absence deparole, le miroirquine reflète plus. Mais alors, faut-il considérerle silence comme lebutultime, qui est lamort? Commentvivre le silence entant qu'écrivain? Ricciardi167 CM: Et bien, c'est presque un oxymoron , le silence est une sorte de plénitude, demême que le noir estune couleur extraordinairement riche qui rassembletoutes les couleurs. Le silence estpeut-être laperfection de l'écriture, mais une perfection qui ne se laissejamaisdeviner,jamais analyser,jamaismettre en mots, en quelque sorte. Donc, le poète quej'essaie d'être est toujours perpétuellement insatisfait: chaque fois queje relis mes textes passés, je les trouve trop accessibles, trop lisibles, parce qu'ils me semblent résoudre quelque chose. Ce qu'ils essaient sans doute de faire, alors qu'il faudrait qu'ils laissent pénétrer de plus en plus le silence en eux. Décanter au maximum , oui, etne garder que ce qui peut faire rebondir etparle à l'imagination. Et ça...

pdf

Share