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Reviewed by:
  • Gaston Kaboré. Conteur et visionnaire du cinéma africain
  • Martine Guyot-Bender
Chirol, Marie-Magdeleine . Gaston Kaboré. Conteur et visionnaire du cinéma africain. Lyon : Presses Universitaires de Lyon, 2011. PP 335. ISBN 978-2729708399. 20 € (Paper).

Conçu dans un souci pédagogique évident, le livre que Marie-Magdeleine Chirol consacre à Gaston Kaboré, cinéaste prolifique du Burkina Faso et promoteur invétéré du cinéma africain par son enseignement, ses activités de producteur et de fondateur d'écoles de formation, constituera un excellent outil de travail pour quiconque s'intéresse au cinéma africain. En dehors de la multitude d'informations qu'il offre sur Kaboré, ce volume est original à au moins deux égards. La critique cinématographique européanisante y est minimisée: le parti pris de critiques afro-centriques constitue un des points forts du livre. Il est aussi composé de nombreuses strates, analytiques d'une part (introduction multidimensionnelle qui inclut le parcours professionnel du cinéaste et une analyse de son langage cinématographique ; entretien qui réaffirme les choix esthétiques et économiques du réalisateur), et pratiques d'autre part (impressionnante filmographie annotée, synopsis et génériques de films, ressources, palmarès), qui rappellent la définition que Kaboré fait de son œuvre : «fragments, parcelles » (197). L'analyse des quatre longs métrages du réalisateur, dont le plus connu, Wênd Kuuni (1982), et d'une série de courts métrages, fait ressortir des thématiques traditionnelles du cinéma africain — mise-en-scène du temps et de l'espace, langage et communication intergénérationnelle, ou quête/crise d'identité, mémoire — que Chirol rattache au conte africain. Les extraits d'un entretien réalisé en 2004, savamment organisés par thèmes, se penchent sur la dimension cinématographique de sa production (lumière, musique, montage, sous-titrage de la langue moré), ses rapports avec les commanditaires et le très haut rang auquel il place le cinéma dans la formation de l'identité en Afrique. Le réalisateur, qui assume l'influence du célèbre Ousmane Sembène, un autre « griot des temps modernes » (97, 198) situe le cinéma africain au sein du cinéma mondial. À partir de la présentation d'un seul cinéaste, Chirol a donc réussi à faire le tour de la grande question du cinéma africain, sans que le livre ne paraisse superficiel. Il soulève cependant une interrogation.

S'il ressort clairement que Kaboré est une figure artistique à part entière, en quoi son cinéma est-il « l'acte grave » que le cinéaste sénégalais Djibril Diop Mambety, cité dans les premières lignes, associe au cinéma africain, et qui fait émerger la délicate question du politique ? Gaston Kaboré ne définit pas de front la nature de l'engagement du cinéaste pourtant mentionné à plusieurs reprises, ou du moins pas comme l'œuvre de Sembène est liée au changement [End Page 110] social. Ce vague autour de la dimension politique est important du fait que, dans son entretien avec Chirol, Kaboré rappelle qu'un des rôles des griots (des conteurs, comme lui) est de louer celui qui le fait vivre et que lui aussi doit vivre de son cinéma. L'engagement de Kaboré, tel que le suggère implicitement Chirol, semble être de nature différente de l'engagement au sens où l'entendent habituellement les critiques occidentaux ; il semble cristallisé autour de trois noyaux. Se référant au fait que « sa principale préoccupation c'est de raconter une histoire, » (55) l'engagement de Kaboré est avant tout narratif. Il s'agit pour lui de composer des histoires accessibles à des spectateurs habitués à la forme du conte, et qui laissent une place suffisante au développement personnel. Émerge également un engagement culturel, un souci de « capter les choses authentiques » (68) au sein de la fiction autant que du documentaire, ou d'un quotidien qui existe en dehors de l'histoire et qu'il se donne comme mission explicite de représenter. Engagement et confiance totale enfin dans...

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