In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • États de la présence. Les lieux d’inscription de la subjectivité dans la poésie québécoise actuelle
  • Sébastien Dulude (bio)
États de la présence. Les lieux d’inscription de la subjectivité dans la poésie québécoise actuelle, s. ladir.de Denise Brassard et Evelyne Gagnon, Montréal, XYZ éditeur, coll. Théorie & littérature, 2010, 328 p., 29$

Il faut se réjouir de la publication de ces 22 articles issus d’un colloque tenu en 2008 et ayant porté sur les différents lieux – du géographique [End Page 440] au symbolique, en passant par le corps et la mémoire – d’inscription de la subjectivité dans la poésie québécoise contemporaine. Si États de la présence éclaire de façon pertinente l’œuvre intimiste d’une vingtaine de poètes québécois, ou exceptionnellement non québécois (Robert Dickson, Yazidou Maandhui), la portée de l’ouvrage est amplifiée par les contributions qui explorent de plain-pied la problématique exposée en introduction.

À cet égard, les articles les plus stimulants sont ceux qui s’appliquent non seulement à identifier « les cadres discursifs permettant au sujet de se situer dans l’espace et d’éprouver sa singularité » (introduction de Denise Brassard), mais qui développent leur analyse en tenant compte du caractère fondamentalement hétérogène et dynamique de la notion de subjectivité. Dans cette perspective, le sujet est compris au sein de frontières floues ou poreuses avec l’altérité, mouvantes de surcroît.

C’est dans cette optique nécessaire que le sujet peut être (re)pensé historiquement. Dans le brillant article qui ouvre l’ouvrage (« Quels lieux pour une histoire de la poésie québécoise ?»), Daniel Laforest pose en effet que le retournement vers l’intime du sujet poétique en poésie contemporaine est moins une crise survenue au cœur d’une historicité qu’on voudrait linéaire, qu’un mouvement forcément précédé par la transformation de l’espace physique. Celui-ci, grevé d’une « indétermination constante », ne peut plus soutenir la fiction historique ayant fondé une poésie nationale enracinée dans et par une parole collective. Multiple et transitoire, l’espace contemporain, et urbain en particulier, pose dès lors la question de savoir « comment la poésie arrive à intégrer [dans l’histoire littéraire] la conscience de l’hétérogénéité de son territoire culturel »?

Plusieurs des collaborateurs auront par ailleurs examiné l’urbanité comme vecteur important des manifestations de la subjectivité. Pour Denise Brassard (« Résister à l’éclatement : archéologie du sujet urbain chez Antonio D’Alfonso et Élise Turcotte »), la ville participe de la fragmentation du sujet lyrique contemporain, en ce qu’elle invite, d’une part, aux déplacements et au nomadisme, et donc à l’expérience du multiple et du transitoire, et, d’autre part, parce qu’elle oppose au sujet un chaos, un éclatement contre lequel celui-ci tente de résister au moyen, justement, de l’errance et de sa reconstitution par fragments. Cette « archéologie du sujet » qui se construit en se projetant sur les lieux, les objets et les êtres procède d’un mouvement constant de l’intérieur vers l’extérieur, en fonction duquel « le désir est vidé de son coefficient de manque pour devenir force d’attraction et de propulsion, force de création ».

Loin d’être cantonné dans une posture de repli sur soi, le sujet intime est ainsi envisagé de part et d’autre de ses frontières, en ses rapports obligés avec l’altérité. Tantôt le sujet entre en relation avec l’extérieur par l’agrandissement de son espace intérieur (Élise Turcotte selon Brassard), [End Page 441] ailleurs, il s’invente un lieu refuge au cœur d’un monde violent pour se retirer avec l’autre aimée (Fernand Durepos selon Jonathan Lamy), ailleurs encore, il s’immisce dans quelque ouverture ou faille, où se rencontrent les origines et le présent (Hélène Dorion selon Evelyne Gagnon). Ces divers lieux...

pdf

Share