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  • Poésie 2010
  • Daniel Gagnon (bio)

Les tentations mondaines, les multiples liens noués ou dénoués avec la sphère publique et politique, officialisent la poésie, elle pourtant qui n’aime rien tant que les figures de renouvellement du monde, les impulsions, les fragments, l’imaginaire, bref, tous ces effets de rupture produites par chaque avant-garde. Cette année, des écritures nouvelles, exigeantes, très abouties, retiennent notre attention, se distinguent des [End Page 376] œuvres d’un académisme stérile que continuent malheureusement à favoriser certains éditeurs. Des recueils marquants issus d’une création autonome et professionnelle témoignent d’une recherche profonde. Cette nouvelle poésie nous amène sur le champ de bataille plutôt que sur les bords des rivières et des paysages fluviaux. Elle ne s’attarde pas sous un ciel doré à admirer son reflet dans l’eau, elle n’est pas une admiratrice inconditionnelle du vacarme et de la confusion contemporaine. Les lourds nuages des forces noires, le grondement de la terre, les détonations de la guerre ne la laissent pas indifférente. Brave, elle reste debout dans la tempête, sans concession aucune, forte, subtile et sensible. Sillonnée d’ombres noires, elle produit d’innombrables petits bruits et chuchotements à travers toutes les clameurs de la vie moderne. Tout dérape si vite, elle n’a que sa langue, vivante et grinçante s’il le faut. Le fracas de la vie, la plainte de la terre ne faiblit pas. La poésie a sa force, son pouvoir est incontestable.

Déjouer les Belles Phrases À Coups de Griffe

Monomanies de Catherine Harton rameute de vieux cris et repasse à la moulinette des images d’épiphanies, de vieux films personnels, fictifs, de journaux intimes, entrelardés de murmures, de soliloques, de rêve érotiques. Partout le miel tranquille du moindre effort est fustigé. Faisant feu de tous bois, la poète est étourdissante : « je parle frauduleusement un brûlot à découvert / quelqu’un ordonne des vertèbres en filigrane ce n’est / plus nécessaire le mort n’allait pas m’entendre / j’ai tout épousé de ses cachettes de blé dur / il ne reviendra pas sarcler les nuits de mes bêtises / je me détache de quelques prélèvements / les rumeurs de glaise la défectuosité des sanglots / l’heure bilieuse et un collier d’urgence entre les mains / je m’abreuve aux paupières sa tête fume encore ». Dans une galerie de miroirs dézingués, la poète s’observe sans aucune méfiance, rapportant ses sensations, ses visions, ses expériences et les verbalisant comme si ce collutoire était un précieux élixir, comme si, ensorcelée, elle espérait transmuer tout à coup sa vie pour nous dans la peau de ses fictions monomanes : « le chloroforme sur chacune de mes phobies / je propage l’embarras perds la valse / les arêtes faciles des fleurs / pour devenir pleurésie gestation/ je n’ai plus de légion / l’enfance perméable enveloppe mes fugues / enveloppe mes marches jusqu’au noir / il faut que je sois une preuve de tourbe / quand le renard s’exerce aux gencives ». À bas les propos veules des lâches, des romantiques égoïstes et narcissiques, au diable leur bricolage et leur tricot, leur fabrication, leur petit design désuet qui fait chic, vive l’audace, dans le désastre : « j’ai une denrée proche de la rouille / pour me graver au seuil des végétations / on me peint toujours ainsi / percluse à une ficelle des attentats / des voix s’entrecoupent agiles autour des plaies / [End Page 377] il faut réorganiser l’affliction lui arracher / de nouvelles cadences de l’écume / pour trahir la nuit dans ses croassements / une phrase proche des ruses / l’enfant brandit ses poupées d’alarme ». Harton pille les images dans les espaces étroits de l’enfer et avance vers les épreuves armée de la seule vigueur du verbe : « prémonitions des petites créatures / je refais mes bandages de croyant / n’ai jamais cru aux dimensions fœtales / de la crèche à l’hibernation aux maladies / je suis encore plus...

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