-
Afrique, un accès encore fragile à l'information scientifique / Africa: Still Fragile Access to Scientific Information
Plusieurs pays africains connaissent des difficultés d'accès à l'information scientifique liées principalement à la précarité de leur situation. Ils disposent d'une infrastructure technique insuffisante et sont soumis à un modèle de fourniture d'information scientifique qui est basé sur des actions philanthropiques limitées dans le temps. L'une de ces offres caritatives, HINARI, a fait l'objet d'une enquête auprès de chercheurs et de bibliothécaires africains. Cet article est une analyse de la situation actuelle dans ces pays. Elle pose les bases d'une réflexion à la recherche d'un modèle plus viable pour l'Afrique.
Several African countries are experiencing difficulties in accessing scientific information, mainly due to their precarious situation. They have poor technical infrastructures and depend on a short-lived philanthropic-based information delivery model. African researchers and librarians answered a survey about HINARI, one of these charity programs. The paper is an analysis of the current situation in these countries and lays the foundation for thinking about more viable solutions for Africa.
Afrique, information scientifique, HINARI, libre accès
Africa, scientific information, HINARI, free access
Introduction
L'Afrique Sub-Saharienne (ASS), comme de nombreux pays pauvres, bénéficie depuis plusieurs années d'un accès gratuit à de prestigieuses revues scientifiques. Trop coûteuses, ces dernières étaient devenues inaccessibles pour une majorité d'États africains (Bergman 2006; Nyika 2006). Cette situation avait créé non seulement un déficit d'accès à la connaissance mais aussi un isolement des chercheurs (Nordling 2010). Grâce aux nouvelles technologies, de nombreuses offres internationales d'information scientifique ont pu être proposées aux pays en voie de développement (PVD), changeant ainsi la donne.
Aujourd'hui, en termes d'offre de revues scientifiques, certaines institutions africaines peuvent obtenir de nombreux titres prestigieux (Harle 2010). En termes d'accès, en revanche, la situation est problématique. Plusieurs pays souffrent d'une infrastructure technique insuffisante. Des efforts sont déployés pour y remédier, mais la situation est encore difficile. L'aspect technique est donc [End Page 122] fondamental et un certain nombre de projets visent à garantir dans un proche avenir des infrastructures adéquates et suffisantes. Mais l'accès permanent aux revues scientifiques demeure néanmoins incertain pour d'autres raisons. En effet, le désengagement de certains éditeurs de l'un des programmes Research4Life1, HINARI, en décembre 2010, avec le retrait de plus de 1 600 revues dont bénéficiaient certains PVD, a montré la fragilité de ces offres. Ce retrait, vite annulé suite à la protestation de la communauté scientifique, a été suivi de conséquences, comme la remise en question du modèle de fourniture d'information scientifique dans les PVD. D'autres solutions sont à envisager, en fonction des défis auxquels les chercheurs font face. La voie dorée (Golden Road) et la voie verte (Green Road), les deux stratégies recommandées par l'initiative de Budapest pour le libre accès (BOAI)2, semblent aller dans ce sens. La première stratégie en est déjà à l'étape de l'expérimentation, la seconde est celle que préconisent de nombreux chercheurs. Rappelons que la voie dorée correspond à la publication d'articles dans des revues en libre accès et que la voie verte est l'auto-archivage des publications par les chercheurs.
Cet article est une analyse de la situation qui prévaut actuellement en ASS en matière d'accès à l'information scientifique et se propose de jeter les bases d'une réflexion cherchant des solutions viables pour les pays les moins avancés.
Méthodologie
La méthodologie s'organise autour des trois phases principales sur lesquelles repose notre analyse. Dans un premier temps, nous avons passé en revue la littérature afin de présenter ce qui est disponible en termes d'offre de revues scientifiques et en termes d'infrastructures techniques. Cette façon de procéder nous a éclairés sur certains aspects de l'accès à ces revues et sur leur usage et elle nous a permis d'identifier quelques points à explorer. La deuxième phase a consisté à recueillir des données sur les sites des éditeurs et des programmes Research4Life et à obtenir des précisions sur leur fonctionnement, par le biais de questionnaires envoyés aux personnes compétentes, responsables de programmes ou le mieux à même de répondre à nos questions, et vers lesquelles nos premiers contacts nous ont orientés. L'exploration des sites d'universités africaines nous a permis d'autre part de rassembler des données sur l'offre locale d'information scientifique. La dernière phase était destinée à obtenir de nouvelles données concernant l'usage de l'offre de revues, en ciblant notamment l'un des programmes Research4Life, HINARI. Notre choix s'est porté sur deux pays d'Afrique anglophone, le Nigéria et le Kenya, et un pays d'Afrique francophone, le Sénégal, pour plusieurs raisons. D'abord, pour pouvoir comparer la situation entre ces deux régions du continent. Par ailleurs, le Nigéria et le Kenya sont les deux pays qui ont été concernés par le retrait de plusieurs revues d'HINARI. Le Sénégal est l'un des pays d'ASS francophone les plus accessibles concernant l'exploration de l'offre d'information scientifique, via les sites d'universités, et également en termes de contacts, dont certains étaient déjà connus. Une enquête a donc été menée auprès de chercheurs et de bibliothécaires pour évaluer le poids d'HINARI dans l'offre d'information scientifique mise à disposition. Un échantillon d'une cinquantaine de [End Page 123] chercheurs a été constitué puis contacté par courrier électronique. Au total, 15 réponses ont pu être exploitées pour notre analyse.
1. Une offre abondante de revues scientifiques
Les premières offres de contenus pour les PVD datent de 1990 avec le Journal Donation Project, démarré par une institution américaine, la New School for Social Research, dont le seul bénéficiaire africain était le Nigéria. Une des premières initiatives de la Banque mondiale pour l'Afrique fut le lancement de l'African Virtual University en 1997, un projet panafricain qui visait à fournir au continent des ressources de qualité pour l'enseignement supérieur. Jusqu'en 2000, ce sont surtout des universités et des sociétés savantes du Nord qui proposent leurs revues aux pays africains à titre gracieux ou en échange d'une petite contribution aux PVD.
On note la présence de quelques grands éditeurs mais leur véritable implication dans ces initiatives est plus tardive. Elle commence avec la mise en place de programmes d'accès à l'information scientifique en partenariat avec les Nations Unies.
1.1 Les partenariats Research4Life
C'est dans les secteurs de la santé, de l'alimentation et de l'éducation que l'aide internationale est généralement la plus importante. C'est pourquoi l'accès à l'information scientifique est proposé en priorité dans ces secteurs, comme facteur de développement durable. Research4Life est l'appellation donnée à trois grands programmes d'accès à l'information scientifique dans les domaines de la santé (HINARI3), l'agriculture et l'alimentation (AGORA4) et l'environnement (OARE5). Ces programmes ont été mis en place dans le cadre des objectifs du Millénaire pour le développement définis par l'ONU pour 2015 et représentent un partenariat entre le secteur public (universités, ONG) et le secteur privé (éditeurs commerciaux).
L'un des objectifs de ces programmes est de proposer une plateforme unique (one-stop-shop) par laquelle un certain nombre d'éditeurs peuvent offrir leurs contenus gratuitement ou à taux réduit aux PVD. Les modalités d'accès à ces [End Page 124] contenus sont fixées sur la base de la classification des pays par la Banque Mondiale qui tient compte de leur PNB. Les bénéficiaires sont généralement divisés en deux groupes, le premier recense les pays dont le PNB par habitant est inférieur à 1 250 $ et qui ont un accès gratuit. Les autres (PNB par habitant entre 1 250 et 3 500 $) doivent s'acquitter d'un droit annuel de 1 000 $, qui finance en général les programmes de formation locaux. Sur la base des réponses à nos questionnaires, il apparaît que cette classification n'est pas toujours respectée par certains éditeurs et que certains pays sont inclus ou exclus de ces groupes, soit du fait de l'évolution de leur économie soit parce qu'ils bénéficient d'autres programmes.
Les programmes Research4life sont des partenariats public-privé internationaux réunissant trois types d'acteurs : les Nations-Unies, les universités Cornell et Yale et des éditeurs. Leur financement implique généralement de nombreuses fondations (Rockfeller, Mc Arthur & Hewlett, Mellon, entre autres) ainsi que des institutions publiques (universités, ONG, institutions gouvernementales). Ces projets ont pu commencer avec les éditeurs qui disposaient de grandes collections. Le tableau 2 illustre les grands éditeurs fondateurs. Notons qu'à la différence des autres programmes, OARE, le plus récent, compte de nombreux autres éditeurs fondateurs dont des presses universitaires et des sociétés savantes.
1.2 Les autres offres
Outre ces programmes initiés par l'ONU, d'autres initiatives sont lancées. Elles reflètent différentes approches d'offre de contenus. Certains éditeurs, commerciaux et non commerciaux, ainsi que des diffuseurs impliqués dans les programmes Research4Life proposent en parallèle des offres indépendantes directes aux PVD. C'est le cas, entre autres, de Oxford University Press ou de JSTOR. Selon un rapport de l'INASP (le réseau international pour l'accès à l'information scientifique) publié en 2003 et portant sur l'offre des éditeurs aux PVD (Smart 2003), [End Page 125] ces initiatives indépendantes, dont plusieurs étaient antérieures aux programmes Research4Life, seraient plus coûteuses et moins efficaces.
Des offres sont proposées par des acteurs intermédiaires dans le cadre de programmes tel PERI6 (Program for the Enhancement of Research Information) développé par l'INASP ou celui de eIFL.net7 (electronic Information For Libraries), une organisation à but non lucratif qui, parmi ses multiples activités, négocie l'accès aux contenus scientifiques électroniques avec les éditeurs pour les consortiums de bibliothèques de PVD. Parmi ces différentes initiatives, notons également celle du Service électronique de Diffusion des Revues (eJDS8) administré par l'Académie des Sciences du tiers-monde (TWAS) et le centre international de physique théorique Abdu Salam. L'approche d'eJDS est de diffuser des articles scientifiques par email aux chercheurs de PVD où la bande passante est insuffisante.
Une autre approche consiste à proposer l'accès aux contenus scientifiques par le biais de bibliothèques numériques d'universités américaines. C'est le cas de l'université Cornell qui a lancé TEEAL9 en 1999 et offert des revues scientifiques dans le domaine de l'agriculture ou, la même année, celui d'OCLC avec l'African Digital Library. C'est aussi le cas de l'université de l'Iowa avec son projet Widernet en 2001. Enfin, l'offre de revues papier est l'approche adoptée par l'Association of the Commonwealth Universities (ACU10) en 2002. Elle est d'abord destinée aux pays africains puis l'offre est élargie à d'autres PVD membres du Commonwealth. Des offres indépendantes aux grands programmes d'accès aux contenus scientifiques, les initiatives ont été nombreuses et diversifiées depuis le début de la décennie. Certaines sont d'ailleurs principalement dédiées à l'Afrique.
2. Des initiatives pour l'Afrique
À de rares exceptions, les pays du continent africain connaissent des économies très précaires, ne permettant pas d'assurer des budgets suffisants aux bibliothèques de recherche. L'Afrique a été le continent qui a bénéficié des premières initiatives d'accès à l'information scientifique (JSTOR, PERI, . . .) et de nombreuses offres lui ont été exclusivement destinées. Le tableau 3 nous en donne un aperçu. Examinée de plus près, cette offre pour l'Afrique demeure largement anglophone et privilégie clairement les sciences techniques et la médecine (STM) puisque ces sciences sont indispensables à son développement économique.
Mais si l'Afrique aspire toujours à avoir accès à de nouvelles offres de revues internationales, elle a besoin également d'accéder à sa propre recherche (Murray 2007). Cela est réalisé d'une part par le biais d'un certain nombre d'initiatives sud-sud, ainsi que par la création d'archives institutionnelles en Afrique, dont « l'objectif est de contenir, valoriser et conserver l'ensemble de la production scientifique d'une institution » (INIST).
2.1 Les collaborations panafricaines
S'il ne fait aucun doute que le flux d'information Nord-Sud demeure vital, il est important de considérer également d'autres flux (Lor 2004) : le flux [End Page 126]
[End Page 127]
sud-nord, reflétant des initiatives tel AJOL et l'intégration de revues africaines dans les collections de certains éditeurs ou diffuseurs internationaux ainsi que le flux sud-sud que représentent les initiatives panafricaines. Conscients que l'aide du Nord est indispensable mais limitée, les africains ont compris qu'il fallait envisager une collaboration interafricaine et participer au développement de ces flux. L'assistance d'une institution étrangère est cependant souvent encore nécessaire car les infrastructures informationnelles sont très fragiles, et la littérature scientifique africaine est pauvre et difficilement accessible (Lor 2004).
Une des initiatives les plus importantes est le projet SIST (Système d'Information Scientifique et Technique) de la coopération française lancé en 2003 dont le but est de désenclaver la recherche africaine en lui fournissant un système d'information scientifique et technique. Citons également l'action du CODES-RIA (Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique), créé en 1973 par des chercheurs africains, qui oeuvrent pour le développement et la circulation des savoirs scientifiques en Sciences Humaines et Sociales (SHS) en Afrique.
D'autres organisations comme l'Association of African Universities (AAU) et l'African Capacity Foundation tentent d'encourager les universités et les instituts de recherche à archiver leurs productions scientifiques (Kanyengo 2006). Parmi les produits de l'AAU, on peut citer DATAD11 (Database of African Theses and Dissertations), une base de citations et de résumés de thèses de 10 universités africaines de prestige. Citons également le projet e-SAP (Electronic Supply of Academic Publications to and from Universities in Developing Regions), qui concerne pour le moment dix universités d'Afrique de l'est. Le serveur de documents est un projet de l'International Association of University Presidents (IAUP) et de l'International Federation of Catholic Universities (IFCU). Plusieurs collaborations existent qui couvrent divers domaines comme la recherche agricole, l'économie, la technologie, l'environnement, les questions politiques. Certaines sont financées par des organisations internationales comme les Nations Unies, ou africaines comme le NEPAD (New Partnership for Africa's Development).12
2.2 Les archives institutionnelles
Il y a une cinquantaine d'années, la Commission Economique des Nations Unies pour l'Afrique (UNECA)13 créait des archives institutionnelles dont l'objectif était de fournir toutes sortes d'informations utiles au développement économique et social en Afrique. De nombreuses autres ont été développées à l'initiative d'universités africaines. Ces archives sont particulièrement actives en Afrique du Sud mais également au Mozambique et au Kenya.14 Si le plus gros effort vient de l'Afrique du Sud, c'est que leurs moyens sont bien supérieurs à ceux des autres pays du continent. Un certain nombre de projets ont vu le jour dont UJ Digispace (Université de Johannesburg), Rhodes e-research Repository (Université de Rhodes), University of Pretoria Electronic Theses and Dissertations et bien d'autres.15 [End Page 128]
3. Quelle offre ?
Les offres destinées au continent africain proviennent majoritairement de sources anglophones. Les programmes Research4Life intègrent parfois quelques titres francophones publiés par de grands éditeurs comme Elsevier ou des éditeurs francophones, partenaires de ces programmes, comme EDP Sciences et John Libbey Eurotext. S'ajoutent aussi quelques revues canadiennes proposant une version francophone. Pour les éditeurs anglo-saxons cette barrière linguistique ne constitue pas un problème majeur. Au contraire, ils misent sur une adaptation progressive des chercheurs non anglophones à l'anglais (Brooks et al. 2005).
L'information scientifique provenant de sources francophones est principalement fournie par l'Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) via ses campus numériques francophones (CNF). Il en existe environ 18 en Afrique. Il s'agit de petites structures installées au sein des universités proposant l'accès à des bases de données internationales. L'INIST (Institut National de l'Information Scientifique et Technique) est un des principaux fournisseurs d'information. Des accès limités sont proposés à certaines collections de revues francophones dans le domaine médical (John Libbey Eurotext) et le domaine SHS (Cairn). L'Afrique bénéficie donc d'une offre de revues scientifiques importante et variée mais qui demeure parfois difficilement accessible du fait d'une infrastructure insuffisante et inadéquate.
4. Une infrastructure précaire
L'accès à la littérature scientifique numérique dépend d'abord des infrastructures techniques existantes (équipements, électricité, connexions internet). Jusqu'en 2008-2009, un grand nombre de pays africains ne disposaient pas d'une infrastructure suffisante pour pouvoir accéder à cette littérature. Le coût de la connectivité est élevé (Harle 2010; Piyushi 2010) mais depuis 2009 des projets d'installation de câbles de fibres optiques ont été mis en oeuvre. Auparavant, l'accès dépendait fortement de connexions satellitaires coûteuses, l'Afrique de l'Est ne disposant pas de câbles de connexion sous-marins (Harle 2010). La situation s'améliore depuis quelques années grâce à une série de projets répertoriés dans le tableau suivant.
Le NEPAD (The New Partnership for Africa's Development)16 a aussi mis en place le réseau ICT broadband Infrastructure Network avec un sous-projet ciblé sur l'Afrique de l'Est/sud pour l'installation de segments sous-marins et terrestres. L'objectif du NEPAD à travers ce projet est de relier tous les pays africains entre eux et au reste du monde par des câbles sous-marins (Uhurunet) et des câbles terrestres (Umojanet).17 Cependant, il y aurait un manque de coordination au sein du continent. Au Kenya par exemple, l'initiative du NEPAD serait en concurrence avec un projet du gouvernement. En outre, des désaccords existeraient entre les gouvernements africains sur la manière de gérer les connexions par câble et la fourniture de la bande passante (Harle 2010). Si l'aspect technique préoccupe l'ensemble du continent, il suscite encore bien des conflits. La connexion n'est pas le seul obstacle lié à l'infrastructure. Les coupures d'électricité fréquentes sont constamment évoquées (Harle 2010). Elles perturbent le [End Page 129]
[End Page 130]
travail de nombreux chercheurs devenus grands consommateurs de ressources électroniques. Le papier est plus utile dans de telles conditions.
Une autre barrière d'accès est le manque d'ordinateurs mis à disposition. Faute de financement, les bibliothèques sont pauvrement équipées en matériel informatique. Selon les bibliothécaires contactés lors de notre enquête, les bibliothèques sont donc désertées et de nombreuses ressources demeurent inutilisées, voire non découvertes. Néanmoins, plusieurs chercheurs disposent d'un ordinateur portable et peuvent ainsi accéder aux ressources depuis le campus universitaire.
5. Quel impact après une décennie ?
Malgré les progrès réalisés ces dernières années en termes d'infrastructures, la situation est loin d'être comparable à celle des pays du nord. Si l'on peut espérer de nettes améliorations dans un proche avenir, c'est un certain pessimisme qui prévaut quant à la viabilité des programmes depuis le récent désengagement de grands éditeurs d'HINARI, qui a suscité un flot de protestations de la part de la communauté scientifique, obligeant les éditeurs concernés à revenir sur leur décision (Chan et al. 2011).
Les programmes Research4Life, PERI, TEEAL et autres ont transformé l'environnement informationnel des chercheurs africains. Par exemple, beaucoup sont devenus de gros consommateurs d'HINARI, "HINARI is highly used in my institution. This is a highly valued database in Kenya and I believe in the whole of Africa. Our users were very disappointed with this news" indique Nasra Gathoni, présidente de l'Association of Health Information and Libraries in Africa, réagissant au retrait de plusieurs revues d'HINARI (Pérez Koehlmoos et Smith 2011).
Quelques études ont permis d'évaluer l'impact de ces programmes. La littérature n'apporte que peu d'information sur les résultats de ces différentes initiatives dans les PVD, sans doute parce que peu d'études d'impact ont été réalisées. La première date de 2004 : il s'agit d'un rapport demandé par la fondation Rockefeller sur l'impact de TEEAL. Tout récemment, les programmes Research4Life ont également fait l'objet d'une étude dont les portées sont plutôt encourageantes. Une autre a concerné PERI et il en existe peut-être plusieurs autres, dont les résultats n'ont pas été communiqués publiquement, des études internes dont nous ne pouvons rendre compte ici.
Les études concernant les programmes Research4Life et PERI font état de résultats positifs dans l'ensemble mais révèlent aussi des limites. Le succès majeur qu'il faut saluer est que les programmes ont permis aux chercheurs des PVD d'accéder à un volume et une qualité de littérature scientifique sans précédent. Cette ouverture a principalement créé la possibilité pour les chercheurs d'accroître leur production et d'améliorer la qualité de leurs publications (Ochs 2005; Burnett 2008; Parker 2010). Ils ont pu ainsi pénétrer les communautés scientifiques internationales. L'ensemble des études le prouvent. La plus récente, celle concernant Research4Life, compare la production des chercheurs dans les PVD avant (1996-2002) et après (2002-2008) la mise en place des programmes ; elle [End Page 131] indique une augmentation des articles publiés dans des revues à comité de lecture de 145% pour les pays de la zone 1 (PNB < 1 250 $) et de 194% pour les pays de la zone 2 (PNB entre 1 250 $ et 3 500 $), alors que les pays qui n'ont pas bénéficié de ces programmes ont vu leur production stagner (Parker 2010). Par ailleurs, l'étude sur PERI a établi que les bibliothécaires, qui jouent un rôle très important dans ce programme, avaient été valorisés par leur action. Ils sont en effet les principaux interlocuteurs tant pour les responsables des offres que pour les bénéficiaires (Burnett 2008).
Mais si ces initiatives ont eu des retombées plutôt favorables, elles ont néanmoins leurs limites. Ainsi, de nombreux bénéficiaires ne peuvent profiter pleinement de ces programmes à cause de problèmes matériels récurrents, spécifiques à l'Afrique (Ochs 2005). L'étude sur TEEAL indique une faible utilisation du dispositif dans les institutions qui manquent d'ordinateurs et où la connexion à Internet est très lente (Ochs 2005). Toujours selon la même étude, la langue est un facteur influençant l'accès à l'information proposée. Notre enquête l'a confirmé. M. Touré, conservatrice à la bibliothèque de la faculté de Médecine de l'UCAD18 à Dakar indique que les utilisateurs d'HINARI se plaignent de ne pas avoir accès à un plus grand nombre de revues francophones d'Elsevier Masson. Sur une collection de 172 titres de l'éditeur, seuls 6 sont accessibles sur HINARI. L'auteur de l'étude sur HINARI précise que les résultats sont quelque peu biaisés du fait de la prépondérance des répondants anglophones à leur enquête. C'est une critique que l'on pourrait faire également aux autres études qui tiennent compte essentiellement des utilisateurs africains anglophones. Enfin, d'autres facteurs ont gêné l'accès à certains programmes comme l'ignorance de leur existence ou une formation insuffisante (Ochs 2005), mais diverses formations mises en place auraient multiplié les inscriptions et fait augmenter l'usage (Burnett 2008). Les études sur TEEAL et PERI montrent que de nombreux chercheurs souhaitent accéder également à la recherche locale (Ochs 2005). Or l'édition locale, en Afrique par exemple, n'est pas très développée. Comme pour leurs collègues du Nord, les chercheurs sont tenus de publier dans des revues étrangères pour être visibles et reconnus. Ces études recommandent de leur côté une plus grande intégration des revues de PVD dans les programmes.
Comme le précise K. Parker, l'offre de revues scientifiques aux PVD a incontestablement contribué à une augmentation de la production des chercheurs et de leur visibilité, quels que soi(en)t le(s) programme(s) proposé(s). Néanmoins d'autres facteurs peuvent avoir influencé cette évolution comme la politique scientifique des pays, ou le financement de la recherche (Parker 2010). L'augmentation du financement à l'enseignement supérieur dans les PVD par différents bailleurs de fonds internationaux est sans doute aussi à l'origine de cette évolution dans la recherche africaine. Le poids de la France dans ces contributions est particulièrement important. En 2007, l'aide française pour les PVD représentait 1 361 millions de dollars. En Afrique francophone, une partie de cette aide est destinée à renforcer les moyens scientifiques (Lewis 2009). [End Page 132]
5.1 Notre enquête sur HINARI
La disponibilité des programmes Research4Life parmi les ressources proposées aux chercheurs semble hautement appréciée. Interrogés sur la place d'HINARI par exemple, la majorité des enquêtés répondent que le programme est une excellente ressource. Près de la moitié le classe même en tête. Toutefois, il convient d'être prudent car sur les quinze réponses reçues, la majorité provient de chercheurs kenyans, anglophones. Sur les deux répondants francophones, du Sénégal, un seul a déclaré connaître et utiliser HINARI.
L'accès se fait depuis le campus universitaire, le plus souvent dans le bureau du chercheur. Seulement quatre répondants déclarent accéder à HINARI depuis la bibliothèque, dont un en utilisant son ordinateur portable. Cela confirme les résultats d'études antérieures indiquant un manque d'équipements dans les bibliothèques. Soixante pour cent des répondants utilisent HINARI depuis plus de cinq ans, créant ainsi une accoutumance. Des bibliothécaires contactés admettent volontiers qu'il existe une certaine dépendance à ces programmes pour de nombreux chercheurs. Ainsi, quand Elsevier a décidé brusquement de retirer 1 610 revues d'HINARI au Nigéria, on peut imaginer l'incompréhension et le profond désarroi qu'ont pu ressentir les chercheurs, « We were not anticipating the withdrawal until 2015, so it came as a shock », indique Mme Henrietta Otokunefor, bibliothécaire à l'université de Port Harcourt (Nigéria). Parmi les vingt-deux revues (dans HINARI) citées par les chercheurs, dixneuf sont en accès contrôlé et neuf sont publiées par Elsevier, soit près de la moitié.
Concernant les ressources en libre accès, seuls deux répondants déclarent ne pas les utiliser. Leur commentaire libre sur l'accès aux publications scientifiques indique une demande de revues supplémentaires, de revues de nouveaux éditeurs, de plus d'accès au texte intégral mais reflète fortement leur besoin d'un accès libre à l'information scientifique. Au moins neuf répondants l'expriment clairement. L'un des deux répondants francophones déclare utiliser principalement des ressources en libre accès, en ayant recours à des agents de la francophonie pour le téléchargement des articles. Cette réponse quelque peu ambigüe mériterait plus de précisions. Par ailleurs, le petit nombre des réponses francophones ne nous a pas permis de tirer des conclusions pertinentes sur l'impact de telles offres en Afrique francophone, mais la comparaison avec les réponses des chercheurs kenyans semble montrer que les premiers sont de faibles utilisateurs des ressources proposées. Problème d'infrastructure, de matériels, de langue des contenus ? Tout ceci reste à explorer. [End Page 133]
Comme Elsevier, Springer et Lippincott Williams & Wilkins ont retiré 588 et 299 revues respectivement. Leur désengagement du programme HINARI en décembre 2010 a déclenché la sonnette d'alarme et montré la fragilité de ce modèle de fourniture de l'information scientifique dans les PVD. Le modèle vise à créer de futurs marchés plutôt qu'à satisfaire les besoins de ces pays : « Donor solutions are unsustainable, are governed by markets rather than by user needs, and instill dependency » (Chan et al. 2011). Ce serait une pratique courante des éditeurs, selon Kimberly Parker, directrice du programme HINARI : « the decision to withdraw free access is not an unusual practice once publishers start to secure "active sales" in a country » (Kmietowicz 2011). Cette action des éditeurs, qui montre que le confort dont bénéficient de nombreux chercheurs peut leur être retiré à tout moment, a relancé le débat sur l'Open Access, comme solution plus viable pour les PVD. Un certain nombre de modèles ont été envisagés mais il convient de les confronter aux principaux défis de ces pays et de l'ASS en particulier.
5.2 Des solutions plus adaptées
Les donations des pays riches ne sont pas viables (Chan et al. 2011). L'ASS a besoin d'une base solide de littérature scientifique pour ne plus dépendre d'actions philanthropiques dont le seul résultat est de créer une passivité des acteurs locaux concernés. Les offres dont bénéficient aujourd'hui les pays africains pourraient être reconduites après 2015 mais elles ne règleront pas tous les problèmes d'accès à l'information scientifique qu'ils connaissent. Aussi doivent-ils bien comprendre et évaluer leurs besoins. Les programmes Research4Life par exemple ne règlent pas l'accès à la recherche locale, qui est presque aussi importante que la recherche internationale. La plupart des bibliothécaires contactés indiquent que l'accès à la production africaine est essentielle pour les travaux des chercheurs.
Des initiatives comme Bioline International, PLoS ou AJOL ont permis de propulser plusieurs chercheurs africains sur la scène scientifique internationale, bien que les revues en libre accès ne pratiquent pas les mêmes conditions de publication : PLoS par exemple réclame des frais à l'auteur pour la publication (Article Processing Charge). Des plateformes comme SciELO ou Medknow Publications proposent des revues issues des PVD (Bandara 2011). SciELO offre aujourd'hui une vitrine (sud) africaine.19 Notre enquête montre que parmi les ressources en accès libre utilisées par les chercheurs, les plus citées sont AJOL et PLoS Medicine. Certains citent également Pubmed parmi ces ressources, mais il semble qu'il y ait confusion sur le type d'accès à cette base de données puisqu'il s'agit vraisemblablement de Pubmed (medline) via HINARI, certains le précisent, en accès restreint. Outre l'intégration de productions africaines, l'accès libre est un avantage indéniable. Les répondants à notre enquête, en particulier les bibliothécaires, semblent bien conscients que l'accès aux programmes est provisoire et que, faute de moyens, les solutions de libre accès peuvent être une alternative. Mais quelle solution privilégier ? Le libre accès se présente sous différentes formes comme le montre le tableau 6. Toutes, cependant, ne répondent pas entièrement aux défis qui se posent à ces pays. [End Page 134]
6. Quels besoins pour l'Afrique Sub-Saharienne ?
L'Afrique est le continent le plus pauvre de la planète et son plus grand défi est le manque de fonds nécessaires à son développement économique et scientifique (Murray 2010). En matière d'accès à l'information scientifique, nul doute que les différentes offres proposées ont été profitables aux chercheurs. Pourtant, elles ne règlent pas l'un des principaux problèmes des chercheurs africains, celui de leur visibilité, tant au nord qu'au sud.
La visibilité des productions africaines dans le continent est très faible à cause d'une édition locale et de circuits de distribution limités, qui constituent un véritable obstacle pour les chercheurs (Chan et al. 2005). Ces derniers accèdent souvent à la production africaine par des échanges entre collègues (courrier postal, électronique, photocopies), nous confie B. Dione, enseignant-chercheur à l'université Cheikh Anta-Diop de Dakar. En outre, les politiques des institutions africaines n'encouragent pas non plus le développement d'une édition locale puisque les chercheurs sont exhortés à publier dans des revues internationales, précise B. Dione. Des initiatives comme AJOL ou récemment SciELO tentent d'y remédier. La visibilité à l'international est sans doute meilleure aujourd'hui grâce aussi à l'intégration de publications africaines dans des collections d'éditeurs comme BioMed Central ou PLoS mais reste toutefois limitée et sujette à une méthode d'évaluation qui est controversée par de nombreux scientifiques (Chan et al. 2011). "The impact of the developing world research should [End Page 135] be measured by how much difference it makes to the needs of our communities, rather than by just how many international citation researchers receive in their publications", déclare B. Nzimande, ministre sud-africain de l'enseignement supérieur à l'occasion de la 29e conférence mondiale de l'UNESCO sur l'enseignement supérieur en 2009.
Le modèle auteur-payeur ou la voie dorée, choisie par BioMed Central ou PLoS pour proposer leurs collections en libre accès, ne semble donc pas être suffisant pour l'ASS. En revanche, un certain nombre d'études montre que l'auto-archivage ou la voie verte présenterait plusieurs avantages en réponse aux principaux obstacles du continent (Suber 2010; RIN 2011). La solution par le dépôt des productions dans une archive ouverte entraînerait pour l'ASS un coût faible (logiciel gratuit, pas de comités éditoriaux ni de partenaires d'édition). L'auto-archivage permettrait par ailleurs d'être plus visible, voire plus cité (Gargouri et al. 2010; Suber 2010) et ouvre de façon permanente l'accès à l'information scientifique locale et internationale, anglophone et francophone. Ceci bien sûr serait le scénario idéal à condition que l'on y croie.
Conclusion
L'année 2011 est porteuse d'espoir : "Let's make 2011 the year all researchers in the information-deprived regions are made aware of OA resources. Why depend on the vagaries of the market when alternatives are there at the click of a mouse?" (Electronic Publishing Trust for Development20). Ce ne sont pas les initiatives qui manquent pour fournir de l'information sur les multiples avantages du libre accès, de l'auto-archivage, citons SPARC21, OASIS22 et plus récemment GOAP.23 Depuis quelques années, des conférences sur le thème sont fréquemment organisées. Un exemple récent en Afrique est « Open Access Africa »24, en décembre 2010. Ces efforts ont relativement porté des fruits puisque la création d'archives ouvertes dans les universités africaines est en constante augmentation. L'Afrique comptait 19 archives en 2008 (Adewumi et Ikhu-Omoregbe 2011), elles sont aujourd'hui au nombre de 49 (source : Open-Doar, septembre 2011).
En revanche, le dépôt des publications dans les archives ouvertes, tant au Nord qu'au Sud, est encore timide, reflétant une méfiance des chercheurs due à la méconnaissance de ces archives, « Surveys have shown several reasons for faculty reluctance to deposit their work in repositories » (Grundmann 2009). Parmi ces raisons, il y a l'idée que l'on se fait de la qualité des productions disponibles dans les archives ouvertes. De nombreux chercheurs sont incités à publier d'abord dans des revues bien établies pour l'avancement dans leur carrière, le dépôt dans une archive ouverte d'un article publié n'est pas immédiat. « There is a perception that repository contents are not peer-reviewed and that repositories conflict with the prestige factor of publishing in respected journals for promotion and tenure decisions» (Harnad 2006). Ce constat, vieux de 5 ans, est malheureusement encore d'actualité surtout dans les pays du Sud.
Informer est essentiel mais n'est sans doute pas suffisant. Peut-être faudraitil plus de lobbying pour rendre obligatoire le dépôt des publications dans les [End Page 136] archives ouvertes, comme le pense S. Harnad (Harnad 2011). Cet auteur indique que "All that's needed is that the university and the research funder mandates (i.e., requires) that their researchers provide (Green, Gratis) open access by depositing all their papers in the institutional repository immediately upon acceptance for publication—for if you don't require it then most researchers don't deposit" (Harnad 2010).
Par ailleurs, peut-être pourrait-on commencer à envisager autrement l'évaluation et la communication scientifique dans les PVD comme cela a déjà été suggéré précédemment ? Le libre accès offre cette opportunité. L'objectif est d'évaluer les résultats de la recherche de ces pays aussi en fonction des besoins locaux tout en les rendant plus visibles et assortis d'indicateurs appropriés. "Another major potential of OA is the correction to the current structural problem of the academic evaluation and reward system, which has been dominated by a set of narrowly defined citation measures, most notably the journal impact factor (JIF), owned and controlled by the information conglomerate Thomson Reuters. The consolidation of the JIF as a global yardstick for measuring the quality of journals has created a highly competitive landscape of journal ranking and citation gaming, with journals from the developing countries being consistently marginalized" (Chan et al. 2011).
L'adoption du libre accès sous forme d'auto-archivage est l'affaire de l'ensemble des acteurs impliqués dans la recherche scientifique, chercheurs, institutions, organismes de financement, gouvernements. Aider les chercheurs d'Afrique sub-saharienne à avoir un accès permanent à l'information scientifique et à être plus visibles dans le monde, doit d'abord sensibiliser les différents acteurs au nord sur la portée d'une telle alternative pour les pays du Sud, régulièrement confrontés à une série de défis persistants que la plupart des offres actuelles ne réussissent pas à relever. La philanthropie est un geste généreux mais, à long terme, elle ne rend pas service à l'ASS.
Notre modeste investigation auprès des chercheurs et bibliothécaires africains sur le poids et l'usage d'HINARI dans l'offre d'information scientifique a permis d'identifier quelques points majeurs, notamment la notion d'accoutu-mance mais également le recours à des ressources en libre accès soit pour consulter une production africaine (AJOL) soit, concernant le Sénégal, pour accéder à une littérature francophone insuffisante dans les offres internationales. Ce dernier point reste toutefois à confirmer par une enquête plus approfondie en Afrique francophone, où les investigations en matière d'accès à l'information scientifique sont inexistantes.
Notes
1. HINARI, AGORA, OARE (http://www.research4life.org/).
17. http://www.nepad.org/fr/regionalintegrationandinfrastructure/int%C3%A9gration-r%C3%A9gionale-et-infrastructures.
18. Université Cheikh Anta-Diop.
21. The Scholarly Publishing and Academic Resources Coalition, http://www.arl.org/sparc/.
22. Open Access Scholarly Information Sourcebook, http://www.openoasis.org/.
23. Global Open Access Portal, http://portal.unesco.org/ci/en/ev.php-URL_ID=31316&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html.
24. Open Access Africa (10-11 November 2010, Kenyatta University, Nairobi, Kenya).
Références
Annexe A. Questionnaire adressé à la responsable d'un des programmes Research4Life, OARE, et ses réponses
OARE, as HINARI and AGORA, is a public-private partnership. Who does what ? What is the role /mission of each category of partners?
A.O.: The partnership in each case (HINARI for Health; AGROA for Agriculture; and OARE for Environmental Studies) is: UN Agency (WHO, FAO, UNEP) + a lead university or two (Cornell; Yale) + appropriate publishers who have journals and databases in that area of endeavor. In each of the UN agencies, there is an individual in a lead role, who organizes the UN agency's support for their project. In each University, there is "backroom" support for the projects - these differ. In the case of OARE, we maintain the Web site, add publishers links, add institutional registrants in the developing countries, and so on. The publishers make their journals available to the project(s), depending on subject.
What is the program budget? What are the guarantees for long-term sustainability of such a program?
A.O.: The UN agencies provide for their staff and technical support, as needed. The universities probably provide for the backroom operations either as part of their normal work routines or else via applying for grants. In the case of OARE, we have some grants for our part of the work. I don't know exactly the various budget amounts. Right now the funding seems to be in place till 2015, which is the deadline for the UN to achieve it's Millennium Development Goals. (You can find these on the Web.) After that - well, it will be 5 years from now and it is hard to predict how technology and the partnerships will have progressed.
About the agreements with publishers: Do publishers bear the program management costs or do they only offer their contents at reduced prices?
A.O.: They offer their content - for free in Band 1 countries and at a very cheap price in Band 2 countries. As far as I know, they don't collect any revenue - the Band 2 charges are ploughed back into in-country training. [End Page 140]
Is there any specific portal of access or do users access via links to the publishers websites?
A.O.: Yes, if you look at the various Web sites, you should find access paths - which do take one back to the publishers' source files.
In case of a portal, what about documents' citability? And in case users access documents via other ways?
A.O.: The portal is a way to get to the publishers source files as the Version of Record.
Are there agreements between developing countries institutions and the program managers?
A.O.: Not sure what you mean by this. As far as I know, we don't exchange elaborate licenses or anything.
How are institutions identified? By IP addresses or username/password?
A.O.: Authentication has been a challenge. Often IP addresses in developing countries do not stay stable - they can change. And passwords have their limitations, as you know. So it's a challenge we keep working on. Some of each!
How does OARE verify that users do not download more than 15% of a book or an issue (as indicated in the FAQs)? Do you have a specific system?
A.O.: So far as I can tell, it would be up to the publishers to see if their sites are experiencing particularly significant, sustained downloads.
Are there relationships with local publishers?
A.O.: One of the goals of the HINARI-AGORA-OARE projects (aka Research For Life, or R4L), is to engage local publishers, including open access publishers, into the program. There is headway on this matter, though more recent and not as rapid as it will become.
Annexe B. Questionnaire adressé aux chercheurs
Questionnaire : HINARI uses in African Institutions
Dear researcher, answer the following questions either by underlining or writing.
-
1. Are you using HINARI? (if your answer is "yes" go to Q° 3) (if your answer is "no" go to Q° 2)
A. Yes
B. No
-
2. For what reason(s) don't you use HINARI? (Answer then Q° 7, 9 and 10)
A. Never heard about it
B. Don't need it [End Page 141]
C. Don't have adequate equipment to use it
D. Don't know how to use it
E. Don't have time to use it
F. Other (please precise)
-
3. How long have you been using HINARI?
—
-
4. Where are you accessing HINARI?
A. Library
B. Office
C. Other place in University
D. Elsewhere (please precise)
-
5. What is the frequency of usage?
A. Sometimes
B. Often
C. Very often
-
6. Can you give 2 or 3 journal titles in HINARI among the most consulted?
—
-
7. What are the other electronic databases that you use for research?
—
-
8. How are you ranking HINARI among these databases?
—
-
9. Are you using open access resources (such as Bioline International, AJOL, PlOS Medicine, . . .)?
A. Yes
B. No
-
10. What would be your comment about accessing scholarly publications?
—
Annexe C. Questionnaire aux bibliothécaires
Questionnaire about the use of HINARI
Dear librarian, please answer the following questions either by underlining or writing.
-
1. Are there any use of HINARI?
A. Yes
B. No [End Page 142]
-
2. Who are the users of HINARI?
A. Researchers
B. Students
C. Both
D. Other (please precise)
-
3. How long users have they been using HINARI?
—
-
4. Where are users accessing HINARI?
A. Library
B. Office
C. Other place in University
D. Elsewhere (please precise)
-
5. What is the frequency of usage?
A. Sometimes
B. Often
C. Very often
-
6. What are the most other electronic databases that are used for research?
—
-
7. How are you ranking HINARI among these databases?
—
-
8. Are users using open access resources (such as Bioline International, AJOL, PlOS Medicine, . . .)?
A. Yes
B. No
-
9. Have users been affected by the recent withdrawal of some big publishers from HINARI?
A. Yes
B. No
C. A little bit
D. Don't know
-
10. What would be your comment about accessing scholarly publications?
— [End Page 143]