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  • Situations de Fougeret de Monbron (1706-1760)
  • Jean-Christophe Abramovici (bio)
Situations de Fougeret de Monbron (1706-1760) par Emmanuel Boussuge Paris: Honoré Champion, 2010. 768pp. 140€. ISBN 978-2-7453-1948-7.

La longue lecture des Situations de Fougeret de Montbron ne peut laisser au lecteur qui s'y est aventuré qu'une impression partagée. Sans nul doute, il s'agit là d'une « somme » que l'on peut tenir pour définitive sur cette figure marginale de la littérature des Lumières. Si Emmanuel Boussuge évoque à plusieurs reprises sa frustration devant certaines zones d'ombre laissées dans le tableau, la biographie encore « trouée » (24) de son auteur, ces dernières ne sauraient guère lui être imputées, étant considéré le nombre impressionnant de livres et archives épluchés, la minutie et la rigueur des recherches accomplies pour écrire cet ouvrage. Aucune notule critique évoquant Fougeret qui ait échappé à la sagacité du critique, aucune silhouette croisée par l'auteur de Margot la ravaudeuse qui n'ait le droit à son croquis et à de précieuses indications bibliographiques. On ne peut qu'être floué et souvent séduit par l'inépuisable curiosité, l'évidente force de travail de Boussuge, sa vraie âme de chroniqueur.

Les réticences que, dans le même temps, ces Situations de Fougeret de Monbron peuvent soulever regardent la forme autant que le fond de l'ouvrage. Consacrer 760 pages denses à Fougeret est peut-être un moyen de réparer une injustice, un coupable silence de l'histoire littéraire à l'égard d'un auteur à la paradoxale « singularité, relative mais considérable » (21); ce n'était peut-être pas le meilleur moyen de le remettre en lumière. Assumant tranquillement le « risque d'une certaine lourdeur » (96), Boussuge impose à son lecteur une triple traversée chronologique de la vie de Fougeret: bibliographique (résolution, œuvre par œuvre, des questions d'attribution), biographique et analytique (commentaire fleuve de chaque œuvre, reprise une à une dans l'ordre de leur parution). Qu'un tel plan ait pu apparaître, dans le cadre d'une soutenance de doctorat, comme le moyen le plus simple de présenter à un jury la masse des documents et informations collationnés pendant des années de recherche, il ne nous appartient pas de le commenter. Mais on ne peut que regretter qu'un tel choix ait été maintenu pour la publication en livre, que n'ait pas été envisagé un nécessaire travail d'élagage et d'une synthèse dont l'auteur était parfaitement capable, comme en témoignent les quatre pages remarquablement denses de sa conclusion (560-63).

L'orientation « néo-lansonienne » de la recherche de Boussuge n'est pas non plus sans laisser rêveur. Qu'on veuille prendre ses distances [End Page 288] avec les excès théoriques du structuralisme, de la religion du Texte et de la « mort de l'auteur », soit. Mais y a-t-il grand sens aujourd'hui à ressortir les vieilles enquêtes de « personnalité » (306), à parler de « fluctuations du débat intérieur à l'esprit de Fougeret » pour expliquer qu'il ait renié son anglomanie (336), évoquer son sentiment d'illégitimité sociale à la lumière d'une « insécurité identitaire », d'une « forme d'autoflagellation masochiste » (352)? De même, apparaît bien vaine l'inlassable poursuite d'une « vérité » toujours illusoire. Le résultat de recherche dont Boussuge paraît le plus fier regarde la composition de Thérèse philosophe et l'hypothèse selon laquelle Fougeret de Monbron serait l'auteur de l'Histoire de Manon rebaptisée Mme de Bois-Laurier dans la composition finale. Si cette idée n'a rien de farfelue, si même la démonstration de Boussuge apparaît plutôt convaincante, elle reste une hypothèse qui ne justifiait peut-être pas l'interminable « chronique d'une entreprise éditoriale clandestine » et ne modifie qu'à la marge l'interprétation que l'on peut faire du grand roman clandestin de 1748.

Car c'est bien au final la part plus que congrue réservée dans cette immense somme à l'analyse qui fait...

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