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  • Un Monde de Surfeurs, Géotropiques
  • Valérie Magdelaine-Andrianjafitrimo
Ravaloson, Johary. Géotropiques. La Roque d’Anthéron: Vents d’ailleurs, 2010. ISBN 9782911412769. 219p.

Né en 1965 à Antananarivo, Johary Ravaloson est un auteur original et pluriel, à la fois juriste de formation, écrivain, “plastikèr de paroles” (“plasticien” en créole), en itinérance entre la France, La Réunion et Madagascar. Il est aussi fondateur des éditions Dodo vole, avec sa compagne plasticienne Sophie Bazin avec qui il forme le couple Tsy Kantosy Tsimaninona (“inesthétique et insouciant”) ou Arius et Mary Batiskaf—rajoutant aux prénoms des écrivains coloniaux réunionnais Marius et Ary Leblond l’ironie du terme “batiskaf” qui désigne une Blanche vivant avec un homme de couleur. Il est également fondateur du mouvement “Dodo pour une esthétique du marronnage.” Cet homme atypique est sensible aux formes d’exclusion, de marginalité qui pèsent sur les individus et sur les cultures en voie de disparition bien qu’il se définisse comme “écrivain dégagé.” Hormis sa thèse de droit et divers articles juridiques, il a publié nouvelles, romans, pièces, albums pour la jeunesse, et proposé installations et performances. Malgré les prix qu’il a reçus, en particulier le “Prix regard poétique” du Salon international du livre insulaire d’Ouessant en 2009 pour une “relation de voyage,” illustrée par Sophie Bazin, Zafimaniry intime, Zaho Zafimaniry (Éditions Dodo vole: 2008), il demeure assez peu connu. Son roman Géotropiques, écrit en 2007, n’a ainsi trouvé à être édité qu’en 2010 chez Vents d’ailleurs et son autre roman, Les Larmes d’Ietsé, dont des extraits ont été publiés en 2008, reste annoncé à paraître chez le même éditeur.

Comme bien des romans contemporains, Géotropiques joue des distorsions autofictionnelles: toute la deuxième partie se compose d’une réécriture de passages de Zafimaniry intime, mais le voyage est cette fois effectué par B. et son premier compagnon malgache, Andy. La préface insiste sur la forte dimension autobiographique du texte, mais, là encore, fils fictionnels et réels sont indémêlables.

Cette préface s’ouvre sur ce qui aurait dû être le titre initial du roman, “la fermeture du Pic,” qui fait allusion à la fermeture du spot de surf “le pic du Diable” dans le sud de La Réunion après qu’un surfeur avait eu un bras arraché [End Page 313] par un requin. Le surf est la métaphore filée qui structure le texte et en donne les clés. Comme le confie l’auteur dans la présentation de son roman:6

Géotropiques évoque les attractions autrefois improbables ou réprouvées, devenues nécessaires sinon obligatoires à notre époque caractérisée par l’intégration globale, la vitesse et l’individuation . . . un monde de surfeurs. La structure du texte tente de reproduire le déplacement du surfeur suivant une vague: il avance puis recule, se laisse recouvrir par la vague, parfois il est complètement submergé, ballotté et rejeté, privé de toute vision, parfois il franchit le tube percevant dans des moments d’éblouissement la perfection et l’harmonie.

Les “géotropismes” renvoient donc aux déplacements, aux errances, aux attractions, écrit encore l’auteur. Dans la préface, il rappelle que B “vient de très loin. Au-delà de la géographie” et que c’est elle qui l’a “amené ici,” (6) des Hautes Terres vers la mer. Comme la vague flue et reflue, le tropisme l’attire et le repousse, que ce soit vers la femme aimée qui plusieurs fois s’éloigne de lui, ou d’un lieu à l’autre, Madagascar, La Réunion, ou l’espace interstitiel des eaux sur lesquelles il passe son temps à surfer. B., personnage obsédant de l’œuvre, incarne et est incarnée par la vague, l’inaccessible, l’idéal:

Tandis que je rêve de B. vague métaphorique mais certainement pas utopique, puisqu’il s’agit de ma vie, de notre vie, je veux toujours du reste aller au bout de cette vague unique, des questions comme “comment continuer” ou comme “ensemble...

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