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Rire et Angoisse dans L'Heptameron Colette H. Winn Washington University in Saint Louis Le rire est essentiellement contradictoire, c'est a dire qu'il est a la fois signe d'une grandeur infinie et d'une misère infinie . . . C'est du choc perpétuel de ces deux infinis que se dégage le rire. — Baudelaire, "De l'essence du rire," Curiosités esthétiques. Il n'est point surprenant de voir, en un siècle tel que le seizième, partage entre le doute et l'espoir, l'inquiétude et la joie, l'intérêt que suscita le phénomène de l'expressivité.1 Multiples furent a la Renaissance les reflexions sur les passions de l'ame, nombreux furent les traites sur le rire, presque exclusivement inspires des sources antiques. Les ouvrages de Girolamo Fracastaro (De sympathia et antipathia rerum, 1546), de Vicenzo Maggi (De ridiculis, 1550), de Laurent Joubert (Le Traite du ris, 1560), parmi tant d'autres, jouirent alors d'une immense popularité. Leurs idees se répandirent rapidement dans les cercles humanistes qui accueillaient avec ferveur les theories d'Hippocrate, d'Aristote, et de Lucien sur le sens et les vertus du rire.2 Nourris des textes anciens alors en vogue, ces traites sur le rire présentent d'innombrables correspondances avec la production plaisante de l'époque. Ainsi, le répertoire comique exploite dans les romans rabelaisiens ou dans les Nouvelles Recrutions de Des Périers ou encore dans VHeptameron de Marguerite de Navarre s'apparente aux registres determines par Joubert dans son savant ouvrage sur la nature et les sources du rire.3 Ce traite nous servira donc de point de depart pour passer en revue les procedes comiques dont Marguerite fait usage dans son recueil; on se penchera ensuite plus précisément sur la nature du rire et la fonction particulière que l'auteur lui confère dans sa fine observation du coeur humain. Parmi les brefs récits comiques qui egayent la longue serie d'histoires "piteuses," nombreux sont ceux qui se fondent sur un comique de situation , comique qui nait d'un geste ou d'une action, et que Joubert nomme, dans son traite, "fais accidentels" pour les distinguer de ces faits qui dissimulent une intention quelconque. Marguerite est pleinement consciente du rire irresistible et spontane qui nait des "faux pas" accidentels, trebuchement et lapsus: [I]I est vray que toute personne est encline a rire, ou quant elle veoit quelcun tresbucher, ou quant on diet quelque mot sans propos, comme souvent advient la langue fourche en parlant et faict dire ung mot pour l'autre, ce qui advient aux plus saiges et mieulx parlantes." 51 52Rocky Mountain Review Ainsi tisse-t-elle plusieurs de ses intrigues sur les catégories que Joubert mentionne: chute, nudité obscène, erreurs, crédulité.5 Dans la nouvelle XXIX, la "cheute" mal à propos (77? 18) sert à vivifier le motif traditionnel du triangle erotique. Chute au sens propre du terme qui prend une tout autre dimension dans la nouvelle XI. Car il s'agit là d'une chute au sens figuré, d'une véritable "dégringolade" sociale, d'une sorte de dé-sacralisation de la noble dame de Roncex qui rappellera au lecteur le malicieux tour que Panurge joue à "la haulte dame de Paris." On retrouve pareils motifs dans les deux histoires, à savoir l'allusion d'un goût fort douteux aux parties intimes du corps, le savoureux plaisir de voir les somptueux vêtements souillés et l'assemblement immédiat d'une foule de spectateurs, du sexe opposé, il va sans dire:6 A ce cry-là, entrèrent les gentilz hommes, qui veirent ce beau spectacle . . . l'ordure dont elle avoit toutes les fesses engluées. Qui ne fut pas sans rire de leur costé, ni sans grande honte du cousté d'elle; car, en lieu d'avoir des femmes pour la nectoier, fut servie d'hommes qui la veirent nue au pire estât que une femme se porroit monstrer. (89) Le choix approprié du lieu de la dé-sacralisation (le "re-trait" des cordeliers) nous engage à penser que le choix du nom de...

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