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  • Littératures, nº 60: Pierre Bergounioux
  • Manet van Montfrans
Littératures, nº 60: Pierre Bergounioux. Avant-propos par Yves Reboul et Guy larroux. Toulouse: Presses universitaires du Mirail, 2009. 247 pp.

L'œuvre de Pierre Bergounioux, né à Brive (Corrèze) en 1949, se caractérise par deux constantes thématiques étroitement liées: la double détermination de l'homme par son hérédité familiale et son lieu natal, et la volonté d'élucider cette emprise des origines par une réflexion érudite nourrie des apports des sciences humaines et naturelles. C'est à ces deux versants de l'œuvre que réfèrent les articles réunis dans Littératures nº 60. Les récits de filiation biologique relevant du cycle autobiographique paru entre 1986 et 1996 avaient déjà fait l'objet d'études approfondies de Sylviane Coyault (2002) et de Laurent Demanze (2008). Dans le présent recueil, de subtiles analyses de détail en enrichissent la connaissance. Plus inédit, l'examen de l'écriture réflexive des textes-essais parus pour la plupart après 1996, met à jour la filiation littéraire et culturelle, et montre un Bergounioux plus proche des historiens du long terme que de la tradition romanesque, de la science sociale que de la littérature. Dans l'article d'ouverture, Sylvie Ducas analyse les rapports particuliers que l'écrivain entretient avec ses prédécesseurs littéraires préférés. Loin de se contenter d'un ou de deux modèles, Bergounioux convoque plusieurs classiques de la littérature mondiale, d'Homère à Cervantès, de Stendhal à Faulkner. Ducas montre que ce n'est pas l'œuvre de ces auteurs mais leur biographie que Bergounioux place au cœur du processus d'écriture. En tant que témoin et scribe du bouleversement de la France rurale, il se cherche dans la figure de ceux qui, avant lui, ont vécu des mutations sociales ou cassures historiques comparables. Ce qui lui permet de passer du déterminisme local à l'universalité de la pensée ou de 's'abstraire à la réalité de la terre d'origine', pour reprendre une expression à Guy Larroux, de sa belle analyse des différentes formes que revêt l'évasion du lieu natal. Évoqué dès les premiers récits, Descartes réapparait dans Une chambre en Hollande (2009). Dans son analyse de ce court texte, Demanze souligne le contraste entre un survol de deux mille ans d'histoire, de tendances collectives et pluriséculaires d'une part, et d'autre part la biographie de Descartes qu'il situe dans la tradition des 'fictions biographiques'. La place importante accordée au hasard est aussi la part de liberté laissée à l'initiative individuelle. Ainsi, l'objectivité apparente de l'énumération des faits et des dates et l'enchaînement implacable des causes et effets sont [End Page 428] contrebalancés par un récit de vie qui, avec ses incertitudes et ses lacunes, bascule dans le romanesque, remettant en question les frontières entre historiographie et littérature. Si, dans ses histoires intimes, Bergounioux réintègre les sciences humaines dans la littérature, dans les essais il procède en sens inverse. Revenant sur les axes thématiques des contributions, un entretien d'Yves Reboul avec Pierre Bergounioux, suivi de quelques fragments inédits d'un Carnet de notes — le troisième en série, couvrant la décennie passée — concluent ce riche recueil d'articles. À sa lecture on ne pourra que souscrire à la thèse des éditeurs: si la mémoire rurale, collective ou familiale, passionne Bergounioux, figure majeure des lettres françaises, ce n'est pas seulement parce qu'il y retrouve ses origines, mais surtout parce qu'elle lui ouvre le champ de la réflexion.

Manet van Montfrans
Université d'Amsterdam
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