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  • Institutions chimiques
  • Brigitte Weltman-Aron
Jean-jacques Rousseau : Institutions chimiques. Édition critique par Christophe van Staen. (Âge des Lumières, 62). Paris: Honoré Champion, 2010. 408 pp., ill.

Ce texte inachevé, qui ne fut pas publié du vivant de Rousseau, a déjà fait l'objet de deux éditions intégrales, en 1919 (Annales de la Société Jean-Jacques Rousseau, 12) et 1999 (Paris: Fayard). Dans son excellente introduction, Van Staen, d'accord avec ceux qui dénoncent l'interprétation simpliste d'une hostilité de Rousseau à la science, retrace l'évolution dont témoignent les Institutions chez celui-ci. Comprenant d'abord la science comme magique et spectaculaire, dont l'accès aux secrets conduit à une maîtrise immédiate, Rousseau en viendrait à une vision plus modeste mais plus exacte de sa portée: les sciences n'en sont qu'à un stade liminaire, mais la rigueur scientifique remarquée dans les cours de Rouelle est déjà envisageable. En même temps son désenchantement grandit face à certaines pratiques savantes. En établissant la date des Institutions entre 1745 et 1747 environ, et en indiquant qu'il s'agit essentiellement d'une compilation d'ouvrages et de notes de cours, Van Staen rappelle aussi que Rousseau est alors secrétaire des Dupin, poste qu'il abandonnera ainsi que le projet des Institutions après le succès du premier Discours, qu'annoncent plusieurs arguments des Institutions. Ici Van Staen s'oppose surtout à certaines positions des éditeurs de 1999, Bruno Bernardi et Bernadette Bensaude-Vincent, qui lui semblent minimiser l'aspect vulgarisateur des Institutions. Ils en surestimeraient la portée en relevant un paradigme 'chimique' dans les écrits politiques de Rousseau, qui les conduit — autre objection — à vouloir faire coïncider l'époque du Contrat social et des Institutions. Cela dit, Van Staen montre que Rousseau s'écarte parfois dans les Institutions de son travail de compilateur pour formuler des jugements, dont le contenu et le style annoncent le premier Discours, mais aussi des arguments ou une manière d'évoquer puis de répondre à une objection présumée qui se retrouvent dans plusieurs écrits postérieurs. C'est d'ailleurs un des intérêts de la lecture de cet ouvrage qui, en dehors des historiens des sciences, s'adresse ainsi aux lecteurs de Rousseau en général: Rousseau y énonce des notions récurrentes dans son œuvre. Il voit dans la chimie l'accès à l'essence de la matière, car elle ne s'attache pas comme la physique à la surface des choses. Il s'autorise parfois des corrections, même de chimistes très estimés. Pour les lecteurs peu informés des sciences, les interventions de Rousseau les plus significatives pourraient concerner ce qu'il analyse comme 'le mécanisme' de la nature; la recherche de l'origine des choses, qui admet l'ignorance relative, rejette les systèmes qui expliquent tout, ainsi que les [End Page 400] causes obscures attribuées à un phénomène naturel (à cet égard, les jugements émis sur l'attraction de Newton sont éclairants). Par ailleurs, l'annotation critique de Van Staen permet de repérer les lieux où Rousseau introduit certaines positions, sur l'expérience par exemple, qu'il a relevées dans l'ouvrage qu'il compile à la suite de son introduction, mais qu'il encadre et amplifie considérablement d'un point de vue philosophique, en établissant par exemple la distinction entre l'observation et le raisonnement. Enfin, les lecteurs s'amuseront d'applications pratiques de la chimie détaillées dans les Institutions, comme la fermentation du vin, le blanchissage, la pharmacie, jusqu'aux dépilatoires et pierres précieuses artificielles.

Brigitte Weltman-Aron
University of Florida
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