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Reviewed by:
  • Les avocats, entre Ordre professionnel et Ordre marchand
  • Petya Slavova
Olivier Favereau (s. la dir.) Les avocats, entre Ordre professionnel et Ordre marchand. Paris : Gazette du Palais – Lextenso éditions, 2010, 222 p.

Davantage qu’un livre à proprement parler, Les avocats, entre Ordre professionnel et Ordre marchand est un rapport de recherche commandé à un ensemble interdisciplinaire de chercheurs, dirigé par l’économiste Olivier Favereau, par le Conseil National des Barreaux français. Toutefois, l’intérêt des résultats et de l’approche adoptée justifie de rendre compte dans ces pages d’un ouvrage relevant presque de la « littérature grise ». Cette recherche collective et interdisciplinaire s’est intéressée prioritairement au problème des conséquences économiques de la libéralisation du marché des services juridiques en France. Ce travail apparaît comme une analyse scientifique très fine de la profession d’avocat, certes, mais aussi comme une réaction contre la politique économique de libéralisation imposée par la Commission européenne à l’égard de cette profession. La Commission, en se basant sur un rapport scientifique,4 considère que les mécanismes qui coordonnent le marché des services rendus par les avocats (tarifs d’honoraires indicatifs, interdiction de la publicité, code déontologique) ainsi que les mécanismes qui coordonnent le marché du travail et assurent l’accès à la profession (long [End Page 280] parcours d’études, recrutement par des pairs, coût élevé que les jeunes payent pour s’établir comme indépendants) entravent la concurrence et contribuent à une augmentation incontrôlable des prix des services et à un difficile renouvellement de la profession. Elle propose ainsi de réformer ces mécanismes selon une logique marchande. Le Rapport propose un examen critique de cette politique de la Commission ainsi que des rapports scientifiques sur lesquels elle s’appuie pour prendre des décisions. De cette façon ce travail ouvre une piste de renouvellement des recherches sur les professions en les considérant comme un enjeu supranational, voire européen, mais aussi en mettant l’accent sur l’importance de la politique pour la vie professionnelle.

L’intérêt scientifique du Rapport tient aussi à l’approche que les chercheurs proposent pour étudier la profession d’avocat. En essayant de souligner les particularités propres à la profession en termes de contenu du travail, de valeurs communes et de règles formelles et informelles, en s’intéressant aux rapports que les avocats entretiennent entre eux mais aussi avec leurs clients, ces sociologues et économistes mobilisent un ensemble des concepts développés précédemment dans leurs travaux respectifs5, à l’intersection de l’approche sociologique de l’économie des singularités, de la sociologie économique des réseaux et de l’économie des conventions. La profession n’est pas décrite un acteur économique comme les autres, elle ne se plie pas simplement aux règles du marché, mais a son propre mécanisme de coordination qui est celui de l’Ordre, décrit à la fois comme un instrument de régulation et comme un dispositif de réflexivité. Toute politique de libéralisation qui ne respecte pas ces particularités de la profession menace dès lors son fonctionnement, mais aussi le bon fonctionnement de l’État de Droit puisque les services rendus par les avocats sont perçus à la fois comme un bien privé (l’intérêt du client particulier) et public (l’intérêt de l’État de Droit).

La profession d’avocat apparaît ainsi comme une entité collective plutôt homogène dont les membres partagent des valeurs et des institutions communes. L’hypothèse selon laquelle, au sein de la profession, existeraient des dynamiques permettant la formation des mouvements ou des segments professionnels (pour reprendre le terme, classique en sociologie des professions, d’Anselm Strauss) n’est pas avancée. Pourtant, dans leurs différentes analyses, les auteurs montrent qu’il existe différentes « groupes » d’avocats qui se distinguent fortement les uns les autres en ce qui concerne les pratiques de travail, le respect de la déontologie, la politique envers les jeunes collaborateurs. Le Rapport laisse ainsi l...

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